Sebastian Kurz, la nouvelle chute du « Wunderkind » autrichien
A 35 ans, le chancelier autrichien Sebastian Kurz tombe une deuxième fois: déjà démis par le Parlement en mai 2019, c’est un nouveau scandale de corruption qui l’a poussé à la démission.
Précocité, pragmatisme et tumulte: ces trois mots résument la carrière de celui qui était présenté hier comme « l’enfant prodige » de la politique autrichienne.
Né en 1986 d’un père technicien et d’une mère enseignante, Sebastian Kurz est un homme pressé: il devient secrétaire d’Etat à 24 ans, avant même d’avoir achevé son cursus de droit, puis ministre des Affaires étrangères à 27 ans, et plus jeune dirigeant d’Europe à 31 ans.
Visage adolescent et ton toujours posé, il a fait ses armes auprès des caciques du vénérable parti conservateur (ÖVP), pilier de la politique autrichienne depuis la fin de la guerre.
Ancien chef de l’organisation de jeunesse, il réussit une conquête à la hussarde de cette formation qu’il dirige depuis 2017, sous une nouvelle couleur (le turquoise pâle).
– De l’extrême droite aux Verts –
A sa précocité, Sebastian Kurz allie le sens du pragmatisme.
Après avoir remporté ses premières élections législatives en octobre 2017, il s’était tourné vers le parti d’extrême droite FPÖ pour former une majorité.
A une Autriche prospère mais déstabilisée par l’afflux migratoire, le jeune dirigeant propose la fermeture des frontières et un durcissement des conditions d’asile.
La rafale de mesures anti-immigration votées sous son premier mandat et ses relations tendues avec les médias ont fait de lui une personnalité clivante, à l’image de son homologue hongrois Viktor Orban, qui voyait en lui l’architecte d’un « pont » entre la droite et l’extrême droite.
Sebastian Kurz a certes toujours revendiqué ses convictions pro-européennes. Mais il a rarement recadré le FPÖ, alors que les provocations xénophobes de l’extrême droite ont écorné l’image de l’Autriche auprès de ses partenaires de l’UE. Sa passivité lui avait valu le sobriquet de « chancelier silencieux ».
Une ligne dure récemment réaffirmée sur le dossier de l’Afghanistan, M. Kurz refusant d’accueillir les réfugiés fuyant les talibans, ce qui a fait grincer des dents ses partenaires écologistes au sein du gouvernement.
Car depuis janvier 2020, Sebastian Kurz, dont les politologues saluent l’instinct politique et le talent rhétorique, était associé aux Verts, un virage radical après son alliance avec l’extrême droite.
– Flot de soupçons –
Le premier mandat du chancelier avait en effet connu une fin brutale dans la foulée du scandale de l’Ibizagate.
Filmé en caméra cachée en train de proposer des marchés publics à une jeune femme se faisant passer pour la nièce d’un oligarque russe, le chef de l’extrême droite autrichienne et vice-chancelier avait dû démissionner de toutes ses fonctions lorsque la vidéo avait été rendue publique en mai 2019.
Après l’implosion de sa coalition, Sebastian Kurz avait été renversé par une motion de censure du Parlement, une première dans l’histoire politique autrichienne.
Cette péripétie ne l’avait pas empêché de renforcer le score de son parti aux législatives de septembre 2019 et de revenir au pouvoir début 2020.
Mais un an plus tard, il était rattrapé par la justice. En mai, le parquet avait annoncé l’ouverture d’une enquête sur des soupçons de faux témoignage devant une commission parlementaire.
Il avait alors rejeté toute faute et refusé de démissionner mais la révélation cette semaine de son implication supposée dans une affaire de corruption aura scellé sa chute.
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