Foodtech Israël

Steak imprimé en 3D, miel sans abeille, poulet à partir de cellules: on a goûté la nourriture du futur (info Le Vif)

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Miel sans abeille, lait sans vache, ou steak imprimé en 3D : à première vue, ces énoncés n’ouvrent pas l’appétit. Pourtant, ils sonnent comme un avant-goût de la nourriture du futur. En Israël, des start-up s’activent à créer une nouvelle alimentation, qui, sur papier, prend le pari d’assurer une sécurité alimentaire avec un impact écologique inférieur à l’industrie actuelle. Défi prometteur ou vague utopie?

Créer votre nourriture du futur. C’est ce que les start-up de la foodtech israélienne promettent. Viande créée à partir de cellules, miel sans abeille ou du lait de vache sans vache font partie des innovations phares des nombreuses entreprises actives dans le pays.

Parmi elles, certaines sont déjà à un stade avancé dans leurs recherches et commercialisent leurs produits (là où elles le peuvent légalement). Alors que d’autres sont encore en phase expérimentale. Sur place, l’accès aux laboratoires, les rencontres avec les CEO, et les dégustations (parfois après avoir dû signer quelques décharges…) ont permis de se forger une opinion complète sur ce que propose la technologie israélienne. Voici les principales innovations qui ont attiré notre attention, et ce que nous en avons pensé.

Du miel sans abeille, la nourriture du futur?

Fabriquer du miel sans abeille, c’est le défi de taille que s’est lancé Bee-io, implémentée dans le Science Park de Rehovot, au Sud de Tel Aviv. L’entreprise est en phase de commercialisation aux Etats-Unis et espère conquérir l’Europe une fois les obstacles législatifs dépassés. Sa capacité de production actuelle (6000 tonnes par an) n’est pas anecdotique. Et surtout, elle n’est pas freinée par le « besoin » d’abeilles.

Le but de la start-up n’est pas de faire de l’ombre aux abeilles. Au contraire, elle entend protéger les sept espèces de butineuses capables de faire du miel, toujours plus demandées par la production industrielle, et dont la diversité est menacée.

Ce miel nouvelle génération est obtenu grâce à une biosynthèse mêlant nectar de la plante et protéine qui imite l’estomac de l’abeille. A la dégustation (une primeur, nous dit-on), c’est plutôt convaincant. La texture et la couleur sont fidèles à ce que l’on connaît du miel classique. Seul bémol, il nous a uniquement été présenté du miel aromatisé (lavande, eucalyptus, …). Une version « nature » aurait permis de mieux cerner le goût de base.  

Du « vrai » lait sans traire la vache: la nourriture du futur?

Pour produire un litre de lait de vache, 1000 litres d’eau sont nécessaires. Parti de ce constat, la start-up Wilk veut révolutionner la façon dont on produit le breuvage laitier. En se servant des secrétions produites par les cellules du lait, l’entreprise promet de reproduire un goût aussi proche que possible de l’original, tout en gardant les mêmes apports nutritifs. La commercialisation n’est pas encore pour tout de suite : Wilk vise une mise sur le marché en 2024, au plus tôt.

Même domaine, autre entreprise, un peu plus avancée que son acolyte. Imagindairy, qui promet du « vrai lait et pas de vache » est forte d’un capital d’investissement total de 28 millions de dollars. Cette start-up entend proposer aux consommateurs des solutions laitières durables, grâce aux protéines alternatives. Principal fait d’armes : l’entreprise a trouvé un moyen de créer des protéines de lait sans animaux, à partir de micro-organismes, via une technologie exclusive de fermentation. Cette dernière permettrait la production d’un large éventail de produits laitiers. Sans impliquer d’animaux, sans OGM et sans cholestérol.

Sur papier, c’est séduisant. Et dans la pratique aussi. La glace que nous avons eu l’occasion de goûter a tout d’une glace laitière classique. « Nous sommes la seule entreprise dans le monde à réaliser un tel produit », se vante Eyal Afergan, co-fondateur et PDG d’Imagindairy. Challenge pour la commercialisation de masse : le coût. « Personne n’a envie de payer 15 euros pour une bouteille de lait », nous glisse-t-on pendant la présentation. Objectif : mise sur le marché aux Etats-Unis l’année prochaine. Pour l’Europe, il faudra encore attendre un peu.

Du poulet à partir de cellules

« Un seul poulet peut nourrir le monde entier ». La phrase d’accroche d’Ido Savir, CEO de SuperMeat, a de quoi interloquer. Avec les cellules d’un unique poulet, l’entreprise les conserve, les multiplie à l’infini et peut s’en servir comme base de production. Cette start-up se donne comme mission « d’apporter au monde la viande du poulet de la plus haute qualité, cultivée directement à partir de cellules, dans un processus durable et respectueux des animaux. » SuperMeat est convaincue que « la viande cultivée améliorera le système alimentaire, assurera la sécurité nutritionnelle, réduira considérablement les émissions de carbone et augmentera la sécurité alimentaire dans le monde entier. » La start-up a-t-elle les yeux plus gros que le ventre ?

