Pourquoi Emmanuel Macron ne parvient plus à se réinventer
Son allocution postréforme des retraites ne contient pas de proposition novatrice et concrète. Les syndicats promettent un 1er mai de feu.
Il n’y pas eu un avant et un après-allocution d’Emmanuel Macron dans la saga de la réforme des retraites en France. Personne ne s’attendait, lors de sa prise de parole du 17 avril, à ce que le président français retourne l’opinion publique en sa faveur et parvienne, comme il l’ambitionnait, à tourner la page de cette séquence qui a vu son pouvoir fragilisé. Une nouvelle épreuve pour le chef de l’Etat après celle, douloureuse, de l’échec à obtenir une majorité absolue à l’Assemblée nationale à l’issue des élections législatives de juin 2022.
Au moins, l’annonce d’une mesure phare, par exemple en matière de pouvoir d’achat, préoccupation centrale d’une majorité de Français, aurait-elle pu laisser entrevoir l’amorce du commencent d’une inflexion positive pour le pouvoir. Mais elle n’a pas été avancée par Emmanuel Macron au lendemain d’un week-end qui s’était ouvert par la promulgation de la réforme des retraites toujours aussi contestée par les Français (69% d’entre eux, selon un sondage Elabe/BFMTV publié le 17 avril). Aucune autre disposition concrète non plus, ce qui incline à accréditer que le président peine décidément à retrouver la capacité de rebond dont il avait fait montre lors de son premier mandat, dans la crise des gilets jaunes (avec le grand débat national) et face à l’épidémie de Covid (grâce à la stratégie du «quoi qu’il en coûte»).
Les syndicats s’en tiennent à leur agenda et à leur objectif, et fixent, pour le moment, les prochaines échéances.
Trois chantiers, peu d’actions
Emmanuel Macron a décliné de manière professorale trois chantiers qu’il lancera pour répondre à la colère des Français, qu’il regrette de pas avoir pu prévenir mais qu’il estime fondée autant sur les craintes en matière de pouvoir d’achat et les revendications sur les conditions de travail que sur la contestation du recul de l’âge de la pension. Un «dévoiement» des causes supposées du mal-être français qui vise à vider la contestation syndicale de son objet mais qui risque de revenir comme un boomerang reboosté à la face de l’exécutif lors de la mobilisation du 1er mai, jour de la fête du travail, que les organisations syndicales espèrent monstrueuse.
Un nouveau pacte de la vie au travail visant à la fois la réindustrialisation et un nouveau mode productif écologique, un effort en matière de justice et d’ordre républicain, comprenant l’embauche de dix mille magistrats et un accroissement de la lutte contre les fraudes fiscale et sociale, et des initiatives sur «le progrès pour mieux vivre», ciblant des améliorations dans les domaines de l’éducation et de la santé, ont été avancés – sans détailler leur financement – par Emmanuel Macron dans son allocution de reprise en main de la situation, en «maître des horloges» qu’il croit encore être.
Le président et ChatGPT
Sauf que les syndicats s’en tiennent à leur agenda et leur objectif (le renoncement à la réforme), et fixent, pour le moment, les prochaines échéances, le rendez-vous du 1er mai, la décision le 3 mai du Conseil constitutionnel sur la deuxième demande d’organisation d’un référendum d’initiative populaire sur la réforme des retraites, et seulement ensuite, peut-être, la reprise d’un dialogue. Auteure de la plus cinglante réaction au discours du président – «Cette allocution aurait pu être faite par ChatGPT. Il y avait un côté très désincarné» –, la nouvelle leader de la CGT, Sophie Binet, promise à un bel avenir de trublionne du pouvoir, ne sera sans doute pas prête, au contraire de son collègue de la CFDT Laurent Berger qui ne l’exclut pas, à se rasseoir rapidement à une table de négociation.
Sauf, aussi, que, privé de majorité absolue et affaibli par la dégradation de ses relations avec le parti Les Républicains après l’embrouillamini du non-vote à l’Assemblée nationale sur le projet de réforme des retraites, Emmanuel Macron est politiquement plus démuni que jamais. Et il n’est plus acquis que sa Première ministre, Elisabeth Borne, maintenue à son poste jusqu’à la prochaine épreuve, puisse lui être d’un grand secours, maintenant que son image est dégradée par l’épreuve de ce début d’année.
C’est à l’horizon des cent jours qu’Emmanuel Macron donne rendez-vous aux Français pour dresser un premier bilan de ces initiatives. Pas sûr qu’ils seront nombreux à l’écoute de ses propos le 14 juillet tant son mantra répété le 17 avril – «Libérer les énergies, protéger les plus faibles, préserver l’unité du pays» – paraît à beaucoup en déconnexion avec son action. Arrivera-t-il, malgré tout, à infirmer ce jugement?
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