Explosions en Iran: « L’ère d’une guerre de l’ombre circonscrite entre Israël et l’Iran est révolue »
Plusieurs explosions ont été signalées tôt vendredi dans le centre de l’Iran, de hauts responsables américains cités par la presse faisant état d’une attaque israélienne en représailles aux tirs de drones et de missiles sans précédent contre Israël le week-end dernier.
Les différentes explosions survenues dans le centre de l’Iran font craindre à la communauté internationale un risque sérieux d’escalade. L’agence de presse iranienne Tasnim a toutefois indiqué, en citant des « sources bien informées », qu’il n’y avait « aucune information faisant état d’une attaque de l’étranger ».
Dans des réactions encore prudentes, plusieurs pays et organisations internationales ont appelé à la retenue.
Selon le journal américain The New York Times, qui cite des responsables iraniens, l’attaque a été menée par de petits drones, possiblement lancés depuis le territoire iranien, et les défenses aériennes « n’ont pas détecté d’objets volants non identifiés franchissant l’espace aérien iranien. » Les dirigeants israéliens et iraniens n’ont pas réagi à l’attaque.
Cité par le journal américain The Washington Post, un responsable israélien a déclaré sous couvert d’anonymat, que la frappe était une riposte à l’attaque du weekend et qu’elle visait à montrer à l’Iran qu’Israël avait la capacité de frapper à l’intérieur du pays.
Les installations nucléaires dans la région d’Ispahan sont « totalement en sécurité« , a indiqué l’agence Tasnim. L’agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a confirmé qu’il n’y avait « aucun dégât » sur les sites nucléaires, réitérant ses appels à la retenue.
La guerre de l’ombre est révolue
« L’ère d’une guerre de l’ombre circonscrite entre Israël et l’Iran est révolue », estime Elly Mansoury, politologue et experte de l’Iran à la VUB, après l’attaque israélienne contre l’Iran survenue vendredi matin. « C’est la première fois que nous assistons à des attaques directes et ouvertes dans les deux sens. Il s’agit d’un véritable changement de paradigme. » Cependant, pour l’instant, ces actions relèvent davantage d’une « démonstration de force symbolique » et les dégâts restent somme toute limités.
Après l’offensive iranienne contre Israël le week-end dernier, Israël a très probablement contre-attaqué vendredi matin en frappant Isfahan, au centre de l’Iran. Bien qu’Israël ne revendique pas cette opération, la politologue ne doute pas un instant que l’armée israélienne en soit à l’origine. Ces attaques frontales servent les intérêts du gouvernement israélien de Benjamin Netanyahu comme ceux du régime islamique en Iran, cadre l’experte.
D’une part, le Premier ministre israélien peut étouffer dans l’œuf les dissensions internes dans son pays et détourner l’attention de la famine qui sévit dans la bande de Gaza.
D’autre part, le régime d’Ali Khamenei utilise Israël comme paratonnerre face au mécontentement de sa population et pour se poser en puissance régionale capable de tenir tête à l’État hébreu. La suite des événements est incertaine, d’après Mme Mansoury. Il est possible que l’Iran prétende à présent que l’attaque ne venait pas d’Israël afin de ne pas perdre la face.
Une telle posture pourrait contribuer à « refroidir » le conflit, avance l’experte. D’autre part, il semblerait que les États-Unis souhaitent œuvrer en faveur d’une solution à deux États dans le conflit israélo-palestinien. Or, l’Iran a beaucoup à perdre dans un tel scénario, car il se retrouverait davantage isolé et privé de l’un de ses principaux chevaux de bataille, à savoir la protection des Palestiniens.
En définitive, il faudra surtout être attentif aux positions adoptées par les grandes puissances, et en particulier par les États-Unis, conclut Mme Mansoury. « Tant Israël que l’Iran sont conscients que ce sont finalement les États-Unis qui dicteront la marche à suivre. »
Pas de commentaire israélien
« Nous n’avons pas de commentaire pour le moment », a indiqué un porte-parole de l’armée israélienne au sujet des explosions.
Etats-Unis
Le secrétaire d’Etat Antony Blinken a assuré que les Etats-Unis « n’ont pas été impliqués dans une opération offensive ».
« Je ne vais pas parler de ces événements rapportés par les médias (…) Tout ce que je peux dire de notre côté et de celui de tous les membres du G7 est que notre objectif est la désescalade », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse à l’issue d’une réunion des chefs de la diplomatie du G7.
Les chaînes américaines NBC et CNN, citant respectivement des sources au fait de la question et un responsable américain, ont rapporté qu’Israël avait prévenu Washington à l’avance de la frappe, sans que les Etats-Unis n’approuvent l’opération ni ne participent à son exécution.
ONU
« Nous exhortons toutes les parties à prendre des mesures de désescalade de la situation et appelons des Etats tiers, en particulier ceux qui ont de l’influence, de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour s’assurer qu’il n’y ait pas de nouvelle détérioration dans une situation déjà extrêmement précaire », a déclaré le porte-parole du Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme Jeremy Laurence.
