Pourquoi l’UE et le Royaume-Uni se brouillent autour des exportations des vaccins Covid
On assiste ces derniers jours à une passe d’armes entre l’Union européenne et le Royaume Uni sur l’exportation des vaccins anti-Covid. Au coeur de l’affaire : le mécanisme de contrôle que l’UE a mis en place, en pleine bagarre avec AstraZeneca, qui requiert que chaque exportation de vaccins depuis l’UE soit autorisée préalablement.
Garder le contrôle des doses
L’Union européenne impose depuis fin janvier des garde-fous aux exportations de vaccins anti-Covid produits dans l’UE afin de garder le contrôle des doses qui sont destinées aux pays membres. Le mécanisme de contrôle prévoit que chaque Etat membre examine les demandes d’autorisation d’exportation pour les vaccins manufacturés sur son territoire, avant de solliciter l’avis de la Commission, auquel il doit se conformer.
Ce mécanisme, qui s’applique aussi aux différents composants des vaccins, a récemment été utilisé par l’Italie pour bloquer l’exportation vers l’Australie de doses du vaccin AstraZeneca produites sur le sol européen. C’est la première fois qu’un Etat membre bloque des exportations via ce mécanisme.
L’Italie, soutenue par la Commission, a ainsi bloqué le départ de 250.000 doses de la firme pharmaceutique, soupçonnée d’avoir privilégié ses livraisons au Royaume-Uni au détriment de l’UE. Les arguments : une pénurie persistante et des retards d’approvisionnement de ce laboratoire. Un cas isolé ? Non, répond l’UE. AstraZeneca n’a livré que « moins de 10% » des doses commandées entre décembre et mars. L’entreprise a été vivement critiquée par les gouvernements européens pour des manquements de livraisons, alors qu’elle fournissait au Royaume-Uni le stock promis.
Combien de doses exportées ?
Selon un document interne consulté par l’AFP, 249 demandes d’exportations de vaccins anti-Covid ont été approuvées par l’UE depuis fin janvier. Dans le cadre de ces autorisations, l’UE a exporté 34,1 millions de doses entre le 1er février et le 9 mars, dont 9,1 millions vers le Royaume-Uni – soit plus d’un tiers du total des doses administrées jusqu’à présent aux Britanniques. Les Européens ont également livré environ 3,9 millions de doses au Canada, 3,1 millions au Mexique, 2,7 millions au Japon et 954.000 doses aux Etats-Unis.
Les exportations réelles de l’UE dépassent cependant ces 34 millions de vaccins, puisque des Etats voisins des Vingt-Sept et de nombreux pays en développement ne sont pas concernés par le mécanisme de contrôle.
Cristallisations des tensions avec le Royaume-Uni
L’affaire crée par extension un contentieux entre l’Union européenne et le Royaume-Uni. Le président du Conseil européen Charles Michel a envoyé début de semaine une newsletter, dans laquelle il parle d’une « interdiction pure et simple » de la part du Royaume-Uni et des Etats-Unis « de l’exportation de vaccins ou de composants de vaccins » contre le Covid-19 produits sur leur territoire. Interrogé à la Chambre des Communes, le Premier ministre britannique Boris Johnson a rejeté ces allégations. Le Royaume-Uni « n’a pas bloqué » l’exportation « d’un seul vaccin ni de ses composants ». Le chef de la diplomatie britannique Dominic Raab a écrit un courrier à Charles Michel pour lui demander de corriger le tir.
Cette brouille s’ajoute au désaccord persistant autour des livraisons de vaccins de la part d’AstraZeneca. L’entreprise suédo-britannique honore ses engagements vis-à-vis du Royaume-Uni, mais a fortement revu à la baisse ses premières livraisons à l’UE. La Commission européenne insiste depuis sur le fait que le contrat qu’elle a passé avec la firme mentionne également des sites de production installés au Royaume-Uni. Il n’y a donc pas de raison, selon elle, qu’AstraZeneca réserve cette production à son client britannique.
Mécanisme critiqué, mais l’UE fait front
Le mécanisme de contrôle européen est fortement critiqué au niveau international, notamment par l’Organisation mondiale de la santé. Selon elle, ces contrôles pourraient « saper les efforts planétaires pour assurer un accès équitable » aux vaccins.
Mais l’UE persiste. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a d’ailleurs averti que d’autres exportations pourraient être bloquées, comme en Italie, à l’avenir. L’UE a de ce fait étendu jusqu’à fin juin le mécanisme de contrôle. « Nous attendons des entreprises avec lesquelles nous avons signé un contrat qu’elles remplissent leurs obligations envers les citoyens de l’UE », insiste la commissaire européenne à la Santé, Stella Kyriakides. Le commissaire européen au Commerce, Valdis Dombrovskis, a lui aussi défendu le contrôle des exportations de vaccins. « Les perturbations du commerce redoutées par certains n’ont pas eu lieu. Depuis l’introduction de l’outil de contrôle, des livraisons ont été autorisées vers plus de 30 pays. Malgré la grave crise sanitaire, l’UE a fait des efforts considérables pour rester un partenaire commercial fiable et responsable. »
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