La tentative d’assassinat contre Donald Trump a encore dopé la vénération de ses supporters. © Getty Images

Présidentielle américaine: comment Trump a étendu son emprise sur le Parti républicain

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Le miraculé de la tentative d’assassinat du 13 juillet fait figure d’envoyé de Dieu aux yeux des militants républicains. Sa mainmise est complète. Les hésitants n’ont plus qu’à se taire.

«Je suis heureux qu’il (NDLR: Donald Trump) se porte bien. Jill et moi, nous le gardons, ainsi que sa famille, dans nos prières. […] La convention républicaine commence demain. Je ne doute pas qu’ils critiqueront mon bilan et qu’ils proposeront leur propre vision pour ce pays. […] Je continuerai à défendre fermement notre démocratie, notre Constitution, l’Etat de droit, à lancer un appel à l’action par les urnes, sans violence dans nos rues. […] Vous savez, la voie à suivre à travers les visions concurrentes de la campagne devrait toujours être celle de la paix et pas celle de la violence.» C’est ce que déclarait, dans une rare allocution depuis la Maison-Blanche, Joe Biden au lendemain de la tentative d’assassinat de l’ancien président, le 13 juillet, en Pennsylvanie.

Le 21 juillet, quelques minutes après l’annonce par le président des Etats-Unis de sa décision de renoncer à briguer un nouveau mandat au vu de son état de santé, une cause somme toute similaire à celle qui aurait pu affecter son rival s’il avait été blessé plus sérieusement, Donald Trump envoyait ce message: «L’escroc Joe Biden n’était pas apte à être candidat à la présidence, et il n’est certainement pas apte à exercer ses fonctions, et ne l’a jamais été! Il n’a atteint le poste de président que grâce à des mensonges, de fausses nouvelles et en ne quittant pas son sous-sol (NDLR: référence au fait qu’il ait mené la campagne électorale de 2020 depuis son domicile en raison du Covid). Tous ceux qui l’entouraient, y compris son médecin et les médias, savaient qu’il ne l’était pas. Et maintenant, regardez ce qu’il a fait à notre pays, avec des millions de personnes traversant notre frontière, sans aucun contrôle, beaucoup venant des prisons, des établissements psychiatriques, et un nombre record de terroristes. Nous souffrirons énormément de sa présidence, mais nous réparerons très rapidement les dégâts qu’il a causés.»

Accalmie éphémère

Où est la décence? Donald Trump en connaît-il le sens? Cet excès, après d’autres, pourrait-il se retourner contre lui, alors que d’autres républicains ont tenu à remercier le président en exercice pour sa décision, à l’image de Mike Pence, le vice-président de Trump, qui a salué le fait qu’il ait «fait passer les intérêts de [la] nation avant les siens». En fait, la modération qu’on aurait pu attendre d’une personnalité victime d’une tentative d’assassinat politique a été très éphémère. «Pendant la première demi-heure de son discours à la convention républicaine le 18 juillet à Milwaukee, il était plus calme, discipliné et avec une sorte de réflexion humaine sur ce qu’il avait traversé, comment il l’avait ressenti… La conclusion de tout cela étant que Dieu était avec lui. Ensuite, il est reparti dans le registre de ses attaques contre les démocrates en ajoutant toutefois quelques phrases sur le thème de l’unité, proclamant qu’il voulait être « le président de tous les Américains ». Cette formule est inhabituelle chez Donald Trump. Mais en réalité, son programme est extrêmement radical», analyse Nicole Bacharan, politologue spécialiste des Etats-Unis.

La chercheuse associée à la Fondation nationale des sciences politiques en donne pour preuve la désignation de James David Vance comme candidat républicain à la vice-présidence. «Le Parti républicain accepte d’être poussé à l’extrême droite. C’est devenu le parti de Trump. Il avait une emprise de gourou sur environ 30% de l’électorat républicain qui voulait Trump et rien que Trump. Il s’est servi de cela pour écraser tous ses concurrents potentiels, qui, eux aussi, avaient besoin de cette partie de l’électorat. Ils ont été confrontés à la difficulté de ne pas la fâcher. Mais ils se sont cassé les dents dessus. Résultat: aucun des républicains traditionnels qui, normalement, auraient dû être là, n’était présent à la convention. Ni George W. Bush, ni Dick Cheney, ni Liz Cheney, ni Mitt Romney, ni Paul Ryan… Ceux qui restent sont des trumpistes ou des opportunistes, ou les deux. Ils se taisent parce qu’ils savent que c’est Donald Trump qui peut leur assurer la victoire.»

«A Milwaukee, Trump est apparu comme un miraculé. Dieu est avec lui. Que faire contre cela?»

Culte de la personnalité décuplé

La politologue franco-américaine fournit un autre exemple de cette emprise trumpienne sur le Parti républicain. «Les délégués du parti venus de chaque Etat se réunissent au début de la convention, discutent et mettent au point ce qu’on appelle la « plateforme du parti », son programme. Ils votent et l’adoptent. Cette fois, c’est Donald Trump et une équipe très restreinte de trois à quatre personnes qui ont imposé leur plateforme au parti. C’est la première fois que ça se produit dans l’histoire. Les délégués s’attendaient à suivre les étapes obligées des débats et des votes. Or, ils se sont retrouvés à devoir signer simplement la plateforme. Certains ont tout de même été un peu frustrés. Mais comme cela venait de Donald Trump, c’est passé. Il a une mainmise sur ce parti qui est inimaginable.»

Cette emprise sur les militants du parti et sur l’électorat de base s’est encore accentuée depuis la tentative d’assassinat en Pennsylvanie. Avec des accents quasi sectaires qui peuvent inquiéter sur le déroulement de la suite de la campagne, et sur l’après-élection si le milliardaire échouait pour la deuxième fois à être réélu. «Une convention est toujours un moment où on met en scène à quel point le candidat est sublime et à quel point tout le monde l’adore, rappelle Nicole Bacharan. Cela fait partie du jeu. Mais à Milwaukee, Donald Trump est apparu comme l’envoyé de Dieu, un martyr pour la cause qui a versé son sang. C’est un miraculé. Dieu est avec lui. Que voulez-vous faire contre cela? La dimension du culte de la personnalité est décuplée.»

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