G7
Les chefs de la diplomatie des pays du G7 ont appelé « toutes les parties » à « empêcher une nouvelle escalade ».
« A la lumière des frappes du 19 avril, nous appelons toutes les parties à travailler pour empêcher une nouvelle escalade. Le G7 continuera à travailler dans cette direction », ont-ils affirmé.
Chine
« La Chine s’oppose à toute action susceptible d’entraîner une escalade des tensions et continuera à jouer un rôle constructif pour une désescalade », a assuré devant la presse un porte-parole de la diplomatie chinoise, Lin Jian.
L’ambassade de Chine en Iran a appelé ses ressortissants à prendre « des « précautions en matière de sécurité », dans un communiqué.
Russie
« Nous continuons à encourager les parties à la retenue et à s’abstenir de toute action susceptible de provoquer une nouvelle escalade dans une région aussi sensible », a estimé le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov.
« Des contacts ont eu lieu entre les dirigeants de la Russie et de l’Iran, et entre nos représentants et les Israéliens. Nous avons été très clairs lors de ces échanges, nous avons dit aux Israéliens que l’Iran ne veut pas d’escalade », a déclaré le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov dans un entretien à des médias russes.
Pays européens
« Il est absolument nécessaire que la région reste stable et que toutes les parties s’abstiennent de toute nouvelle action », a dit la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, lors d’un déplacement en Finlande. « Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que toutes les parties s’abstiennent de toute escalade dans cette région ».
« La position de la France, c’est d’appeler tous les partenaires de la région à la désescalade et à la retenue », a déclaré sur une radio française le ministre français délégué à l’Europe, Jean-Noël Barrot.
Au Royaume-Uni, le Premier ministre britannique Rishi Sunak a souligné qu' »une escalade significative n’est dans l’intérêt de personne. Ce que nous voulons c’est que le sang-froid prévale dans la région ». « C’est une situation qui évolue et il ne serait pas correct de spéculer tant que les faits ne sont pas éclaircis », a-t-il ajouté.
Pour l’Allemagne, « la désescalade doit être le message du moment », a déclaré Steffen Hebestreit, porte-parole du chancelier allemand Olaf Scholz, lors d’une conférence de presse à Berlin.
En Espagne, le Premier ministre Pedro Sánchez a appelé sur X à « éviter toute action pouvant conduire à une escalade du conflit au Proche-Orient. La gravité du moment exige responsabilité et retenue de la part de toutes les parties ».
« Il faut qu’il y ait une fin à l’échange de coups et à l’escalade », a exhorté le ministre suédois des Affaires étrangères Tobias Billström.
Pays arabes
Oman, pays du Golfe qui a longtemps joué les médiateurs entre Téhéran et les Occidentaux, a condamné dans un communiqué sur X « l’attaque israélienne de ce matin contre Ispahan, en République islamique d’Iran, ainsi que les agressions militaires répétées d’Israël dans la région ».
Les Emirats arabes unis ont exprimé « leur profonde inquiétude face à la tension persistante dans la région et ont appelé à ne pas prendre de mesures susceptibles d’exacerber l’escalade », selon un communiqué publié par le ministère des Affaires Etrangères. Le pays du Golfe a appelé « à la plus grande retenue afin d’éviter des répercussions dangereuses et d’entraîner la région vers de nouveaux niveaux d’instabilité ».
« Nous mettons en garde contre le danger d’escalade régionale. (…) Les représailles israélo-iraniennes doivent s’arrêter », a écrit sur X le ministre jordanien des Affaires étrangères Ayman Safadi, ajoutant que « le monde doit continuer à se concentrer sur la façon d’arrêter l’agression catastrophique contre Gaza ».
Au Caire, un communiqué du ministère des Affaires étrangères indique que « l’Egypte réitère sa profonde inquiétude face à l’escalade entre l’Iran et Israël et met en garde contre une expansion régionale du conflit », ajoutant « intensifier ses contacts avec les parties concernées ou influentes afin de contenir les tensions et l’escalade en cours ».
Turquie
« Nous appelons toutes les parties à s’abstenir de toute mesure susceptible de conduire à un conflit plus large », avance un communiqué du ministère turc des Affaires étrangères qui met en garde contre le risque d’un « conflit permanent ».
Le président Recep Tayyip Erodgan s’est montré prudent et a refusé d’attribuer une quelconque responsabilité dans ces explosions. « Israël dit des choses, l’Iran en dit d’autres. Il n’y a pas proprement de reconnaissance, ni d’explication sensée sur le sujet », a-t-il éludé en réponse à des questions questions des journalistes.
Australie
Evoquant une « forte menace de représailles militaires et d’attaques terroristes », le ministère des Affaires étrangères australien a exhorté les Australiens en Israël et dans les Territoires palestiniens à partir.
AIEA
L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a appelé dans un message sur X « chacun à une extrême retenue », signalant qu' »aucun dégât » sur des sites nucléaires n’avait été constaté.