« Quand on n’ose plus rien dire de peur de passer pour un réac »: on peut être de gauche et contre l’idéologie woke
Le journaliste et essayiste Thierry Keller fustige le diktat des tenants du gauchisme qui voit des réactionnaires partout.
Journaliste et essayiste, cofondateur de la revue Usbek & Rica, Thierry Keller n’en peut plus d’être cloué au pilori, assigné au silence et traité de militant d’extrême droite chaque fois qu’il conteste des actes de militants wokistes. Pour lui homme de gauche, cet arbitraire n’est plus supportable. Il l’explique et propose des pistes de solutions dans Quand on n’ose plus rien dire de peur de passer pour un réac (1).
A l’origine «le fait d’être Noir et discriminé» aux Etats-Unis, une réalité difficilement niable, le mouvement woke («éveillé») s’est étendu aux autres minorités avec des moyens d’action qui ont gagné l’Europe: la cancel culture (culture de l’annulation), la singularisation de personnes «racisées», la dénonciation systémique d’un privilège blanc. Thierry Keller met en exergue les domaines où ce qu’il préfère appeler le gauchisme s’exerce principalement: l’histoire, la culture et l’entertainment, le monde de l’entreprise et l’identité, à travers l’antisémitisme.
Adepte de l’analyse nuancée là où il y en si peu, l’auteur trace un chemin intéressant «entre le marteau gauchiste et l’enclume réactionnaire». «On n’est pas raciste parce qu’on est Blanc. On n’est pas sexiste quand on est homme. On ne fait pas d’appropriation culturelle quand on porte une robe en wax. On n’a pas à “checker” ses privilèges ni à se flageller pour les crimes de la colonisation. Ça, ce n’est pas être de gauche, c’est être un petit bourgeois perclus de morale judéo- chrétienne», insiste-t-il.
Comme exemple de réponse pertinente à ces accusations, Thierry Keller cite la réplique de l’acteur danois Viggo Mortensen, mis en cause pour avoir joué et mis en scène un personnage gay, sans l’être officiellement lui-même, dans son film Falling, sorti en 2020: «Comment pouvez-vous savoir ce qu’il en est de ma vie? Vous partez du principe que je suis complètement hétérosexuel. Peut-être, peut-être pas. Et ça, ça ne vous regarde pas. Je veux que mon film fonctionne et que le personnage de John soit bon.»
«Le préalable à une contre- attaque intelligente contre les inquisiteurs qui nous tétanisent consiste à relever la tête, compter nos soutiens et s’avancer confiants sur le champ de bataille qu’est devenu le débat public», enchérit Thierry Keller. L’essayiste reste optimiste: «Il existe un chemin pour affronter nos grandes querelles sans verser dans la crise de nerfs. Sur tous les sujets qui enflamment le débat public, une majorité est d’accord pour concéder un peu pour gagner beaucoup.»
(1) Quand on n’ose plus rien dire de peur de passer pour un réac, par Thierry Keller, L’aube, 288 p.
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