Carte blanche
Tribune à l’occasion de la journée mondiale des réfugiés
Jour après jour, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) égrène le nombre des personnes mortes noyées en mer en tentant de rejoindre nos côtes européennes. À de brèves occasions, quelques images réveillent nos consciences, mais le plus souvent, ces vies humaines s’éteignent dans le sommeil de l’indifférence.
Dans tous les pays du monde, le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge agit auprès des personnes en situation de rupture ou de fragilité. Qu’il s’agisse d’une victime de catastrophe naturelle, d’un blessé de guerre, d’un enfant en situation de handicap, d’une personne âgée dépendante ou d’une famille qui n’a plus les moyens de se vêtir ou de se nourrir, nous sommes là pour accueillir, protéger, soigner et relever.
Dans le respect des règles de droit et de nos principes et valeurs, il ne nous appartient pas de juger des motivations des personnes et des politiques migratoires des Etats. Nous ne sommes pas là pour favoriser ou décourager la migration. Notre rôle n’est pas politique, notre mission est humanitaire.
Car les personnes exilées sont en situation de fragilité. Quelles que soient les raisons qui les ont poussées sur les routes, elles sont loin de leurs familles, fatiguées, inquiètes. Ici, elles ne sont pas attendues, elles sont exclues.
« Doit-on les accueillir ? », « Peut-on les accueillir ? », « Comment les accueillir ? ». Dans tous nos pays, ces questions sont parfois exacerbéespar des débats où se confrontent toutes les passions et toutes les postures idéologiques.
A l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés, nous proposons quelques idées simples pour aborder ce phénomène complexe. Autour de ces idées, nous formons le voeu que les débats s’apaisent et que les sociétés se rassemblent.
Les Etats doivent définir leurs politiques migratoires en fonction de leurs capacités matérielles et sociales d’accueil et d’intégration. Pour en décider, ils doivent aussi prendre en considération l’état du monde et ses convulsions économiques, conflictuelles et climatiques, dont la migration est le plus souvent une conséquence.
Les Etats démocratiques ont le droit de réglementer la présence de personnes migrantes sur leurs territoires. Mais cela doit se faire dans le respect du droit international et de la législation du pays dans lequel ils se trouvent, qui protègent les droits et la dignité des individus et notamment celui de vivre en famille, sans stigmatisation et sans discours xénophobes.
Quels que soient la situation et l’avenir administratif des personnes, nous avons le devoir d’accueillir dignement chaque être humain. Cela passe par une action déterminée pour garantir :
- l’accès effectif à la procédure d’asile en prenant le temps d’instruire des situations souvent complexes ;
- le respect du droit à l’unité familiale, notamment pour les mineurs isolés ;
- l’assistance humanitaire et l’accès aux services sociaux, médicaux et psychosociaux de base ;
- l’accès à une offre d’hébergement qui respecte les droits et la dignité des personnes
- le non-recours autant que possible, à la rétention des personnes, notamment pour les enfants, qui peut constituer un réel traumatisme.
À un accueil inconditionnel et une décision administrative juste doit succéder un parcours d’intégration efficace. Cette efficacité repose sur un bon équilibre de droits et de devoirs. Le droit de se former, de travailler, de se loger dignement, de bénéficier de prestations médicosociales et le devoir d’apprendre la langue du pays hôte et de se conformer à ses lois et ses moeurs.
Pour réussir cette intégration, c’est toute la société qui doit se mobiliser. Les pouvoirs publics, les professionnels et les volontaires formés à l’action sociale ont un rôle majeur à jouer, mais chaque citoyen doit pouvoir y participer. Seul ce grand élan solidaire permettra de faire reculer les peurs, d’établir des liens de confiance, de favoriser la compréhension mutuelle, de rapprocher les points de vue et de bénéficier de l’apport économique et social de ces personnes, dont les différences, loin de nous léser, nous enrichissent.
Enfin, nous devons comprendre que la migration est un phénomène durable et global et non une crise temporaire et européenne. Si l’Europe doit jouer un rôle central dans la coordination des politiques migratoires, c’est à l’échelle du monde que nous devons faire preuve de créativité sociale et oeuvrer sans relâche pour le respect de la dignité humaine, du droit humanitaire international et contre les causes des migrations forcées, c’est-à-dire la pauvreté, les inégalités, la destruction de l’environnement et les violences de toutes sortes.
A l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés, nous, sociétés nationales européennes de la Croix-Rouge, appelons au réveil des consciences et à la refondation d’une politique migratoire durable et responsable.
Edouard Croufer et Philippe Lambrecht, vice-présidents nationaux de la Croix-Rouge de Belgique
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