Pourquoi le rire est la vertu supérieure à toutes les autres
Ancien directeur de Charlie Hebdo et de France Inter, Philippe Val fait l’éloge de la fantaisie et de la frivolité. Mais il est très sélectif dans son amour de l’humour.
«On mesure la qualité d’une civilisation à l’espace qu’elle laisse au jeu, à la distance, et aux plaisanteries qui tournent en dérision ses tabous et ses codes moraux. Il faut se battre pour que le jeu soit un droit inaliénable», affirme haut et fort Philippe Val, l’ancien directeur de Charlie Hebdo et de France Inter, dans Rire (1).
Pour découvrir ce qu’il pense réellement du rire, il aura fallu subir ce qu’il appelle lui-même «des démonstrations laborieuses, des digressions hasardeuses, des raccourcis épuisants» dans lesquels on rangera volontiers son obsession, qui est aussi très française, de la phobie du «wokisme», son énumération de ce qu’il serait désormais interdit de moquer, ou sa conviction que la plupart des comiques français, hormis Blanche Gardin et Alex Lutz, sont «des « clappers », des cabots fatigants qui remuent la queue parce que le public les félicite de voter à gauche». Reconnaissons cependant que Philippe Val s’est élevé contre la censure de l’humoriste, pourtant dans son cœur de cible, Guillaume Meurice, sous la menace d’une sanction pour une blague sur Benjamin Netanyahou dite et redite sur France Inter.
«Le rire est un effondrement provisoire de nos constructions narcissiques.»
Sorti du marigot franco-français, Philippe Val est plus intéressant quand il explique pourquoi «la fantaisie, la légèreté et la frivolité sont des vertus supérieures à toutes les autres». «Les témoignages fiables et concordants de débandades sous l’assaut d’un fou rire sont innombrables. A quoi cela tient-il? Peut-être à ce que le rire est un effondrement provisoire de nos constructions narcissiques», avance l’auteur de Rire. Mettre ses prétentions narcissiques de côté, c’est ce que réclame l’humour du Britannique Ricky Gervais, élevé au rang de maître par Philippe Val. «Avec l’air de ne défendre aucune cause, il défend la plus nécessaire, la plus dangereuse, la plus vitale pour la condition humaine, la cause du droit de rire jusqu’au fond de l’âme, de s’abandonner au rire incontrôlable, le droit de respirer, ne serait-ce qu’un instant, un air purifié de tout mensonge.» Le rire comme révélateur de la vérité, l’idée est accréditée par le constat que du nazisme à l’islamisme en passant par le communisme, les pouvoirs dictatoriaux ont toujours redouté les éclats de rire. A ce titre, comme l’assure Philippe Val, le rire peut sauver le monde.
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