Silvio Berlusconi, les femmes, les gaffes, la justice (portrait)
Décédé ce 12 juin, Silvio Berlusconi s’était fait une réputation dans le monde pour son goût très prononcé pour les belles femmes, sa propension à gaffer et ses innombrables tracas avec la justice italienne. Portrait de l’éternel revenant de la politique italienne, qui vient de tirer son ultime révérence.
Silvio et les femmes
Deux ex-épouses, une fiancée qui a pratiquement un demi-siècle de moins que lui et tant d’autres: Silvio Berlusconi ne se sera privé de rien dans ce domaine. « Je suis une personne joyeuse, j’aime la vie et j’aime les femmes », a-t-il déclaré.
Il a eu deux enfants de sa première épouse, Carla Dall’Oglio, et trois de la deuxième, Veronica Lario. Depuis 2011, il était en couple avec Francesca Pascale, âgée de 32 ans.
Mais celles qui ont fait le plus parler sont les participantes des célèbres soirées « bunga-bunga » organisées dans sa résidence dans les environs de Milan (nord), et en particulier Karima El-Mahroug, dite Ruby. Mineure à l’époque de ces soirées, elle a valu à Silvio Berlusconi une condamnation en première instance pour prostitution de mineure dans le procès « Rubygate », finalement balayée en appel et en cassation.
Silvio et les gaffes
Silvio Berlusconi était un gaffeur impénitent qui semblait ne pas pouvoir résister à la tentation de dire un mot de trop. En juin 2005, il affirmait avoir dû « user de tous ses talents de playboy » pour convaincre la présidente finlandaise Tarja Halonen de renoncer à la candidature d’Helsinki au profit de Parme pour le siège de l’Autorité européenne pour la sécurité des aliments (Efsa).
En décembre 2005, il assurait que le président russe Vladimir Poutine était « fièrement anticommuniste », qu’il avait « vécu le siège de Stalingrad ». Oubliant que Poutine est né en 1952, est entré au KGB en 1975 et a été membre du Parti communiste soviétique jusqu’en 1991.
En mars 2006, il prétendait que la Chine de Mao faisait « bouillir des enfants pour servir d’engrais dans les champs ».
En novembre 2008, il qualifiait Barack Obama de « jeune, beau et même bronzé ».
Au printemps 2009, il suggérait à une étudiante précaire d’épouser un millionnaire.
En avril 2009, il demandait aux rescapés du tremblement de terre de l’Aquila hébergés sous des tentes de « prendre ça comme un week-end de camping« .
En novembre 2010, aux prises avec un scandale sexuel, il déclarait qu’il valait « mieux avoir la passion des belles femmes qu’être gay ».
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Silvio et la justice
« J’ai dépensé 770 millions d’euros pour 105 avocats qui m’ont assisté au cours des procès », déclarait récemment Silvio Berlusconi à propos des déboires judiciaires qui on jalonné les 25 dernières années.
Les magistrats se sont intéressés à lui pour des affaires allant de la fraude fiscale à la prostitution de mineure et passant par le financement de parti politique et la corruption. La plupart des procès se sont terminés par des acquittements, en appel ou en cassation, ou surtout ont été frappés de prescription.
En 2013, la Cour de cassation a cependant confirmé une condamnation à quatre ans de prison (dont trois amnistiés) pour fraude fiscale. Il a effectué sa peine sous forme de travaux d’intérêt général (TIG) en 2014 mais reste inelligible.
Silvio Berlusconi, dont l’histoire des 25 dernières années se confond avec celle de l’Italie, était un éternel revenant. « Berlusconi a 12 ou 13 vies, c’est un chat au carré », reconnaissait Matteo Renzi, le chef du Parti démocrate (PD, gauche).
Certes, le sourire du « caïman », l’un de ses nombreux surnoms, s’était quelque peu figé et les opérations de lifting ont laissé des traces sur un visage au maquillage « épais comme le parquet », selon un éditorialiste de La Repubblica.
Qu’importe ! « Je suis comme le bon vin, en vieillissant je m’améliore et maintenant je suis parfait », avait-il tweeté en 2018. Et interrogé sur son éventuel successeur, il assurait: « Ce n’est pas facile de trouver un génie, mais comme je vivrai jusqu’à 120 ans, je le trouverai ».
