Dessin représentant l'avocat des parties civiles Claire Josserand-Schmidt, écoutant Salah Abdeslam, premier suspect des attentats du 13 novembre 2015, Pris, 30 mars 2022

Procès du 13-Novembre: retour sur les interpellantes déclarations de Salah Abdeslam

Ce mercredi 13 avril, le procès des attentats du 13 novembre 2015 a pris un tournant. Salah Abdeslam, principal accusé, a pour la première fois raconté avec détails la soirée du drame. Souvent muet, parfois provocateur et rarement empathique, la personnalité du seul survivant des kamikazes s’est vite dessinée au travers de ses déclarations.

13 novembre 2015. 130 morts. Plus de 400 blessés. Ces attentats qui ont retenti à trois endroits à Paris ont marqué le monde entier. Mais l’affaire ne s’est pas arrêtée là : Salah Abdeslam, le seul kamikaze à ne pas s’être fait exploser, a pris la fuite. Après 126 jours de cavale, il a finalement été arrêté par la police belge le 18 mars 2016 à Molenbeek, commune devenue célèbre malgré elle. Le 8 septembre 2021, 6 ans après les faits, le procès s’est enfin ouvert. Et la question qui taraudait tant les parties civiles que les avocats était de savoir si Salah Abdeslam allait parler, lui qui s’est tu durant les six années d’instruction. S’il a parfois choisi de se taire lors du procès, c’est surtout ses déclarations souvent controversées et interpellantes que l’audience retiendra.

« Tout d’abord, je tiens à témoigner qu’il n’y a pas de divinité à part Allah et que Mohamed est son messager »

Le 8 septembre 2021 marquait le premier jour d’un procès long de neuf mois. Qualifié de hors normes et d’historique, il est constitué de plus de 1800 parties civiles, 330 avocats et 20 accusés. Dès le début, lorsque la Cour d’assises a demandé à Salah Abdeslam de décliner son identité, il a répondu « Tout d’abord, je tiens à témoigner qu’il n’y a pas de divinité à part Allah et que Mohamed est son messager ». Des premières paroles qui semblaient annoncer la couleur pour l’audience. Il a ensuite pointé du doigt le président de la Cour, Jean-Louis Périès, clamant « ça fait plus de six ans qu’on me traite comme un chien » et « après la mort, on sera ressuscité. Vous allez rendre des comptes ». Au deuxième jour du procès, il s’est même amusé à prendre la parole sans qu’elle lui ait été donnée. Salah Abdeslam a été rappelé à l’ordre par Jean-Louis Périès qui n’a pas manqué de souligner son silence toutes ces années.

« Il n’y avait rien de personnel »

Une semaine après le début du procès, le 15 septembre, l’accusé a choqué l’audience. Il a déclaré devant la Cour : « On a visé la population, des civils, mais il n’y avait rien de personnel ». Il a justifié l’attentat par la politique française au Moyen-Orient, plus particulièrement en Syrie, et a assuré avoir « visé la France et rien d’autre ». Selon lui, le 13-Novembre était inévitable. Une déclaration difficile à entendre pour les rescapés et familles de victimes, mais Salah Abdeslam a soutenu qu’il ne voulait pas blesser les gens, juste leur dire la vérité.

« Je n’ai tué personne, je n’ai blessé personne. »

Plusieurs mois après, le 9 février 2021, le premier interrogatoire de Salah Abdeslam, centré sur sa radicalisation, a commencé. Le principal accusé a directement souhaité faire une « déclaration spontanée ». « Je n’ai tué personne, je n’ai blessé personne. Même une égratignure, je ne l’ai pas faite », a-t-il proclamé. Le seul survivant du commando a mis en avant le fait qu’il avait fait marche arrière, et n’avait pas actionné sa ceinture. Il a aussi exprimé son regret d’avoir été « diabolisé » et a qualifié les attentats « d’opérations militaires ». Mais le Français a fini par se taire parce qu’il « réservait d’autres explications pour plus tard ».

« Vous m’avez bousillé la vie »

Son deuxième interrogatoire a débuté le 15 mars, mais cette fois-ci l’accusé s’est montré plus vague dans ses réponses, répondant parfois des « no comment » aux questions qui lui étaient posées. Le ton est même monté entre le président de la Cour d’assises et lui. « J’ai l’impression que vous êtes un peu susceptible », a rétorqué Salah Abdeslam. Mais c’est lorsqu’il a affirmé devant la Cour « Vous m’avez bousillé la vie, la France et son gouvernement, la manière dont vous m’avez traité depuis six ans » que l’audience s’est agitée. « 130 morts ! » a crié une partie civile. Les avocats de la défense ont ensuite quitté la salle, jugeant que ces exclamations n’étaient pas tolérables et déplorant l’absence de réaction de la Cour.

« Je souhaite faire l’usage de mon droit de silence »

Au 102ème jour du procès, le 30 mars, Salah Abdeslam était interrogé sur la nuit du drame, et sur les préparatifs de l’acte. Un interrogatoire très attendu pour les parties civiles, mais qui a été jugé décevant. L’accusé a directement invoqué son droit de silence, ce qui a provoqué les soupirs exaspérés de la salle. Après plusieurs tentatives, c’est finalement une avocate qui a réussi à lui faire décrocher quelques mots. Il a alors réaffirmé avoir renoncé à actionner sa ceinture d’explosifs, « pas par lâcheté, pas par peur, mais parce que je ne voulais pas, c’est tout ». Interrogé sur ses déclarations passées concernant la ceinture défectueuse, il a avoué que c’était un mensonge. « J’avais honte de ne pas avoir été jusqu’au bout, j’avais 25 aussi », a-t-il ajouté. Ses quelques confessions se sont rapidement terminées, pour laisser à nouveau place à son silence.

« Avec moi, on sait pas à quoi s’attendre. Des fois je parle, des fois je parle pas … »

Ce mercredi 13 avril se tenait son troisième et dernier interrogatoire. Mais contrairement à la fois précédente, l’accusé semblait vouloir parler. « Je fais marche arrière, je vais m’expliquer parce que c’est la dernière fois que j’aurai l’occasion de le faire » a-t-il expliqué. Il s’est alors lancé dans le récit de la journée du 13 novembre et a expliqué être entré dans un café, dans le 18e arrondissement de Paris, avoir commandé une boisson et regardé les gens autour de lui. « Je me suis dit non, je vais pas le faire » poursuit Salah Abdeslam. Il a ensuite assuré avoir rejoint le projet d’attentat au dernier moment, le 11 novembre, et qu’il ne savait pas que des terrasses et une salle de concert étaient visées. Le président de la Cour d’assises a finalement interrompu l’interrogatoire vers 20h, afin de reprendre le lendemain. Ce à quoi l’accusé a répondu, « Avec moi, on ne sait pas à quoi s’attendre. Des fois je parle, des fois je ne parle pas … », avec un grand sourire.

Sarah Duchêne avec Belga et AFP.

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