Procès des attentats du 13 novembre 2015 en France : ce qu’on a appris, ce qui reste en suspens
Quelques « révélations » mais encore beaucoup de zones d’ombre : après neuf mois d’audience, le procès des attentats du 13 novembre 2015 à Paris et dans une de ses banlieues approche de son dénouement avec toujours autant de questions sans réponse.
Les « aveux » incomplets d’Abdeslam
Le seul membre encore en vie des commandos du 13-Novembre, Salah Abdeslam, a parlé. Muet pendant l’instruction, il est bravache au début du procès, qui a commencé dans la capitale française début septembre 2021 et où les réquisitions de l’accusation commenceront mercredi : « je suis un combattant de l’Etat islamique ».
Au gré de ses interrogatoires, il a finalement expliqué à la cour qu’il avait eu pour mission de se faire exploser dans un bar du XVIIIe arrondissement de Paris mais qu’il avait volontairement renoncé à le faire « par humanité ».
Celui que l’on a vu pleurer à l’audience a même fini par demander pardon aux victimes.
Mais a-t-il tout dit ? Assurément non.
Salah Abdeslam a ainsi nié être informé du projet d’attentat des membres du commando en provenance de Syrie qu’il est allé chercher en Allemagne et en Hongrie, en août et octobre 2015. C’était des « rapatriements humanitaires », a-t-il dit, osant une comparaison hasardeuse avec la guerre en Ukraine.
Il est également resté vague sur la cible qui lui a été attribuée le 13 novembre 2015. « Je ne me souviens pas ».
Selon lui, ce n’est que deux jours avant les attentats qu’Abdelhamid Abaaoud, le chef opérationnel des commandos, lui a demandé de porter une ceinture explosive.
Après avoir déposé les kamikazes du Stade de France, à Saint-Denis, près de Paris, il a raconté être retourné dans la capitale pour y accomplir sa mission.
« Je rentre dans le café, un bar pas très grand, avec beaucoup de monde. Je m’installe, je commande une boisson. Je regarde les gens autour de moi et je me dis que je vais pas le faire (…) J’ai renoncé par humanité, pas par peur. Je ne voulais pas les tuer ».
Ensuite, poursuit-il, il repart avec sa voiture, qui tombe en panne. Il achète un téléphone et appelle un ami à qui il demande de venir le chercher.
Il prend un taxi pour le sud de Paris, où il abandonne sa ceinture (défectueuse, a révélé l’enquête). Il se cache dans un hall d’immeuble avant que deux amis arrivés de Bruxelles ne le récupèrent et ne le ramènent en Belgique, où il se réfugie dans une planque louée par la cellule jihadiste…
Pourquoi être allé au sud de Paris alors que ses amis venaient de Belgique ? A-t-il vraiment pris un taxi (jamais retrouvé) ou un métro où il aurait pu se faire exploser ? Dans un ordinateur, les enquêteurs ont déniché un organigramme avec un dossier intitulé « groupe métro ».
Savait-il que sa ceinture était défectueuse ou a-t-il inventé un scénario en le découvrant ?
Autre question sans réponse, pourquoi Salah Abdeslam aurait-il agi seul alors que les commandos de la salle de spectacle parisienne du Bataclan, des terrasses de cafés et de restaurants ainsi que du Stade de France étaient composés de trois personnes ?
« Moi, j’ai pas tué », a souligné Salah Abdeslam. « Je mérite ce qui m’arrive, mais je ne vais pas payer pour ceux qui ont tué au Bataclan, aux terrasses, au Stade de France ».
L’origine inconnue des kalachnikovs
« Tac-tac-tac-tac »… Les rescapés des attaques du Bataclan ou des terrasses ont rappelé à la barre le son sec des armes utilisées par les assaillants du 13-Novembre.
Mais d’où provenaient ces kalachnikovs ? Neuf mois de procès n’ont pas permis de le savoir.
Sur le sujet, il faudra se contenter des explications parcellaires et pas toujours convaincantes des enquêteurs belges qui ont témoigné par visioconférence de Bruxelles.
Ils ont dit qu’une semaine avant les attentats, l’un des accusés, Mohamed Bakkali, avait pris contact avec un certain Mohammed E. pour se procurer six kalachnikovs.
Interpellé et poursuivi en Belgique, Mohammed E. n’est pas jugé à Paris. Une enquêtrice belge a évoqué des contacts avec des Kurdes et des Tchétchènes dans la région de Liège.
Ces contacts ont-ils abouti ? Les vérifications tardives de cette piste, à partir de 2018, ne l’ont pas confirmé.
Une autre piste mène à Rotterdam, aux Pays-Bas, et à Ali El Haddad Asufi, un autre des accusés du procès.
L’enquête a démontré qu’en octobre 2015, il cherchait à se procurer des « Clio » auprès d’un de ses cousins. Des « Clio » ? De toute évidence, il ne s’agissait pas d’automobiles.
Interrogé par la police néerlandaise, son cousin a parlé d’un nom de code désignant du cannabis. Mais pour les enquêteurs, il est plus vraisemblable que le nom « Clio » cachait en fait un achat de kalachnikovs. Mais il n’en ont pas la preuve.
Six de ces armes ont été retrouvées sur les scènes de crime.
Roissy et Schiphol visés ?
Les aéroports de Roissy à Paris et de Schiphol à Amsterdam étaient-ils également visés le 13-Novembre ?
L’enquête a démontré que, tandis que les dix membres des commandos et Mohamed Abrini se rendaient en région parisienne le 12 novembre, d’autres membres de la cellule jihadiste sont restés à Bruxelles pour coordonner leurs attaques.
Parmi eux, le Suédois Osama Krayem et le Tunisien Sofien Ayari ont fait un aller-retour à Amsterdam le 13, quelques heures avant les attaques à Paris et à Saint-Denis.
Pourquoi ? Un attentat était-il prévu à Schiphol le 13-Novembre ou ultérieurement ? A l’audience, Osama Krayem et Sofien Ayari ont opté pour le silence.
Dans un ordinateur récupéré à l’intérieur d’une poubelle à Bruxelles en mars 2016, les enquêteurs ont retrouvé un dossier « 13-Novembre », créé six jours avant les attaques, avec cinq sous-dossiers dont un baptisé « Groupe Schiphol ».
On ne saura pas non plus pourquoi le 13 novembre dans l’après-midi, la voiture qu’allait utiliser Salah Abdeslam pour déposer les kamikazes du Stade de France a fait une halte près du terminal 2 de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle.
S’agissait-il de récupérer ou de déposer quelqu’un ? De faire un repérage ? Pour les enquêteurs, le commando des terrasses, dont Abdelhamid Abaaoud, aurait pu ensuite s’en prendre à Roissy mais s’est égaré aux portes de Paris. Leur voiture a été retrouvée à Montreuil, en banlieue parisienne.
Selon « Sonia », le témoin qui a permis de localiser Abdelhamid Abaaoud, abattu par la police à Saint-Denis le 18 novembre, le jihadiste envisageait de nouveaux attentats dans le quartier de La Défense, à proximité de Paris, le 19 novembre.
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