Sur place, on nous emmène au sous-sol, dans ce qui ressemble à un resto tendance, avec, de l’autre côté de la vitre, une vue sur les labos qui font grandir le « poulet » de demain. L’entreprise prend le soin de faire signer une décharge à tous les journalistes-testeurs-aventuriers qui souhaiteraient goûter le produit final, encore en phase expérimentale. Pas de poule mouillée ici, on a donc testé.

Mis en valeur dans ce qui s’apparente à un burger ‘gourmet’, le poulet est frit et entouré de panure. Verdict ? En bouche, on ne retrouve ni les saveurs ni la texture d’un poulet fermier du dimanche, dommage. Par contre, la ressemblance avec un « nuggets » est réussie, et le goût plutôt acceptable, même si le « poulet » est soigneusement entouré par tous les autres éléments du burger. Le produit n’est pas encore commercialisé. Il devrait l’être aux Etats-Unis, à l’horizon 2023.

Un steak imprimé en 3D

Reproduire de la viande à l’identique, sans animal, est une des activités favorites de la Foodtech israélienne. Pour y parvenir, trois pratiques sont principalement utilisées par les scientifiques locaux : la viande cultivée (à base de cellules), la viande à base de plantes, et enfin la viande fermentée.

Créée en 2018, Redefine Meat a connu une ascension fulgurante. La start-up n’est pas peu fière lorsqu’elle présente les quelques chefs étoilés qui ont choisi d’utiliser leur « viande » en restaurant. La produit, disponible sous différente forme (steak, saucisse, kefta…) est 100% « plant-based », et imprimable en 3D grâce à un dispositif technologique qui nous est présenté en grande pompe. Dans les labos, on s’active inlassablement à reconstituer les saveurs et la texture de la viande. Par exemple, grâce à un robot qui mime l’action de la mâchoire humaine. Déjà active en Allemagne ou aux Pays-Bas, la start-up ambitionne de concurrencer la vraie viande, et non pas les produits vegans. Ecologiquement parlant, les arguments de l’entreprise semblent implacables face à une industrie de la viande très gourmande en C02.

La dégustation est, il faut le dire, assez bluffante. Il est presqu’impossible de déterminer qu’il ne s’agit pas de viande. La texture est similaire à un vrai steak et le goût n’est pas déplaisant.

Dans cette quête du faux steak parfait, Aleph Farms ne passe pas inaperçu. L’entreprise peut compter sur de puissants investisseurs (comme Mitsubishi ou… Leonardo Di Caprio!) et promet, elle aussi, de trouver une nouvelle façon de produire de la viande avec un impact environnemental mineur.

La start-up (qui a bien grandi) se revendique leader dans le domaine de la viande cultivée (elle fut la première à créer un steak de viande cultivée, en 2018), grâce aux protéines alternatives. Les arguments de production ne manquent pas : s’il faut deux à trois ans pour obtenir un steak dans l’élevage industriel, la viande cultivée sera dans votre assiette en moins de quatre semaines, jure Neta Lavon, CTO d’Aleph Farms. Le seul échantillon qui nous est présenté est par contre peu ragoûtant: une tranche de « viande » sous vide, dont les nerfs apparents couperaient l’appétit aux plus affamés d’entre nous.

Un concombre qui se conserve 9 semaines de plus

Dans une vallée unique au Nord d’Israël, coincée entre le Liban et la Syrie, l’institut de recherche MIGAL s’affaire à dompter la nature et le climat… avec des méthodes naturelles. Ses fermes expérimentales sont logées dans un lieu singulier, où le climat extrême subtropical est terrain de jeu idéal pour l’agritech et la biotechnologie.

Ici, on tente d’inventer l’agriculture du futur, qui tient compte des changements climatiques constants. Sous une chaleur étouffante (les températures frôlent avec les 50°C durant l’été), litchis, bananes et avocats poussent aux côtés de cerises et de pommes, fruits qui nécessitent en principe des climats totalement opposés. Les scientifiques veulent y trouver le moyen de protéger la nourriture face aux conditions climatiques qui s’annoncent plus extrêmes encore dans le futur. Maintenir une sécurité alimentaire tout en combattant le gaspillage sont les deux objectifs qui en découlent.

Avec ses méthodes innovantes (des drones sont par exemples capables de repérer les plantes infectées), MIGAL tente de défier les lois de la nature. Faire pousser un avocatier prêt pour la production prend deux à trois ans, en temps normal. MIGAL se vante de le faire en huit mois.

Des techniques de conservation complexes, à base d’algorithmes, permettent d’allonger les temps de vie des fruits et légumes, le processus restant « natural friendly », assure-t-on. Ce temps de conservation allongé est censé séduire les supermarchés pour leur éviter des pertes économiques en réduisant les non-vendus. Pour un simple concombre, des algorithmes suggèrent une combinaison de traitements thermiques qui optimisent sa conservation… jusqu’à 9 semaines en plus de sa conservation de base.

MIGAL promet aussi des avocats durant toute l’année. Exit la notion « fruits et légumes de saison » : l’entreprise rêve d’une disponibilité constante des produits sans altération de la qualité ni l’utilisation de techniques non-naturelles.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire