Pourquoi les Lego fascinent aussi les adultes
Les chiffres de Lego ont littéralement explosé en cette année de semi-confinement. Et pour cause, l’un des jouets les plus vendus au monde n’intéresse plus seulement les enfants. Les adultes aussi y succombent en masse. Au point, qu’aujourd’hui, 20 % des Lego seraient achetés par des adultes.
Lego. Voilà un nom qui a la saveur d’une madeleine de Proust tant il aura fait les belles heures de nombreuses enfances. Cette petite brique en plastique universellement connue est pourtant loin d’être un produit suranné. Elle semble même plus d’actualité que jamais. On espère un Legoland à Charleroi, on y consacre des émissions télé en prime-time (Lego Master où l’on voit des duos d’adultes bricoler des constructions de Lego) et il y a même une toute nouvelle boutique qui vient d’ouvrir à Bruxelles.
Si la marque s’était un peu assoupie au tournant des années 1990 avant de s’éparpiller en perdant de vue sa fameuse brique au tournant des années 2000 (avec des chiffres catastrophiques et de nombreux licenciements à la clé), elle semble aujourd’hui repartir à la conquête du monde. Elle est dans le top trois des producteurs de jouets au niveau mondial et, chaque année, il se vend plus de 31 milliards de briques dans le monde et plus de 400 millions d’enfants et d’adultes joueraient aux Lego. La marque s’est même offert le luxe d’afficher pour 2020 des chiffres records (+20%) et compte ouvrir pas moins de 120 nouveaux magasins en 2021 dont 80 en Chine.
La marque – qui est une contraction du danois +joue bien+ (« Leg godt »)- doit une partie de son succès actuel à des franchises choisies avec soin et dans l’air du temps. Ainsi l’alliance, à partir de 1999, avec Lucasfilm pour créer une gamme Star Wars va faire exploser les ventes. La marque ne ratera pas non plus le tournant numérique. Dès 2017, elle va miser sur l’interactif en alliant construction et réalité augmentée. L’idée est de fluidifier le passage entre le jeu numérique et le jeu physique. Un pari qui semble réussi, car si ses produits classiques restent parmi les plus vendus, la gamme « Super Mario » lancée en août 2020 et qui allie franchise et interactivité serait, à en croire la marque, un franc succès.
Un jouet pour adulte
Plus surprenant, la marque danoise, qui a son siège à Billund dans l’ouest du Danemark, doit aussi son excellent chiffre d’affaires aux adultes. Ils représenteraient, selon certains, plus de 20% des joueurs de Lego. Un chiffre qui n’est pas confirmé par l’entreprise qui préfère ne pas coller de chiffres exacts sur cette frange de son public. Pour elle, l’accent doit rester sur les enfants, son coeur de cible. Sans vouloir donner de chiffres, la marque ne nie toutefois pas que son public adulte ne cesse de gagner en ampleur.
La brique et un personnage jaune
Le groupe Lego a été fondé en 1932 par Ole Kirk Christiansen un charpentier. Sa fameuse brique encastrable a été lancée sous sa forme moderne (en plastique) en 1958. Son design ne changera plus et toutes les pièces produites par la suite s’emboîtent encore avec les pièces actuelles. C’est par contre Jens Nygaard Knudsen qui a inventé la fameuse figurine Lego (il est mort début 2020). Lancée en 1978 avec un visage neutre, sans mention de sexe ou de race elle a pour mission de mettre de la vie dans les maisons.
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Loin des clichés, les fans de Lego – les AFOL pour Adult Fan Of Lego- ne sont pas ce qu’on appelle parfois un peu péjorativement des nerds. « En réalité n’y a pas d’amateur de Lego type », nous précise Vincent Andries, brandmanager de LEGO Adultes pour le BENELUX.
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L’engouement traverse les âges (l’âge moyen d’un adulte jouant au lego se situant entre 18 à 44 ans) et les catégories sociales. Les consommateurs adultes de Lego ne sont plus seulement des collectionneurs ou des fans qui apprécient le processus de création. Ce sont aussi des personnes qui cherchent à se détendre.
Une tendance qui, contrairement à ce qu’on pourrait croire, ne doit pas tout aux différents confinements, nous précise encore Vincent Andries. Si ces derniers ont encouragé la tendance, et surtout poussé plus de parents à s’y remettre en jouant avec leur enfant, cet engouement des adultes pour les legos a été perceptible dès 2019. Soit plus d’un an avant l’arrivée du virus. Pour Vincent Andries, « l’engouement envers le Lego serait donc surtout dû au besoin croissant de déconnexion ».
Le Lego comme thérapie
Certains, comme le philosophe italien Tommaso Bertolotti, voient même une puissance philosophique dans cette brique en plastique. Au point de lui dédier un essai intitulé « Legosophie, petite philosophie du Lego« . Pour Bertolotti toutes les « tensions de la philosophie grecque tiendraient dans une boîte de Lego » précise Le Monde. Le joueur sait que, s’il veut parvenir au résultat annoncé, il a tout intérêt à suivre les instructions, mais d’un autre côté rien ne l’empêche de changer « les lois de l’univers Lego » pour se créer le sien. Un Lego a donc à la fois une dimension contrainte et ludique. La créativité ne s’exprime en effet que dans le cadre des restrictions imposées par Lego. Un autre aspect est que dans l’univers Lego tout ou presque se décline en nombre naturel, dit encore Bertolotti. « Tout y est régulier, à partir de briques qui valent 1, 2, 3, 4, 6, 8, 10 et 12 picots ». Cela aussi a un côté rassurant dans ce monde qui semble de plus en plus fou.
