Gérald Papy
« Poutine, Xi Jinping, Erdogan,… le modèle dictatorial de gouvernement retrouve de l’allant »
Au terme du nouveau – et a priori dernier – mandat présidentiel que les électeurs russes lui ont largement octroyé le dimanche 18 mars, Vladimir Poutine aura dirigé la Russie durant près d’un quart de siècle.
Le maître du Kremlin pourrait pourtant faire figure de » petit bras » en regard de Xi Jinping, son homologue chinois qui, avec la complicité des dirigeants du Parti communiste, s’est ouvert récemment l’horizon d’une présidence à vie. Et si l’on considère que Recep Tayyip Erdogan dirige la Turquie depuis déjà quinze ans, comme Premier ministre puis en tant que président, et que le chef de l’Etat égyptien Abdel Fattah al-Sissi est promis à un aussi bel avenir après sa réélection attendue lors des élections du 26 au 28 mars force est de conclure que le modèle dictatorial de gouvernement retrouve un certain allant.
Le désappointement qu’inspire cette tendance ne tient pas à l’évolution du géant qui rivalise désormais avec les Etats-Unis pour le sacre de première puissance mondiale : la Chine ne nous a pas habitués à promouvoir quelque forme de démocratie que ce soit. Il est surtout nourri par la déception des espoirs de démocratisation qu’avaient fait naître, ces dernières années, la chute du communisme en Russie, l’ouverture à l’Union européenne en Turquie et le souffle des » printemps arabes » en Egypte.
L’attraction que ces pouvoirs forts exercent sur les nations occidentales est interpellante
Tout aussi interpellante est l’attraction que ces pouvoirs forts exercent sur les nations occidentales. La transformation de pays d’Europe centrale en démocraties » illibérales » en est l’illustration la plus inquiétante, en même temps qu’un premier coin enfoncé dans ce que fut le modèle occidental. Même un Nicolas Sarkozy, dans la » vitrine du pluralisme » qu’est la capitale des Emirats arabes unis Abou Dhabi, a cru pouvoir s’extasier récemment devant les véritables leaders du monde d’aujourd’hui » issus de pays qui ne sont pas de grandes démocraties » parce que, voyez-vous, avec leur rythme électoral et le champ de bataille qu’elles sont devenues, » les démocraties détruisent tous les leaderships « . L’ancien président français faisait allusion à la propension partagée par tout le monde d’utiliser les » réseaux sociaux et autres » pour démolir les dirigeants en place.
L’actualité des affaires, singulièrement le financement présumé de sa campagne électorale déjà par un autre autocrate, Mouammar Kadhafi, suggère que Nicolas Sarkozy a réussi, à lui seul, à plomber sa deuxième candidature à la présidence et son avenir politique. En cela, il symbolise parfaitement l’origine du désenchantement démocratique que les populations traduisent de plus en plus massivement lors de rendez-vous électoraux et que les dictatures ont beau jeu d’exploiter pour remettre en cause l’universalité des valeurs occidentales. La panne du modèle démocratique gangrené par la corruption, conjuguée aux effets pervers de la mondialisation et aux menaces du radicalisme islamiste, accroît la demande pour plus de protection des populations et pour plus d’efficacité dans l’exercice du pouvoir. La verticalité de la prise de décision, qu’expérimente notamment le jupitérien Emmanuel Macron, vise à n’en pas douter à répondre à cette attente plus qu’à imiter la gouvernance des potentats russes ou chinois. Il n’empêche, une vigilance institutionnelle et citoyenne pour rappeler, le cas échéant, la limite de la ligne rouge de la dérive autoritaire n’est pas superflue. Car seuls le respect des droits humains et du dialogue, une culture de la probité et une certaine obligation de résultats sauveront la démocratie occidentale.
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