Selma Benkhelifa
« Transmigrant, un mot qui ne veut rien dire. Une réalité mortelle »
Un réfugié érythréen s’est suicidé au centre fermé de Vottem ce 9 octobre. Victime de la chasse aux transmigrants. Inutile, coûteuse et inhumaine.
Jan Jambon et Theo Francken rivalisent de déclarations fracassantes au sujet des transmigrants.
On a pu lire dans la presse que « cet été, la quasi-totalité de la réserve de la police fédérale sera chargée de la lutte contre le trafic d’êtres humains et l’arrêt des ‘transmigrants’« . Ils sont traqués, pourchassés à travers tout le pays et détenus en centre fermé.
Francken en personne passe ses troupes en revue lors d’une rafle à Landen. Il s’est félicité ensuite sur les réseaux sociaux de cette magnifique opération policière durant laquelle un citoyen belge s’est fait méchamment tabasser. Dommage collatéral de la nécessaire chasse aux transmigrants.
Nécessaire ? Transmigrant, le mot ne veut rien dire, mais fait peur. Le mot déshumanise et c’est le but recherché. Le terme est bien plus négatif que réfugié. Pourtant, les transmigrants ne sont rien d’autre que des réfugiés victimes du règlement Dublin. Ce règlement européen prévoit que le pays d’Europe qui sera responsable de la demande d’asile est celui par lequel le demandeur est entré. Pas besoin d’être un expert en géographie pour comprendre que le premier pays sera plus souvent la Grèce, l’Italie ou la Bulgarie que la Belgique ou le Danemark.
Le règlement Dublin a été imposé aux pays situés aux frontières sud et est de l’Europe par les pays plus riches et plus puissants. Ce règlement est fondamentalement injuste pour ces pays qui doivent faire face à un nombre plus important de réfugiés alors qu’ils sont dans des situations économiques plus difficiles.
En septembre 2015, l’Union européenne décidait d’un mécanisme de quotas pour mieux répartir les migrants entre États membres : il s’agissait de soulager l’Italie et la Grèce. Selon Amnesty International, les États membres n’ont atteint que 28,7 % de l’objectif fixé au départ.
La solidarité européenne est un mythe auquel plus personne ne croit.
Un autre mythe européen consiste à prétendre que pour le demandeur d’asile, la situation sera la même en Grèce, en Bulgarie ou en Angleterre. Ce n’est pas vrai. Tout le monde le sait. Mais tout le monde fait semblant, sauf les réfugiés eux-mêmes transformés en transmigrants. Ils fuient, se cachent, évitent de demander l’asile. Et ils ont raison. S’ils introduisent une demande d’asile en Belgique, ils seront détenus en centre fermé pour être expulsé vers le premier pays par lequel ils sont rentrés.
Il suffit d’octroyer l’asile à ces transmigrants pour leur rendre leur humanité. Quoi qu’on en dise, ce sont des réfugiés
Le réfugié érythréen qui s’est suicidé à Vottem devait être expulsé vers la Bulgarie où il avait été victime de violences racistes. La situation des réfugiés en Bulgarie est connue. Mais en Europe, l’hypocrisie a force de loi. On fait comme si on ne savait rien. Et tant pis pour ceux qui se suicident.
La répression ne résout rien. Elle mène au drame.
La Belgique peut faire quelque chose de positif : appliquer la clause de souveraineté du règlement Dublin. Pour tous les demandeurs d’asile en provenance d’Italie, de Grèce, de Bulgarie et de Hongrie, il suffit de reconnaître la défaillance systémique et d’examiner la demande ici. Il suffit d’octroyer l’asile à ces transmigrants pour leur rendre leur humanité. Quoi qu’on en dise, ce sont des réfugiés.
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