Sean Connery, James Bond éternel
Plus célèbre serviteur de sa Majesté dans le rôle de James Bond, Sean Connery a clos à jamais son regard séducteur à l’âge de 90 ans, laissant en héritage une carrière éclectique et un engagement profond pour son Écosse natale.
A 80 ans passés, il continuait à incarner un certain idéal masculin, du genre viril, mû par un irrésistible charisme, un détachement cynique derrière ses sourcils en accent circonflexe et une voix délicieusement rocailleuse. Un homme, un vrai, un alpha mâle comme on n’en ferait plus, et capable d’être élu homme le plus sexy de la planète au bel âge de 59 ans. Bref un tombeur, à l’image de James Bond, ce personnage qui lui collera à la peau pour l’éternité.
Mais avant de siroter des vodka-martini aux bars des plus somptueux casinos et de conquérir les plus belles femmes dans le rôle de 007, Sean Connery a d’abord cherché à fuir sa condition, particulièrement modeste. « Né dans la pauvreté abjecte des faubourgs d’Édimbourg, son rêve unique et primaire consiste à s’échapper. C’est la pauvreté qui a mis Sean Connery en route », souligne l’un de ses biographes, Michael Feeney Callan.
Il quitte l’école tôt et s’engage à 16 ans dans la Marine. L’expérience s’achève sur les quais de Portsmouth où il perfectionne ses passe-temps favoris: football -il est doué au point de se voir offrir un contrat par Manchester United -, boxe et filles.
C’est de cette époque que datent ses deux tatouages – « Mum and dad » et « Scotland forever » – sur l’avant-bras droit. Famille et Ecosse, les deux priorités de sa vie.
Polisseur de cercueils
Rendu à la vie civile au bout de trois ans après un ulcère, il enchaîne les petits boulots: maître-nageur, maçon, routier mais aussi livreur de charbon, garde du corps et polisseur de cercueil.
« Pour plaire aux filles », il se lance dans le culturisme et termine troisième au concours de Mister Univers 1950. Son 1m88 et son charme vont devenir son passeport pour la gloire. Il a 27 ans quand, repéré dans un téléfilm pour la BBC, il signe avec la 20th Century Fox.
Invité à passer un essai pour l’adaptation d’un roman d’espionnage, il refuse net. « Vous me prenez comme je suis ou vous ne me prenez pas ». Le bluff paye, et le rôle de 007 dans Dr No en 1962 lui revient pour 16.000 dollars.
Succès immédiat, il va incarner à six reprises (sans compter le non-officiel « Jamais plus jamais ») l’agent secret qui fera fantasmer des hordes de jeunes filles et rêver les garçons. « Il est impossible d’être un enfant des sixties sans avoir regretté à un moment ou un autre de ne pas être Sean Connery », écrit Christopher Bray dans Sean Connery: A Biography.
Propulsé star internationale, Sean Connery tourne dès lors avec les plus grands, en conservant en toute circonstance son accent écossais. Il gagne un Oscar avec Les Incorruptibles et interprète de plus en plus des rôles de père spirituel, dans Highlander, Le nom de la rose ou Indiana Jones et la dernière croisade. Le tout en devenant au fil des années « plus séduisant que jamais », comme le souligne le spécialiste du cinéma Christian Dureau. En 1989, le magazine People le consacré « homme vivant le plus sexy », alors qu’il va allègrement sur ses 60 ans.
Sa popularité ne sera jamais démentie: en 2013, il est élu acteur britannique préféré des Américains, dix ans après sa « retraite » au bout de 64 films.
Seul son combat pour l’autonomie de son Ecosse natale fait lever quelques sourcils. Il aurait aussi retardé jusqu’en juillet 2000 son anoblissement par la reine Elizabeth II.
« En exil » en Espagne ou aux Bahamas (pour des raisons fiscales), il a vécu ces dernières années à New York avec sa deuxième femme, la portraitiste française Micheline Roquebrune, rencontrée sur les greens de golf et aussitôt épousée, en 1975.
« Comme elle ne parlait pas anglais et que je ne parlais pas français, il y avait peu de chances qu’on sombre dans des discussions ennuyeuses. C’est pourquoi on a convolé si rapidement », plaisantait Sean Connery, marié une première fois à une actrice australienne, Diane Cilento, avec laquelle il a eu un fils, Jason, né en 1963.
