Royaume-Uni: Keir Starmer nommé Premier ministre par Charles III, Rishi Sunak annonce sa démission de la tête du parti conservateur
Les travaillistes sont de retour au pouvoir au Royaume-Uni, écrasant leur rival conservateur. Ils obtiennent la majorité absolue au Parlement. Leur chef de file Keir Starmer a été nommé Premier ministre par le roi Charles III.
Le chef du Labour britannique Keir Starmer s’apprête à entrer à Downing Street vendredi, mettant fin à 14 années dans l’opposition pour les travaillistes, après leur victoire sans appel face aux conservateurs lors de législatives marquées aussi par la percée inattendue de la droite dure. « Raz-de-marée »: le verdict s’affiche en Une des quotidiens britanniques, unanimes pour qualifier le tournant politique du Royaume-Uni, après 14 années de pouvoir conservateur.
Le chef des travaillistes britanniques Keir Starmer a été nommé Premier ministre par le roi Charles III vendredi après la victoire écrasante de son parti de centre-gauche aux législatives, selon une photo de leur rencontre diffusée par le palais de Buckingham. Accompagné de son épouse Victoria, l’ancien avocat spécialiste des droits humains de 61 ans, entré en politique il y a seulement neuf ans, a été reçu à la mi-journée pendant environ une demi-heure au palais de Buckingham. Troisième Premier ministre du souverain en moins de deux ans de règne, après les conservateurs Liz Truss et Rishi Sunak, il doit entrer dans la foulée au 10, Downing Street.
Le Premier ministre britannique Keir Starmer a promis un « renouveau national » pour le Royaume-Uni, après la victoire écrasante du parti travailliste aux élections législatives qui revient ainsi au pouvoir après 14 ans dans l’opposition. « Notre tâche n’est rien de moins que de renouveler les idées qui maintiennent l’unité de notre pays, un renouveau national », a-t-il déclaré dans un discours prononcé alors que son parti venait de s’assurer une majorité absolue dans le futur Parlement. « Je ne vous promets pas que cela sera facile », a-t-il ajouté.
Majorité absolue
Si la défaite des conservateurs était annoncée depuis des mois par les sondages, leur déroute s’avère historique, confirmant le désir de changement des Britanniques, exaspérés par la succession des crises, du Brexit à l’envolée des prix en passant par la valse des Premiers ministres ces dernières années.
« Le Royaume-Uni en rouge », la couleur du Labour, titre l’influent tabloïd The Sun qui avait appelé à voter travailliste. Le parti conservateur du Premier ministre sortant Rishi Sunak est désavoué avec son pire résultat depuis le début du XXe siècle: 131 députés élus, contre 365 il y a cinq ans sous Boris Johnson. Le Premier ministre britannique Rishi Sunak a annoncé sa démission de la tête du parti conservateur après sa défaite cuisante lors des législatives, présentant ses excuses aux Britanniques en quittant Downing Street. « Après ce résultat, je quitterai le poste de chef de parti, pas immédiatement, mais une fois que tout sera en place pour désigner mon successeur », a-t-il précisé avant d’aller présenter sa démission du gouvernement au roi Charles III.
Keir Starmer, un ancien avocat spécialiste des droits humains de 61 ans, sera chargé par le roi Charles III de former un nouveau gouvernement. Il ne s’est pas encore exprimé, attendant notamment son propre résultat dans une circonscription du nord de Londres. Les électeurs « réclament le changement » et « c’est à nous de répondre à cette confiance », s’est réjouie Rachel Reeves, qui devrait devenir la prochaine ministre des Finances dans le gouvernement travailliste et a été réélue dans sa circonscription. Mais elle a prévenu que le futur gouvernement devra s’attendre « à des choix difficiles » face à « l’ampleur du défi ».
Les libéraux-démocrates (centristes) se renforceraient avec 61 députés, redevenant la troisième force du Parlement. Mais la surprise du scrutin vient surtout du parti anti-immigration et anti-système Reform UK: il gagnerait 13 sièges, entrée bien plus fracassante que prévu pour la formation de la figure de la droite dure Nigel Farage. L’ancien héraut du Brexit a salué le début d’une « révolte contre l’establishment », alors qu’il devrait lui-même être élu pour la première fois au Parlement. En Ecosse, les indépendantistes du Scottish National party subissent un sérieux revers, pressentis pour n’emporter que 10 des 57 circonscriptions.
Le parti travailliste détiendra même la majorité absolue dans le futur Parlement britannique, selon des résultats partiels. Vers 04H00 GMT, le Labour avait sécurisé plus de 340 sièges, soit plus que les 326 sièges nécessaires pour obtenir la majorité absolue à la Chambre des Communes et pouvoir former seul le futur gouvernement britannique.
Soif de changement
Neuf ans seulement après être entré en politique et quatre ans après avoir pris la tête du Labour, le nouveau Premier ministre sera confronté à une aspiration considérable au changement. Le Brexit a déchiré le pays et n’a pas rempli les promesses de ses partisans. L’envolée des prix des deux dernières années a appauvri les familles, plus nombreuses que jamais à dépendre des banques alimentaires. Il faut attendre parfois des mois pour des rendez-vous médicaux dans le service public NHS. Les prisons risquent de manquer de places dès les jours qui viennent.
Dans une ambiance de luttes fratricides permanentes chez les conservateurs, les scandales politiques sous Boris Johnson et les errements budgétaires de Liz Truss, qui n’a tenu que 49 jours au pouvoir, ont fini d’exaspérer les électeurs. En 20 mois à Downing Street, leur successeur Rishi Sunak, cinquième Premier ministre conservateur depuis 2010, n’est jamais parvenu à redresser la barre dans l’opinion. L’ancien banquier d’affaires et ministre des Finances de 44 ans avait tenté un coup de poker en convoquant ces élections en juillet sans attendre l’automne comme beaucoup le pensaient, mais sa campagne a été calamiteuse.
Face à la défaite inévitable, son camp en était réduit ces derniers jours à mettre en garde sur le risque d’une « super majorité » laissant le Labour sans contre-pouvoirs. En face, Keir Starmer a mis en avant ses origines modestes – mère infirmière et père outilleur – contrastant avec son adversaire multimillionnaire, et promis le retour de la « stabilité » et du « sérieux », avec une gestion des dépenses publiques très rigoureuse.
Sommet de l’Otan
Peu charismatique mais déterminé, il promet de transformer le pays comme il a redressé le Labour après avoir succédé au très à gauche Jeremy Corbyn, le recentrant sans état d’âme sur le plan économique et luttant contre l’antisémitisme. Il assure vouloir relancer la croissance, redresser les services publics, renforcer les droits des travailleurs, réduire l’immigration et rapprocher le Royaume-Uni de l’Union européenne — sans revenir sur le Brexit, sujet tabou de la campagne.
Dès la semaine prochaine, le nouveau Premier ministre, qui devrait dans l’ensemble poursuivre la politique étrangère britannique actuelle, fera ses premiers pas sur la scène internationale à l’occasion du sommet des 75 ans de l’Otan à Washington.