Thomas Piketty dénonce l’hypocrisie de l’Allemagne envers la Grèce
Thomas Piketty trouve que l’Allemagne se comporte de manière hypocrite envers la Grèce. Il rappelle que l’Allemagne est le pays qui n’a jamais payé ses dettes. Pour sortir de l’ornière, il propose une conférence européenne sur la dette.
Thomas Pikkety est devenu l’un des économistes les plus influents du moment suite à la sortie de son analyse historique des inégalités : Le Capital au XXIe siècle. Dans une interview dans le journal Allemand Die Zeit, Piketty charge le gouvernement allemand. Il rappelle que les Allemands ont bénéficié en 1953 de l’annulation de leur dette extérieure pour pouvoir se reconstruire.
Une blague
L’Allemagne ne doit sa forte position économique, d’aujourd’hui qu’à la mansuétude des alliés après la Seconde Guerre mondiale dit-il. L’un des pays qui a signé l’annulation de la dette était… la Grèce. « Lorsque j’entends des Allemands dire qu’une dette doit à tout prix être acquittée, je me dis que c’est une blague. Car l’Allemagne est le pays qui n’a jamais remboursé ses dettes. Ils ont dès lors beau jeu de faire la leçon aux autres. »
Piketty prévient que ne pas « pardonner » à la Grèce pourrait avoir des conséquences sur plusieurs générations. On ne peut demander aux nouvelles générations de payer durant des décennies les erreurs de leurs parents. Il admet que les Grecs ont fait sans le moindre doute de grosses erreurs. « Jusqu’en 2009, le gouvernement grec falsifiait les comptes. Mais la jeune génération n’est pas responsable de ces fautes. Pas plus que ne l’était la jeunesse allemande dans les années 1950 et 60. On doit pouvoir regarder vers le futur. »
L’idée européenne
« L’Europe a été fondée sur le pardon de la dette et l’investissement dans le futur. Pas sur l’idée d’une pénitence infinie. Nous devons nous souvenir de cela. » précise Piketty. « Les conservateurs allemands risquent de détruire l’Europe et l’idée européenne » Piketty propose une conférence européenne sur la dette comme de celle qui prit place après la Deuxième Guerre mondiale. « Une restructuration des dettes grecques, mais aussi d’autres États de l’Union, est inévitable. » Et de conclure que « ceux qui veulent chasser la Grèce de l’Eurozone finiront dans les poubelles de l’histoire ».
Lettre ouverte à Angela Merkel
L’Allemagne doit « rectifier le tir » en renonçant aux politiques d’austérité en Grèce et en consentant un « important » effacement de la dette du pays, affirme mardi un collectif d’économistes, dont fait partie le Français Thomas Piketty.
« Nous exhortons la chancelière (Angela) Merkel et la troïka (des créanciers du pays) à penser à rectifier le tir, afin d’éviter un nouveau désastre et de permettre à la Grèce de rester dans la zone euro », indique la missive signée par cinq économistes et adressée à la dirigeante allemande.
Deux jours après le rejet par référendum des propositions des créanciers (FMI, UE, BCE), la Grèce n’avait mardi toujours pas présenté de plan de réformes pour éviter une sortie de la zone euro, que la Commission européenne admet ne plus exclure.
« A l’heure actuelle, le gouvernement grec est sommé de mettre un pistolet sur sa tempe et d’appuyer sur la gâchette », indique la lettre ouverte publiée par le magazine américain The Nation sur son site internet.
« Malheureusement, la balle ne tuera pas simplement le futur de la Grèce en Europe. La victime collatérale sera la zone euro en tant que havre d’espoir, de démocratie et de prospérité », ajoute leur courrier.
Selon ces économistes, l’Europe a été fondée après-guerre sur l’idée du « pardon » dont l’Allemagne a elle-même profité en bénéficiant d’un effacement de dette massif en 1953, et qu’elle doit perpétuer aujourd’hui. « Nous devons restructurer et réduire la dette grecque, donner à l’économie un peu d’air pour qu’elle se rétablisse, et permettre à la Grèce de rembourser une dette moins lourde sur une plus longue période de temps », assurent les signataires.
Athènes, soutenue indirectement par le FMI, réclame un allègement de sa faramineuse dette dont les Européens, Allemagne en tête, ne veulent pour l’instant pas entendre parler.
« Il est aujourd’hui temps de repenser, de façon humaine, le programme d’austérité punitif et infructueux des récentes années et accepter une réduction importante de la dette de la Grèce en relation avec des réformes tant attendues » dans le pays, assure le collectif.
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