Jean Hindriks
Pourquoi pas moi ?
Je rentre de vacances du sud de la France encore sous le choc de ce qui s’est passé à Nice. Je pensais passer des vacances tranquilles loin de la frénésie actuelle sans accès à internet. Mais très vite la réalité nous a rattrapé avec les actes terroristes d’abord à Nice et ensuite en Allemagne pour revenir à nouveau en France.
C’est dans ces moments que l’on se demande comment les familles des victimes font pour se remettre de tels drames. Cela s’appelle la résilience. L’être humain a cette capacité de résister et de rebondir face à des conditions de stress et de difficultés importantes. Notre société a aussi cette capacité à rebondir. La résilience est un concept sans connotation morale ou éthique particulière. La résilience est le contraire de la résignation. La résilience est un réflexe et une façon particulière de se confronter à la réalité sans se lamenter, en cherchant une stratégie efficace pour progresser. Selon Dean Decker, le patron de la société Adaptive Learning Systems, plus que tout, c’est notre capacité de résilience qui détermine la réussite ou l’échec, c’est vrai dans la lutte contre le cancer, c’est vrai à l’école et c’est vrai dans les épreuves olympiques. Aujourd’hui que les défis climatiques, socio-économiques, migratoires semblent insurmontables et que l’angoisse de l’insécurité monte avec les actes terroristes, la population a besoin de développer une nouvelle forme de résilience. La résilience devient le nouveau mot d’ordre. Elle s’applique à tous les échelons de pouvoir d’un pays, elle s’applique au marché du travail, aux soins de santé, à la justice, à l’école, aux jeunes et aux personnes âgées, aux parents qui peinent à combiner travail et vie de famille, aux personnes âgées et aux jeunes qui gâchent leur vie à la recherche de plaisirs éphémères. La résilience s’invite aussi dans chaque famille confrontée aux drames ou difficultés, et elle nous concerne tous individuellement.
Nous pouvons développer la résilience à tous les niveaux. Au niveau individuel, mais aussi au niveau des organisations pour ensemble réussir à relever les défis présents et à venir. En voici quelques éléments.
Faire preuve de réalisme. Face au terrorisme, le basculement sécuritaire n’est pas une solution, car la désillusion est cruelle. Il est crucial de savoir saisir et accepter la réalité de la situation pour pouvoir mieux la surmonter. La résilience est donc opposée à la résignation du « on va devoir vivre avec ». La résilience c’est la volonté d’agir pour changer les choses et ne plus les subir. Il s’agit d’agir sur les causes et les effets des drames humains, tant sur le terrain que par l’action collective et coordonnée. Dans le contexte scolaire, les élèves résilients sont réalistes face aux efforts à faire pour réussir. Dans le cas d’une crise humanitaire, le gouvernement doit faire preuve de réalisme sur les solutions à apporter et chacun à son niveau doit faire sa part.
Faire des choix porteurs de sens : face à l’adversité se poser la question « pourquoi moi ? », c’est s’enliser dans la dépression. C’est une pensée négative. La résilience est une pensée positive. C’est se poser la question inverse « pourquoi pas moi ? ». Cette capacité à faire du sens est un moyen pour la résilience de faire le pont entre les difficultés du moment et les perspectives d’avenir. Ce regard sur l’avenir est un levier important pour s’extraire des difficultés du présent. Cela se fait dans la pratique par des choix porteurs de sens. Don’t follow twitter, follow your passion. Pour survivre, il faut s’accrocher à un but et s’y tenir. Penser que l’école n’a aucun sens est le pire lorsque l’on se trouve en situation socio-économique difficile. Dans cet esprit les organisations et écoles les plus résilientes sont celles qui reposent sur un ensemble immuable de valeurs communes bien comprises et partagées par ses membres. Les élèves résilients s’identifient à ces valeurs communes de l’école et de son enseignement.
Faire preuve d’efficacité : La résilience c’est la capacité à tirer le maximum du peu dont on dispose et à en faire le meilleur usage. La résilience c’est la capacité à inventer une solution à un problème là où les autres restent perplexes. Les organisations résilientes sont celles dont le personnel fait preuve d’ingéniosité face à des situations inattendues. Dans les organisations résilientes, les personnes trouvent le moyen de se faire aider par les personnes adéquates et savent collaborer entre elles pour collectivement atteindre leur but. Si c’est important pour vous, vous trouverez une solution, sinon vous trouverez une excuse.
Les amis et la famille. La résilience est trop souvent perçue comme une caractéristique individuelle, mais elle ne peut véritablement se développer dans un climat d’angoisse et d’insécurité. La résilience s’appuie sur un réseau social d’entre-aide et d’assurance comme la famille, l’école, l’aide à la jeunesse et la communauté. Si la résilience est potentiellement présente chez chacun d’entre nous, la réalisation de son potentiel varie selon le système scolaire en place, la stabilité de la famille, et la cohésion de la communauté. Promouvoir la résilience c’est donc aussi lutter contre les inégalités sociales, les discriminations au travail, la ségrégation, les divisions ethniques et raciales, l’échec et l’abandon scolaire, et la déstructuration de l’organisation familiale. Encourager l’équilibre entre vie de famille et travail est donc crucial.
L’égalité des chances : Promouvoir la résilience c’est aussi promouvoir l’égalité des chances pour que chacun d’entre nous puisse réellement se dire « pourquoi pas moi ? ». Une société juste est une société où il y a égalité des chances de parvenir à la réussite scolaire, et à diplôme égal, d’accès aux emplois à responsabilités. Derrière la promotion de l’égalité des chances se cache donc aussi un enjeu plus important qui est celui de restaurer un rapport de confiance entre l’école et la société. Il est navrant de voir autant de jeunes qui se détournent de l’école. Mais il faut aussi réveiller notre jeunesse à combattre comme disait le pape François à l’occasion des JMJ en Pologne « une paralysie dangereuse et souvent difficile à identifier …qui nous étourdis et abrutis par le confort personnel et les jeux vidéo, tandis que d’autres -peut-être plus éveillés, mais pas les meilleurs- décident de l’avenir pour nous ».
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