Un passage de flambeau à la convention démocrate de Chicago, prélude à une passation de pouvoir? © Getty Images

Présidentielle américaine: les 5 mots d’ordre provisoirement gagnants de Kamala Harris

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

La candidate à la présidentielle, adoubée par la convention démocrate, donne le ton de la campagne. L’optimisme a pris le dessus sur le discours acerbe de son adversaire.

Depuis qu’elle a été propulsée candidate favorite du Parti démocrate à l’élection présidentielle, un dimanche de juillet où Joe Biden, prétendant à sa réélection, avait compris l’inanité de son combat, Kamala Harris a fait un sans-faute. En un mois, elle a réussi à imposer son style, ses idées, ses espérances, elle qui, pendant quatre ans, était restée, terne vice-présidente, dans l’ombre du locataire de la Maison Blanche. Cette «ascension culturelle» se reflète dans cinq mots d’ordre qui ont émergé dans la campagne électorale.

1. La joie

La potentielle première femme président des Etats-Unis a ostensiblement placé sa campagne sous le sceau de l’optimisme. Ce n’est pas que le résultat d’une inclination personnelle. Ses communicants ont-ils perçu que le discours décliniste, aigri, agressif, du candidat républicain Donald Trump commençait à lasser, et même à inquiéter? Les retours d’expérience sur la campagne le diront peut-être. Toujours est-il que Kamala Harris s’inscrit résolument en opposition à son principal concurrent. Lors d’une halte électorale en Pennsylvanie le 18 août, elle a lâché devant ses partisans dans, une allusion au ticket Trump-Vance, que «les prétendus dirigeants qui ne pensent qu’à écraser les autres sont des lâches».

Corollairement, ce positionnement optimiste de Kamala Harris suggère que l’ancien président républicain est empêtré dans une stratégie mortifère: comme il l’a bâtie sur le dénigrement de l’action de Joe Biden et que son «programme» manque d’idées novatrices et prometteuses, il lui est difficile de figurer la promesse d’un avenir meilleur pour les Américains. Appuyant sur cet atout, Kamala Harris brandit le slogan «Forward» («En avant»). «Cette élection, je le crois profondément, se joue autour de deux visions différentes pour notre nation, a-t-elle avancé le 16 août lors d’un meeting en Caroline du Nord. Une vision, la nôtre, est concentrée sur l’avenir, l’autre est concentrée sur le passé.»

2. L’empathie

Les économistes puristes n’y auront sans doute pas trouvé leur compte. Au cours de cette même réunion électorale, la candidate démocrate a présenté un «programme économique» résolument centré sur la vie quotidienne des gens. Il comprend une loi fédérale pour combattre les prix abusifs des produits de base, un projet de réduction de moitié des tarifs des médicaments essentiels, un plan de construction de logements, un crédit d’impôt pour les familles qui ont un nouveau-né… Kamala Harris se veut la chantre d’une «économie où chacun aura sa chance». Peu importe, pour le moment, que le financement de ces propositions reste très incertain, l’image d’une candidate à l’écoute des préoccupations des Américains de la classe moyenne s’installe dans les esprits. D’autant qu’elle est crédibilisée par le choix par Kamala Harris, en tant que candidat vice-président, de Tim Walz qui, comme gouverneur du Minnesota, s’est illustré par son action en faveur de la qualité des services de santé publique.

«Une vision, la nôtre, est concentrée sur l’avenir, l’autre est concentrée sur le passé.»

3. L’éthique

Forte de son expérience de procureure générale de Californie de 2011 à 2017, Kamala Harris symbolise le respect de la loi quand Donald Trump, même provisoirement à l’abri de nouvelles condamnations en justice, peut difficilement y prétendre. Que celui-ci ait partagé, le 18 août, des images et un article truqués assurant que l’hyperpopulaire chanteuse Taylor Swift le soutenait, alors qu’elle est connue comme prodémocrate, offre un nouvel exemple de son rapport pour le moins lâche avec l’éthique. Sauf exhumation de «casseroles», présentes ou anciennes, de Kamala Harris et de Tim Walz d’ici au 5 novembre, le ticket démocrate possède un ascendant sur ses rivaux. Un constat accessoire pour les inconditionnels de Trump, peut-être déterminant pour les hésitants.

4. L’unité

C’était un des handicaps de la candidature de Joe Biden. L’élan imprimé à la campagne par celle de Kamala Harris l’a partiellement gommé. Par manque de passion ou par aversion pour son positionnement, beaucoup de sympathisants démocrates ne se retrouvaient pas dans la candidature du vétéran de la politique américaine. La candidate asio-américaine, elle, attire à nouveau les membres des minorités ethniques, les femmes, l’aile gauche du parti, et peut-être même les centristes de l’échiquier politique américain, effrayés par l’extrémisme du prétendant républicain. Ses origines, son genre, une attitude plus équilibrée sur le dossier israélo-palestinien (comme a semblé le confirmer une contestation mesurée des militants propalestiniens en marge de la convention démocrate de Chicago) renforcent ce pouvoir d’attraction. Mais il reste deux mois de campagne à Kamala Harris et autant de risques de «fautes» alors qu’un début de course présidentielle à l’abri des médias et des confrontations l’en a préservé.

Au-delà du Parti démocrate, le «elle rassemble, lui divise» vaut aussi dans la course à la Maison Blanche. Quand Donald Trump voit la société américaine en mode binaire, Kamala Harris espère surmonter la fracture creusée ces dernières années, qui a connu son paroxysme dans l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021 à l’aube de la présidence de Joe Biden. Pour cela, elle parie sur l’inquiétude que ces images continuent de susciter auprès d’un électorat indépendant ou républicain modéré.

5. La nouveauté

Aussi étonnant que cela puisse paraître, la vice-présidente sortante personnifie une forme de nouveauté. Elle ne renie pourtant pas l’héritage de Joe Biden. Sa campagne rappelle, par l’enthousiasme qu’elle suscite, celle de Barack Obama. Mais elle est potentiellement en passe de devenir la première femme président de la première puissance mondiale et première Asio-Américaine à exercer la fonction. Elle profite aussi du sentiment de soulagement qu’a provoqué, chez les démocrates, le renoncement de Joe Biden. Et par-dessus tout, elle renvoie Donald Trump, qui fustigeait la «sénilité» de Joe Biden, à ses 78 ans. En regard de ses propos parfois décousus et fantasques, le candidat républicain peut-il vraiment être jugé crédible quand il qualifie sa rivale de «folle»?

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