Annoncé comme mort dès 1993 par des agences de presses australiennes et japonaises, il a fini par rendre les armes samedi à 90 ans. Car il est vrai: « On ne vit que deux fois ».
Sean Connery en quelques films
Première incarnation de James Bond à l’écran, le producteur et acteur Sean Connery a prêté sa plastique de rêve, ses moustaches dans tous leurs états et son accent écossais à des dizaines de personnages qui lui valurent un Oscar, un Golden Globe et plusieurs Bafta.
James Bond, six fois
En 1962, naît le mythe James Bond avec James Bond 007 contre Dr No. Pour incarner son personnage, le romancier Ian Flemming avait plutôt pensé à Cary Grant. Face à la divine Ursula Andress, il juge d’abord Sean Connery « trop frustre ». Mais il va changer d’avis rapidement. Avec Bons Baisers de Russie de Terence Young (1963) et Goldfinger de Guy Hamilton (1964), Sean Connery assoit définitivement le mythe 007, l’agent secret britannique qui mélange avec élégance machisme, envie d’en découdre et bonnes manières. Suivront Opération Tonnerre (1965) de Terence Young, On ne vit que deux fois (1967) de Lewis Gilbert, Les diamants sont éternels (1971) de Guy Hamilton et enfin le non-officiel Jamais plus jamais (1983) d’Irvin Kershner où James Bond vieilli est envoyé en cure par son supérieur.
Pas de printemps pour Marnie (1964)
Dans l’un des films les plus cruels d’Alfred Hitchcock, Sean Connery – qui échappe ainsi à son personnage de 007 – incarne un riche éditeur qui tombe amoureux d’une jeune secrétaire cleptomane et frigide (Tippie Hedren). Le maître du suspens semble fasciné par Sean Connery et sa virilité presque caricaturale, sa manière obsessionnelle de protéger celle qui deviendra sa femme et la découverte de toutes ses psychoses qui l’effraient et l’excitent.
L’homme qui voulut être roi (1975)
Dans les années 1880, deux anciens officiers britanniques rencontrent Rudyard Kipling et lui proposent de prendre le Kafiristan, un pays mythique où aucun Blanc n’est entré depuis Alexandre le Grand. John Huston livre un film d’aventure palpitant avec un Sean Connery passionné et mystique et un Michael Caine pragmatique.
Le Nom de la rose, 1986
Sean Connery, alors en période de disgrâce, était loin d’être le premier choix de Jean-Jacques Annaud pour incarner le rôle principal du moine Guillaume de Baskerville. Mais le réalisateur français raconte avoir eu « la chair de poule » lorsque l’Ecossais a commencé à lire le script et il l’engage contre l’avis de son agent qui le taxe de « vieux ringard ». Umberto Eco, l’auteur italien du Nom de la rose, avait les mêmes appréhensions. « Ce que tu as réussis le mieux, c’est ce que je craignais le plus. Sean Connery est formidable », dira-t-il à Jean-Jacques Annaud. Le rôle a valu un Bafta du meilleur acteur à l’Ecossais.
Les Incorruptibles, 1987
Le chef d’oeuvre de Brian De Palma sur la pègre à l’époque de la prohibition vaudra un Oscar et un Golden Globe à Sean Connery (meilleur acteur dans un second rôle) et le titre du « pire accent au cinéma de tous les temps ». Sean Connery, en vieux flic qui connaît bien le monde des truands, vole la vedette au jeune Kevin Costner face au grand Robert de Niro en Al Capone inattaquable.
Indiana Jones et la dernière croisade (1989)
En 1989, Steven Spielberg a l’idée de réunir Harrison Ford et Sean Connery dans un formidable duo d’acteurs qui fera un triomphe. Sean Connery incarne avec malice et élégance un médiéviste farfelu mystérieusement disparu que son fils, l’aventurier Indiana Jones, va tenter de retrouver. En 2008, alors que Sean Connery était à la retraite depuis cinq ans, il refusa de rejouer son rôle dans le quatrième volet de la série Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal, le jugeant trop anecdotique.
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