Pour le fondateur de Wikipédia, Twitter et Facebook ont « mal » géré la désinformation sous Trump
Prisonniers de leur modèle commercial, Twitter et Facebook ont « mal » géré la désinformation sous la présidence de Donald Trump, estime le fondateur de Wikipédia, l’Américain Jimmy Wales, dans un entretien à l’AFP.
Interrogé au Royaume-Uni, où il réside, à l’occasion du 20e anniversaire de l’encyclopédie en ligne gratuite, son fondateur critique l’attitude de ces deux géants des réseaux sociaux.
Pour Jimmy Wales, la responsabilité de l’assaut du Capitole, le 6 janvier, repose « à 100% » sur Donald Trump mais Twitter et Facebook ont « eu du mal face à la désinformation« .
« Au sujet de Donald Trump, ils ont fait un mauvais travail pendant très, très longtemps », tranche l’Américain. « Il diffusait clairement de la désinformation, il était clairement injurieux ».
Après les violences survenues à Washington, les deux plateformes ont suspendu indéfiniment les comptes du milliardaire républicain, qui s’en servait pour relayer à des dizaines de millions de personnes des accusations sans preuves de trucage des élections.
Pas parfait
Vingt ans après sa création, Wikipédia est l’un des sites internet les plus populaires au monde, consulté plus de 15 milliards de fois par mois. Sont référencés sur ce site participatif quelque 55 millions d’articles dans plus de 300 langues.
C’est aussi, comme Jimmy Wales l’avait pensé au départ, « un monde dans lequel chaque habitant de la planète a un libre accès à la somme de toutes les connaissances humaines ».
La décision du fondateur de Wikipédia, en 2003, d’en faire une entreprise à but non lucratif est l’une des raisons pour lesquelles il pense que l’encyclopédie en ligne n’a pas dû affronter les mêmes décisions difficiles et réactions négatives que Twitter et Facebook.
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« Ils ont un modèle commercial qui dit: +Nous avons besoin d’autant de pages vues que possible+ », estime Jimmy Wales. « Cela nuit aussi à leur marque. Donc ils doivent gérer ça. Mais je pense qu’ils vont avoir du mal ».
Contrairement à Facebook et Twitter, étroitement associés aux conflits culturels aux États-Unis et à la propagation de la désinformation dans le monde entier, Wikipédia est considéré comme l’un des derniers et meilleurs exemples d’utopisme des débuts du web.
Au début des années 2000, ce sont toutefois les mensonges et l’agressivité des utilisateurs de Wikipédia qui suscitaient des débats sur la réglementation du web.
« Je dis toujours que nous n’avons jamais été aussi mauvais qu’on ne l’a dit ni aussi bons qu’on ne le pense », souligne Jimmy Wales. « Nous savons que Wikipédia n’est pas parfait. Nous avons encore beaucoup de travail à faire ».
« Opinions affreuses »
L’entrepreneur souligne que Wikipédia est fondamentalement différent des réseaux sociaux. « Nous avons une mission très claire : créer une encyclopédie », explique Wales, notant que ce postulat est « très différent d’un réseau social qui dit, +venez publier ce que vous pensez, publiez vos opinions+. Parce que la vérité, c’est que beaucoup de gens ont des opinions vraiment affreuses ».
Jimmy Wales estime que Wikipédia a encore des défis à surmonter, parmi lesquels la question de la diversité des milliers de « wikipédiens », surnom donné aux éditeurs et administrateurs qui assurent le fonctionnement du site.
En 2021, Wikipédia mettra en oeuvre un code de conduite uniforme avec des sanctions contre les insultes et le harcèlement, qui ont dans le passé ciblé des minorités.
Jimmy Wales reconnaît que la formulation du code de conduite « a pris plus de temps que cela n’aurait dû », expliquant que la communauté est si grande « qu’il faut beaucoup de temps pour régler les choses et obtenir l’adhésion ».
L’ambition, pour les 20 prochaines années, est assez similaire à celle des 20 premières.
En 2006, Wales s’était fixé comme objectif d’avoir 100.000 entrées sur Wikipédia pour chaque langue comptant plus d’un million de locuteurs. « Il nous faudra encore au moins 20 ans pour atteindre ça », prédit-il.
Il espère cependant avoir créé avec Wikipédia une institution qui pourrait durer aussi longtemps que l’Université britannique d’Oxford, vieille de plus de 900 ans: « Nous concentrons vraiment nos efforts sur la manière de construire une institution qui peut durer ».
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