L’âge obligeant, il avait dû renoncer aux réunions de campagne et aux bains de foules, mais il restait omniprésent sur les radios, télévisions et journaux, dont un bon nombre lui appartenaient
Fils d’un employé de banque milanais, né le 29 septembre 1936, Silvio Berlusconi a commencé à travailler en tant qu’animateur sur des bateaux de croisière, où il chantait et racontait des histoires drôles.
Irrésistible ascension
Après avoir obtenu une licence de droit, il s’est lancé dans les affaires: commence alors une irrésistible ascension qui soulève des interrogations quant à l’origine de sa fortune, sur laquelle il est toujours resté flou.
Mais c’est surtout dans le secteur de la télévision que s’est exprimé le génie créatif de ce grand communicateur, qui a choisi dans les années 1980 de saupoudrer ses programmes de femmes dénudées pour plaire au public.
La holding de la famille Berlusconi, Fininvest, comptait trois chaînes de télévision, des journaux, les éditions Mondadori et bien d’autres participations.
Silvio Berlusconi, fan de football, a également présidé pendant 31 ans l’AC Milan, qui a remporté cinq fois la Ligue des champions sous son ère, avant de la vendre en avril 2017 à des investisseurs chinois.
En 1994, affirmant redouter une prise de pouvoir de la gauche, il s’est lancé en politique, appuyé par son empire médiatique, pour créer Forza Italia (Allez l’Italie).
Après une campagne-éclair, un modèle de marketing politique, il est devenu chef du gouvernement mais est tombé au bout de sept mois, lâché par ses alliés. Il est revenu en 2001 et a conservé son poste cinq ans, un record depuis l’après-guerre.
Battu aux élections de 2006, il a pris sa revanche deux ans plus tard, s’installant aux commandes pour la troisième fois. Mais en novembre 2011, il a dû céder à l’économiste Mario Monti, sous les huées, les rênes d’une Italie en proie à une grave crise financière.
Toujours sans hériter politique, il a ressurgi sur la scène politique au printemps 2013 en raflant un tiers des voix au Parlement, un score qui avait contraint la gauche à une alliance compliquée avec celui qu’elle a pourtant toujours considéré comme son ennemi historique.
Mais le 1er août, la longue litanie de ses déboires judiciaires aboutissait à une première condamnation définitive, pour fraude fiscale: un an de prison, qu’il a effectué sous forme de travaux d’intérêt général dans une maison pour personnes âgées.
Il en a perdu son mandat de sénateur et gardé une inéligibilité contre laquelle il a saisi la Cour européenne des droits de l’Homme.
Son goût assumé pour les jolies femmes, y compris des call-girls, explose dans l’affaire du « Rubygate » et de ses soirées « bunga-bunga », avant d’être définitivement acquitté dans cette affaire par la Cour de Cassation.
Père de cinq enfants issus de deux mariages et plusieurs fois grand-père, en couple depuis 2011 avec une femme de près de 50 ans plus jeune que lui, Silvio Berlusconi suscitait chez ses compatriotes l’adulation inconditionnelle ou la haine viscérale.
Hyperactif, victime d’un malaise en 2006, il s’était fait implanter un stimulateur cardiaque, mais en juin 2016, il avait dû subir une opération à coeur ouvert.
En 2018 sortait Silvio et les autres (Loro, en version originale), biopic dans lequel Paolo Sorrentino brosse un portrait acide d’un Berlusconi vieillissant, qui ne séduit plus. Des médias l’ont surnommé «la momie», à cause de son épaisse couche de fond de teint et de son recours intensif à la chirurgie esthétique. En 2021, il avait été hospitalisé à plusieurs reprises à la suite d’un Covid long contracté l’année précédente.
Début 2023, le milliardaire avait été à nouveau hospitalisé pendant six semaines pour traiter un état de faiblesse lié à une infection pulmonaire, mais ses médecins avaient révélé qu’il souffrait de leucémie chronique.
Il s’était adressé début mai à ses sympathisants pour la première fois, dans un message vidéo, depuis sa chambre d’hôpital, assis derrière un bureau avec la bannière du parti et le drapeau italien derrière lui.
Personnage très controversé en Italie, le milliardaire – sa fortune atteindrait les sept milliards d’euros – a été le pionnier incontesté du populisme de gouvernement, phénomène qui, bien avant le trumpisme, a changé tous les codes de la politique.
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