Prayut Chan-o-cha
Prayut Chan-o-cha © Getty

Thaïlande: le Premier ministre suspendu par la Cour constitutionnelle

Le Vif

La Cour constitutionnelle thaïlandaise a suspendu le Premier ministre Prayut Chan-O-Cha le temps d’instruire une affaire qui pourrait la conduire à le démettre de ses fonctions.

L’instance peut prendre plusieurs semaines pour trancher ce noeud juridique qui a mis sous tension la capitale Bangkok, où des manifestations ont eu lieu mardi. Des élections générales sont attendues pour mars prochain.

Députés de l’opposition, professeurs, syndicats étudiants… De nombreuses voix se sont levées pour réclamer le départ de Prayut Chan-O-Cha, qui a atteint selon eux la limite de huit ans en poste fixée dans la Constitution de 2017.

Néanmoins, deux interprétations différentes pourraient permettre à l’ancien général (68 ans), approuvé par le roi le 24 août 2014 à la suite d’un coup d’Etat, de rester jusqu’en 2025 ou 2027.

« Laissons la Cour constitutionnelle décider », s’est borné à dire l’intéressé qui a esquivé les questions sur ce sujet brûlant ces derniers jours.

La Cour constitutionnelle a démarré mercredi officiellement son examen. Elle a voté à cinq juges contre quatre pour suspendre le Premier ministre, comme le demandaient les députés de l’opposition, à l’origine de la saisie.

Le vice-premier ministre et numéro deux du gouvernement Prawit Wongsuwan, âgé de 77 ans, doit occuper la fonction de Premier ministre par intérim.

« En cas de suspension, Prawit Wongsuwan sera Premier ministre par intérim, et Prayut Chan-O-Chan continuera comme ministre de la Défense, une fonction qu’il occupe actuellement », a déclaré mardi à la presse Wissanu Krea-ngam, également vice-premier ministre – il y en a six.

Une crise politique à quelques mois des élections

Si l’annonce de cette suspension est une surprise, les experts interrogés par l’AFP s’attendent à voir la Cour trancher dans le sens de Prayut Chan-O-Cha qui a résisté à toutes les crises depuis 2014, notamment lors des manifestations pro-démocratie massives de 2020.

« La longue liste des décisions à sens unique qui ont bénéficié à Prayut Chan-O-Cha parle d’elle-même (…) Le scénario le plus probable, c’est qu’il avance en claudiquant jusqu’à la fin de son mandat, au-delà de la limite des huit ans« , a expliqué Thitinan Pongsudhirak, professeur de sciences politiques à l’Université Chulalongkorn de Bangkok.

En cause, la Constitution de 2017, rédigée sous la junte militaire et jugée favorable aux intérêts de l’armée.

Une lecture pro-Prayut de ce texte prend comme point de départ du calcul des huit ans 2017, soit l’entrée en vigueur de la Constitution. Une autre prend même comme point de départ 2019, année des élections législatives qui ont légitimé son pouvoir.

Depuis mardi, des conteneurs déposés par les autorités barrent la route qui mènent à la maison du gouvernement à Bangkok, où plus d’une centaine de personnes ont réclamé le départ du Premier ministre.

La suspension pourrait rebattre les cartes en vue des élections générales prévues début 2023.

Ancien général comme Prayut Chan-O-Cha dont il est très proche, Prawit Wongsuwan est également le chef du Palang Pracharat, le principal parti au pouvoir.

Il a été rattrapé en 2018 par un scandale qui a révélé plus d’un million d’euros de montres de luxe non déclarées dans son patrimoine. Il a été plus tard blanchi des soupçons de corruption.

L’un de ses principaux dossiers sera la préparation du sommet de la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC) à Bangkok, les 18 et 19 novembre.

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