Kim Jong-un
Kim Jong-un © Getty

« Si Pyongyang se permet quoi que ce soit de létal, il n’y a plus de Corée du Nord » (infographie)

Celine Bouckaert Journaliste au Vif
Eglantine Nyssen Journaliste au Vif, multimedia editor

Mardi dernier, un missile nord-coréen a survolé le nord-est du Japon, avant de tomber dans l’Océan pacifique. Ce tir d’un missile balistique de moyenne portée, une première depuis 2017, constitue une escalade dans la campagne intensive d’essais d’armement menée par Pyongyang. « C’est un régime dictatorial qui fait tout pour survivre », analyse le professeur André Dumoulin (ULiège), spécialiste de l’OTAN et de la défense européenne.

Le missile lancé par la Corée du Nord a conduit à une rare activation du système J-Alert, qui est apparu sur les écrans de la chaîne nationale NHK, appelant les résidents du nord et du nord-est de l’archipel à se mettre à l’abri. Aucun dommage ou blessé n’a été signalé à l’issue de ce tir, que le Premier ministre japonais Fumio Kishida a qualifié d' »acte de violence« .

Malgré les condamnations de la communauté internationale, Pyongyang a à nouveau tiré un missile balistique jeudi en direction de la mer du Japon. Ce tir est intervenu alors que le Conseil de sécurité de l’ONU était réuni à New York pour discuter du tir de mardi. L’état nord-coréen affirme que les essais d’armes sont de « justes mesures de rétorsion » contre Washington et Séoul et leurs exercices militaires dans la région.

Un état nucléaire à part entière

Pour André Dumoulin, « la question lancinante, c’est si la Corée du Nord est capable de miniaturiser une tête nucléaire« . Depuis 2011, l’année où Kim Jong Un a succédé à son père, on assiste en effet à une accélération des programmes nucléaire et balistique nord-coréens. En janvier 2016, le chef d’état nord-coréen a assuré avoir réussi à miniaturiser une tête thermonucléaire. En 2017, après encore plusieurs essais nucléaires Kim Jong Un proclame que son pays est devenu un Etat nucléaire à part entière.

« C’est un régime dictatorial qui fait tout pour survivre. La Corée du Nord est très mal engagée si elle devait entrer en conflit avec le Japon et les Etats-Unis. On est davantage dans de la gesticulation et elle veut montrer qu’elle a les capacités balistiques aptes à des portées plus importantes que par le passé avec toujours cette idée d’éventuellement pouvoir cibler certaines bases américaines dans le Pacifique », explique André Dumoulin. Il rappelle qu’il est tout à fait possible d’intercepter ces missiles.

Ces dernières semaines, Séoul, Tokyo et Washington ont multiplié les manœuvres militaires conjointes, notamment des exercices de lutte anti-sous-marine et des manœuvres navales à grande échelle. Jeudi, ils ont effectué un exercice conjoint de « défense antimissile » dans les eaux situées au large de la péninsule, auquel a participé un destroyer de la marine américaine appartenant au groupe d’attaque du porte-avions USS Ronald Reagan.

André Dumoulin estime qu’il vaudrait mieux réagir le moins possible aux tirs nord-coréens. « On a réagi puisqu’on assiège à nouveau avec de l’anti-aérien, mais il n’y a pas vraiment de rapport direct avec les tirs. Ce sont des processus de gesticulation signifiants en termes capacitaires, mais qui ne sont pas signifiants en termes d’emploi ou de volonté d’emploi », déclare-t-il.

« La paranoïa du dictateur »

Selon lui, la Corée du Nord souhaite surtout qu’on la laisse survivre. « Si elle se permettait quoi que ce soit de létal, il n’y a plus de Corée du Nord, conventionnellement, j’entends. C’est une dictature qui a besoin de montrer sa force pour ne pas qu’on des velléités de la déstabiliser ou éventuellement de l’agresser. C’est un peu la paranoïa du dictateur« .

Pour le spécialiste, « c’est le jeu classique de ceux qui possèdent des armes nucléaires de rappeler de temps en temps ils en ont. Evidemment, si on avait affaire à une puissance dite normale, elle aurait annoncé le test. Elle n’aurait pas tiré au-dessus du Japon ».

André Dumoulin ne voit pas l’utilité d’imposer de nouvelles sanctions à la Corée, car elles concerneront surtout la population. En mai dernier, la Chine et la Russie avaient mis leur veto au Conseil de sécurité à une résolution des Etats-Unis imposant de nouvelles sanctions à la Corée du Nord. « Dans une dictature en général, ce n’est pas le dictateur qui paie. Des sanctions ne changeraient rien à l’attitude de la Corée du Nord. La Chine est le seul pays capable d’influencer la Corée du Nord », rappelle-t-il.  

La Chine a rejeté mercredi sur les Etats-Unis la responsabilité du tir de missile balistique nord-coréen, les accusant d' »empoisonner » l’environnement sécuritaire de la région lors d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU toujours divisée sur cette question.

« Prenant note » du lancement par Pyongyang d’un missile balistique qui est passé au-dessus du Japon, l’ambassadeur chinois adjoint Geng Shuang a souligné les « nombreux exercices militaires conjoints menés par les Etats-Unis et d’autres pays dans la région ». « Les récents lancements de la Corée du Nord sont étroitement liés à la série d’exercices militaires dans la région« , a-t-il affirmé.

« Sur la question nucléaire, les Etats-Unis jouent un deux poids-deux mesures et sont engagés dans des manœuvres politiques empoisonnant l’environnement sécuritaire de la région. Dans ce contexte, les tensions accrues dans la péninsule ne devraient pas être une surprise », a ajouté le représentant chinois, appelant Washington à la « sincérité » et à « répondre aux inquiétudes raisonnables » de Pyongyang. (Avec l’AFP)

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