Retour de Bachar al-Assad dans le giron arabe: les Emirats cherchent à ouvrir la voie
En recevant à la surprise générale le président syrien Bachar al-Assad, les Emirats arabes unis cherchent à ouvrir la voie au retour de la Syrie dans le giron arabe après des années de boycott, selon les experts.
En recevant à la surprise générale le président syrien Bachar al-Assad, les Emirats arabes unis cherchent à ouvrir la voie au retour de la Syrie dans le giron arabe après des années de boycott, selon les experts.
Ce déplacement, survenu vendredi, est le premier dans un pays arabe depuis le début du conflit en Syrie en 2011 qui a fait un demi-million de morts, poussé à la fuite des millions de personnes et plongé 90% de la population dans la pauvreté. Le régime de Bachar al-Assad, accusé de « crimes contre l’humanité », est considéré comme un paria par les Occidentaux et est visé par des sanctions qui ont grandement réduit ses liens économiques avec le reste du monde. Il a été aussi exclu de la Ligue des Etats arabes.
En 2012, les Emirats, ainsi que quatre autres monarchies arabes du Golfe -Arabie saoudite, Koweït, Bahreïn et Qatar- avaient rompu les relations avec la Syrie après avoir accusé le régime Assad de « tuer son peuple » et apporté leur soutien à l’opposition et aux rebelles.
Fin 2018 et après les victoires successives du pouvoir syrien aidé militairement par l’allié russe, les Emirats, hostiles aux groupes jihadistes et islamistes qui avaient gagné de l’influence en Syrie, avaient été la première monarchie du Golfe à rouvrir leur ambassade à Damas. Un rapprochement qui a culminé en 2021 avec la visite du chef de la diplomatie émiratie à Damas.
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Les Emirats « se considèrent comme un leader du monde arabe et lancent des initiatives dans l’espoir que les autres suivront (…) Ils font pression pour un retour de la Syrie dans le giron arabe, indépendamment du rôle du régime dans la mort et le déplacement de nombreux Syriens », explique à l’AFP Bader al-Saif, professeur à l’université de Koweït et chercheur au centre de réflexion Carnegie.
« Eclaireurs »
Même son de cloche chez le politologue Karim Emile Bitar pour qui « les Emirats ont commencé à assumer le rôle d’éclaireur il y a plusieurs années, quand ils ont été les premiers en 2018 à rétablir les relations diplomatiques » avec le régime Assad.
Pour le directeur du Centre de Damas pour les études stratégiques, Bassam Abou Abdallah, le pouvoir Assad cherche, au-delà du rapprochement politique, à relancer les liens économiques, le pays ayant surtout besoin de milliards de dollars d’aides pour reconstruire le pays et ses infrastructures ravagées par la guerre. Et relancer l’économie.
« La Syrie fait face à de très grands défis économiques et a besoin du soutien des pays arabes », dit-il à l’AFP.
La visite du président syrien, survenue après celle du chef de la diplomatie émiratie à Moscou, est significative, les Emirats ayant accueilli l’un des rares dirigeants internationaux à avoir soutenu l’invasion russe de l’Ukraine.
Bachar al-Assad est un allié clé de la Russie et « les Emiratis voient en lui une opportunité de négocier une nouvelle réalité au Moyen-Orient qui stabiliserait la région car M. Assad a gagné sa guerre civile et une puissance nucléaire le soutient pleinement », juge Nicholas Heras du Newlines Institute.
Se tourner vers Moscou
Les Emirats, même s’ils sont un partenaire régional stratégique de Washington, ne veulent plus contribuer aux « efforts américains pour maintenir un consensus international contre la normalisation » avec M. Assad, déclare M. Heras à l’AFP.
Ils « voient la Russie comme un acteur important au Moyen-Orient pour les années à venir et une puissance extérieure plus prévisible que les Américains. »
Ce rapprochement avec le régime syrien n’a pas été bien accueilli par les Etats-Unis qui se sont dits « profondément déçus et troublés par cette apparente tentative de légitimer Bachar al-Assad qui reste responsable de la mort et des souffrances d’innombrables Syriens ».
« Nous ne soutenons pas les efforts de réhabilitation d’Assad et nous ne soutenons pas d’autres qui normalisent les relations », a indiqué le département d’Etat.
Mais selon Bader al-Saif, les Etats-Unis ont aussi souligné auprès de leurs alliés au Moyen-Orient qu’ils doivent assumer davantage la responsabilité de leur propre sécurité. « Les Emirats s’y sont engagés, et cela signifie qu’il n’y aura pas toujours un alignement total avec les Etats-Unis alors que chaque Etat sert ses intérêts. »
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