Trump, la déchéance
Le président sortant a perdu tout crédit politique mais pas sa capacité de nuisance. Comment l’empêcher d’instrumentaliser ses partisans contre Joe Biden?
L’envahissement violent du Capitole à Washington le mercredi 6 janvier par ses partisans après qu’il les a harangués pour marcher sur le temple de la démocratie américaine restera comme le symbole du fiasco de la présidence de Donald Trump. Ses détracteurs auront été effarés de voir jusqu’à quelles extrémités le milliardaire était disposé à s’abaisser pour rester au pouvoir et donner corps à la chimère du vol de l’élection du 3 novembre et de sa victoire.
Ses défenseurs, jusqu’à la journée tragique du 6 janvier (5 morts), auront été dépités de voir comment leur mentor a pu ruiner en une journée un bilan qui, à leurs yeux, annonçait des lendemains prometteurs dès les élections de mi-mandat en 2022 et, surtout, lors du scrutin présidentiel de 2024: un redressement économique convaincant, seulement dilapidé par la crise sanitaire, une adhésion populaire impressionnante pour un candidat à la présidentielle défait (plus de 74 millions d’électeurs) et une opposition qui s’annonçait combative depuis le bastion républicain du Sénat. Les deux premiers arguments ont été gâchés à jamais par la tache du 6 janvier ; le troisième s’est évanoui avec la victoire des deux candidats démocrates aux sénatoriales de Géorgie sur lesquelles a indéniablement pesé l’opération de sape contre le processus électoral de Donald Trump après le 3 novembre.
L’exceptionnalisme amu0026#xE9;ricain est-il mort le 6 janvier?
La carrière politique du président sortant semble fortement compromise. Il a évité un recours au 25e amendement de la Constitution qui, à l’initiative du vice-président et de membres du gouvernement, aurait pu le démettre en constatant son incapacité à exercer ses fonctions. Mike Pence s’y est logiquement refusé. Ce dernier est sous le coup d’ une deuxième procédure en destitution, déposée le 11 janvier par des élus démocrates de la Chambre des représentants, une première pour un président américain qui en dit beaucoup sur le virus de la division et de la haine qu’il a instillé dans le pays. Mais comme la précédente, elle est vouée à l’échec devant le mur de la majorité spéciale, 67 voix sur 100, nécessaire pour que le procès, qui se déroule au Sénat où les républicains disposeront de 50 sièges lors de la prochaine législature, aboutisse à une condamnation.
La stratégie périlleuse des démocrates
Moralement, le combat des démocrates se comprend. La présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi au premier chef, ils ne veulent pas que l’atteinte à la démocratie dont s’est rendu coupable le président reste impunie. Politiquement, le combat vaut la peine s’il met définitivement le milliardaire dans l’incapacité de se présenter à la présidentielle de 2024. Mais stratégiquement, il est dangereux. Pour le début de mandat de Joe Biden. Pour la cohésion de la nation que le président démocrate aura déjà bien du mal à rétablir. Et pour la sécurité des Etats-Unis alors que la tension pourrait encore s’exacerber le 20 janvier, jour de l’investiture du nouveau président. Les réseaux sociaux bruissent d’informations qui prêtent à des groupes armés l’intention d’attaquer les Capitoles (parlements) dans les différents Etats.
D’aucuns ont vu dans l’attaque du 6 janvier la mort de l’exceptionnalisme américain, cette conviction d’un destin particulier traduit dans une démocratie modèle, qui était déjà écorné après le fiasco de sa promotion en Irak. Il est sûr qu’une insurrection armée le 20 janvier lui porterait un coup fatal.
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