François-Xavier Druet
Pourvu que le schizo freine ! (carte blanche)
Aurez-vous de la peine à deviner quel schizo – diminutif familier pour schizophrène – se cache sous ce titre ? Sans doute que non, étant donné l’omniprésence du sujet dans l’actualité. On sait que la schizophrénie est une psychose qui désagrège le psychisme. Pensées et sentiments deviennent ambivalents. Le contact avec la réalité se perd. On se replie sur soi. C’est une » déchirure de l’esprit « , d’après l’étymologie.
Ni vous – probablement – ni moi n’avons la compétence qui permettrait un diagnostic de type médical. Mais, à l’évidence pour le (presque) commun des mortels, le quarante-cinquième président des États-Unis a multiplié depuis quelques années les comportements définis par la psychiatrie comme caractéristiques de cette pathologie mentale.
Le symptôme le plus quotidien et le plus fréquent a été sans conteste la construction d’une « réalité parallèle ». Si les faits ne lui convenaient pas, le patient – au sens médical du terme, car il est surtout impatient, au sens courant – en a fabriqué d’autres de toutes pièces et les a présentés comme établis. Nous sommes entrés, avec lui comme principal distributeur, dans l’ère nouvelle des fake news, « informations fallacieuses ».
Mensonge ? « Assertion sciemment contraire à la vérité, faite dans l’intention de tromper » ? Peut-être. Mais l’adverbe « sciemment » pourrait amener à se poser une question : que se passe-t-il dans le cerveau présidentiel quand Donald assène une contrevérité ? A-t-il conscience qu’il existe une vérité autre, qu’il bafoue ? Ou son psychisme confère-t-il le statut de vérités à ses inventions utilitaristes ? Y croit-il vraiment ? La fraude électorale qu’il ressasse aujourd’hui est-elle « vraie » pour lui sans être du tout avérée pour les autres ? Une altération mentale peut rendre irresponsable.
L’alternative s’impose : il s’agit de malhonnêteté pure et simple ou de dérèglement psychique. Dans un cas comme dans l’autre, quelle surprise de le trouver au pouvoir. L’expérience américaine de ce président « incroyable » – un de ses mots fétiches – est très instructive pour toutes les démocraties. À condition de maintenir les USA au nombre de celles-ci.
Première leçon : un vote démocratique peut amener au pouvoir un spécimen qui soit un autocrate invétéré prêt à contrer et à pervertir par tous les moyens les principes et les pratiques démocratiques. Une fois sur le trône, cette créature n’a de cesse d’affaiblir les institutions de son pays, les contre-pouvoirs et le sens civique des citoyens (à ne pas confondre avec l’arrogance et la suffisance nationalistes).
Deuxième leçon : à supposer qu’ils aient pu, au départ, être leurrés dans leur choix, les électeurs de ces matricides de la démocratie sont capables de confirmer une sorte d’attachement aux antivaleurs cultivées en permanence au vu et au su de tous. Iraient-ils jusqu’à laisser une chance au duce de poursuivre son oeuvre ? Un vote démocratique ne rectifie pas nécessairement ni nettement le résultat antidémocratique d’un vote précédent.
Troisième leçon : trop de citoyens aujourd’hui sont plus séduits par la violence que par la sagesse. Quels archétypes de l’homme politique souhaitable sont les plus répandus dans les esprits ? De quel côté la balance penche-t-elle ? Du côté de meneurs empreints de sagesse comme Gandhi, Nelson Mandela ou Martin Luther King ? Ou du côté des sbires hargneux d’une droite extrême et intolérante, qui n’aurait même plus besoin de se « dédiaboliser » pour être cooptée ?
Le dernier épisode du feuilleton américain révèle de façon aveuglante où se réfugie la sagesse, faite de « modération et prudence dans la conduite ». Façon d’être aux antipodes des habitudes du locataire actuel de la Maison Blanche. L’élection de son adversaire démocrate a déclenché son réflexe acquis. Lui voit très distinctement un autre président, le vrai : Donald Trump. Nouvelle perte de contact avec la réalité.
Sans doute la plupart de ceux qui, à travers le monde, contribuent à redorer le blason de la démocratie espèrent-ils que, par décence, quelqu’un parviendra à rouvrir les yeux du milliardaire et à l’assagir. Son déni de démocratie s’étiolerait. Convalescent, il freinerait des quatre fers – de golf – et se réjouirait de retrouver un parcours qui ne compte que dix-huit trous.
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