Le Lego confronte notre pensée à la résistance des choses à travers l’utilisation de nos mains. Or on sait que le fait d’occuper ses mains permet de se vider l’esprit. S’atteler à la construction d’un Lego permettrait donc de lâcher prise, de se recentrer et de s’éloigner du stress quotidien. Et s’imbrique donc à la perfection dans la tendance très en vogue du Mindfulness, la méditation de pleine conscience.
Les théories de Bertolotti rejoignent en cela un constat observé sur le terrain. Il y a en effet deux façons de jouer au lego. La première consiste à suivre le mode d’emploi et le jeu s’apparente dès lors à un puzzle ou à la construction d’une maquette. C’est donc une activité surtout relaxante (quand on ne bloque pas sur une étape). La seconde est de construire ses propres créations à partir des briques disponibles. Cette seconde façon de faire est en réalité une porte vers un autre monde, presque infini, ou les plus talentueux parviennent à répliquer à l’identique les choses les plus incongrues.
Les deux façons de jouer n’étant pas incompatibles dans l’absolu, la marque élargit son public et convertit de nombreux adultes. Pour finir de les convaincre, elle va encore développer des emballages spécifiques ainsi que des collections dédiées. Elle va aussi panacher l’offre en ciblant toutes sortes de passions et en proposant des projets très techniques à des constructions purement esthétiques qui font se transformer en objet de décoration (par exemple la série Botanicals qui permet de construire un bonzaï ou un bouquet de fleurs). Elle va également lancer sur le marché des ensembles avec des prix parfois élevés.
Spéculation et vol
La rareté de certaines pièces et l’engouement de certains acheteurs fait que le Lego se transforme, dans certains cas, en un placement rentable. D’autant plus que le commerce est encore encouragé par les ventes d’occasion en ligne. Il n’est pas rare que les prix s’envolent et atteignent en quelques années plus de dix fois la valeur initiale. Cette spéculation, qui est très mal perçue par les vrais fans et ne concernerait que 5 à 10 % des produits Lego, n’en est pas moins une réalité. Les Lego liés à une franchise ou particulièrement complexes voient parfois leur valeur tripler après seulement trois ou quatre ans précise encore Le Parisien. Et les prix peuvent véritablement s’enflammer. Ainsi le Faucon Millenium, version XXL, est l’une des boîtes les plus chères avec un prix en ligne qui tourne aux alentours de 3 000 €. De quoi réveiller les mauvais esprits. Il y aurait en effet une recrudescence de vols ciblés dans les boutiques vendant des Lego.
La contrefaçon et l’effet Streisand
Le succès attise aussi la contrefaçon. Dans un marché mondial estimé à 90 milliards de dollars (75 milliards d’euros) en 2019, selon la Toy Association, Lego est et reste l’un des poids lourds, avec Mattel et Hasbro. Cela n’empêche pas d’attaquer ceux qui portent atteinte à ses droits, malgré le fait que de plus en plus de ses brevets tombent dans le domaine public. Un des exemple est la marque Lepin au logo presque identique. Celle-ci reprend tous les modèles, mais les vend quatre fois moins cher. Lego a intenté et gagné un procès contre son concurrent en Chine. En 2019, la police chinoise ira jusqu’à démanteler en partie ce réseau et saisira des jouets pour une valeur de quelque 30 millions de dollars. Mais pas de quoi véritablement calmer les ardeurs. Ce n’est donc pas pour rien que la grande majorité de ses nouvelles boutiques ouvriront en Chine en 2021, histoire d’occuper l’espace.
Le groupe prend très au sérieux les cas de contrefaçons. « Lorsque les enfants et les consommateurs choisissent un produit Lego, ils attendent la plus haute qualité. Nous ne pouvons en aucun cas les induire en erreur », disait encore en 2018 son PDG. Mais ces procédures ont ce qu’on appelle un « effet Streisand », soit un retour de boomerang, car ils attirent également l’attention sur ses détracteurs et donnent une image moins sympathique. C’est probablement pourquoi l’entreprise préfère aujourd’hui clairement ne plus rien dire sur ce sujet.
Des Lego qui promettent d’être plus écoresponsables
Depuis 2017, le groupe s’est lancé dans une cure de jouvence multimédia combinée à un virage vers le durable. Avec ses briques quasi incassables et réutilisables à l’envi, Lego est synonyme de longévité, mais promet désormais d’assurer l’essentiel de sa production avec des matériaux 100% durables d’ici 2030. En outre, le fabricant de jouets mène un vaste plan pour atteindre la neutralité carbone dans ses opérations de fabrication d’ici 2022, en tournant notamment très progressivement la page des sachets en plastique, remplacés par du papier recyclable.
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