André Flahaut
Remettons la politique internationale à l’ordre du jour
Suite au Sommet de l’OTAN qui vient de s’achever à Londres, cette carte blanche me donne l’occasion de témoigner d’un regret doublé d’une inquiétude. En effet, je m’inquiète qu’il n’y ait pas plus d’intérêt de notre personnel politique, des médias et, plus largement, des citoyens pour les enjeux internationaux.
Ce qui se passe ailleurs n’intéresse souvent pas grand monde. Le repli sur soi est une réalité. Et l’indignation que suscitent les bribes d’information internationale relayée par la presse, n’est que rarement suivie d’effet, c’est-à-dire d’action.
Le monde au creux de la main ?
Nombreux sont ceux qui pensent avoir le monde au creux de la main, à portée de smartphone. Mais le monde, tout compte fait, ne les concerne pas vraiment – pas plus que le temps d’un « like« bien vite oublié. L’actualité passe ; les images tragiques succèdent aux images tragiques, mais rien ne fait sens et les problèmes restent. Voici pourquoi il est temps de remettre la politique internationale au coeur de nos préoccupations, au coeur de notre engagement citoyen et de notre existence collective : la remettre à l’ordre du jour.
Évidemment, les relations entre les États sont complexes – plus complexes qu’hier, sans doute. En effet, les acteurs – politiques, diplomatiques, organisations non gouvernementales, associations ou lobbys – sont multiples, et les communications plus rapides que jamais. Admettons alors que le repli sur soi est une réponse à cette complexité et à la peur compréhensible qu’elle suscite.
L’urgence du multilatéralisme
La politique internationale doit nous mobiliser, car nous assistons aujourd’hui, jusqu’à la nausée, à une démesure belliqueuse et à une débauche d’injustice. Impossible de le nier : le sens du respect et celui du dialogue sont en berne. L’unilatéralisme que certains plébiscitent – aux États-Unis ou en Russie, par exemple – rend jour après jour notre monde plus instable. Le dernier Sommet de l’OTAN l’a montré une fois de plus derrière une façade fissurée.
L’unilatéralisme répond à une vision à court terme où, toujours, la démesure prévaut. Lorsqu’on agit seul, on se sent tout-puissant. On croit que le monde est simple. Mais la simplicité du monde est un fantasme. Pire, un fantasme destructeur ! Nous savons ce qu’il en est au Moyen-Orient pour le plus grand drame des populations civiles. Travailler ensemble, dans le dialogue et le respect, c’est au contraire se donner les moyens d’élaborer des réponses équilibrées et adaptées à la complexité de notre réalité collective.
Ceci étant dit, ne soyons pas naïfs. Nos institutions multilatérales vont mal. On les dit, plus que jamais, inefficaces et impuissantes. L’Union européenne est incapable d’exister sur le plan stratégique ; incapable de parler d’une seule voix sur la scène internationale ; incapable de cohérence stratégique. L’OTAN – qui était déjà tributaire de l’attitude erratique du président américain – ne sait désormais plus quoi faire avec l’un de ses membres : la Turquie. Le président Macron en parlant de « mort cérébrale » a eu, je crois, le courage et le mérite de susciter la discussion ; de réveiller les esprits, les consciences… Certains y verront-ils, peut-être, l’opportunité de créer une véritable « Europe de la Défense » – complémentaire à l’OTAN – afin que l’UE puisse diplomatiquement exister sur la scène internationale ? À l’heure on l’on nous rebat les oreilles avec le seuil des 2 % du PIB consacrés à la Défense, il est crucial de souligner combien l’enjeu n’est pas de dépenser plus, mais de dépenser mieux en mutualisant les achats entre les différents pays d’Europe. Quant à l’ONU, nombreux sont ses organes – l’UNESCO ou le Conseil des droits de l’Homme – qui subissent de lourdes coupes budgétaires à cause de l’attitude de certains États : Israël ou les États-Unis.
Repenser le rôle international de la Belgique
On parle bien souvent de la Belgique comme d’un « petit » pays. Ce n’est pas faux. Mais notre pays n’en compte pas moins parmi les membres fondateurs de nombreuses organisations internationales : l’UE, l’OTAN et d’autres. À mes yeux, ce double statut confère à la Belgique l’opportunité d’apporter des réponses originales devant les grands enjeux internationaux : éducation, droits humains, égalité entre les hommes et les femmes, santé, etc.
Très concrètement et à titre d’exemple, il est essentiel de mettre à profit le siège que nous avons au Conseil de Sécurité des Nations unies pour approfondir notre rôle et celui de l’ONU sur la question israélo-palestinienne. Ne le nions pas : le processus de paix au Moyen-Orient est aujourd’hui au point mort. Et la communauté internationale – y compris l’UE – s’en est progressivement désintéressée. Or la Belgique dispose aujourd’hui de leviers crédibles pour relancer ce processus. Nous devons continuer de dénoncer le désastre humanitaire et les innombrables ravages de la colonisation grandissante. Nous devons continuer d’être aux côtés des Palestiniens et de relayer la tragédie qu’ils endurent.
En outre, nous devons saisir l’opportunité de développer des collaborations trilatérales, par exemple avec la Chine et le continent africain. La Belgique pourrait jouer – en s’appuyant sur son Histoire, son expertise et son expérience de terrain – un rôle de facilitateur ou de relai de confiance entre tous les acteurs. Dans ce domaine comme dans d’autres, je défends la logique du partenariat qui implique à la fois d’intervenir dans le respect ; de ne pas chercher à transposer les modèles ; de travailler pour la formation des formateurs. Le terme de « partenariat » a toujours eu ma préférence par rapport à celui de « coopération » qui, trop souvent, est entaché de paternalisme ou de néocolonialisme.
Construire une paix durable
La Belgique et ses Régions ont déjà démontré qu’elles étaient en mesure de mettre en oeuvre des programmes d’aide performants à destination de pays prioritaires que sont le Maroc, la République démocratique du Congo ou encore le Sénégal. Il nous appartient maintenant de capitaliser sur nos succès, sur les leçons acquises et de renforcer la crédibilité de nos partenariats. Seuls un retour à nos domaines d’excellence et une concentration sur les pays d’Afrique et du pourtour méditerranéen peuvent nous assurer de contribuer, dès à présent, et efficacement à un développement et une paix durables.
La voie du partenariat, c’est celle du progrès. Elle seule peut répondre de façon juste et respectueuse aux défis qui se posent aujourd’hui comme à ceux qui viendront demain.
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