Plus de 100.000 morts du Covid au Royaume-Uni: la stratégie de Boris Johnson en question
Le Royaume-Uni est devenu le premier pays européen à franchir le seuil des 100.000 morts du Covid. Le Premier ministre Boris Johnson, dont la gestion de crise est pointée du doigt, s’est excusé pour ce terrible bilan.
Début mars 2020, le Premier ministre Boris Johnson se vantait de serrer les mains de malades à l’hôpital en pleine pandémie, peu avant d’être lui-même infecté par le coronavirus et admis à l’hôpital. Dix mois plus tard, le Royaume-Uni est toujours en reconfinement, affrontant sa troisième vague, beaucoup plus virulente en raison du fameux « variant britannique », considéré comme plus contagieux.
Le mea culpa de Boris Johnson
Selon le bilan quotidien du ministère de la Santé, le pays enregistrait mardi un total à 100.162 morts. Comme ailleurs dans le monde, ce dernier est probablement sous-évalué: le nombre de morts où le Covid-19 est mentionné sur le certificat de décès comme cause suspecte, recensé par les organismes officiels de statistiques, dépassait 104.000 à la mi-janvier.
Le Royaume-Uni devient donc le premier pays d’Europe à franchir ce cap de 100.000 décès. « Il est difficile d’exprimer le chagrin que contient cette sombre statistique, les années de vie perdues, les réunions de famille manquées, et pour beaucoup, les occasions manquées de dire au revoir à un proche », a réagi Boris Johnson. « Je suis profondément désolé pour chaque vie perdue et bien sûr, en tant que Premier ministre j’assume l’entière responsabilité de tout ce que le gouvernement a fait », a-t-il assuré.
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— Boris Johnson (@BorisJohnson) January 26, 2021
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Présent ce mercredi à la Chambre des Communes, il a réitéré ses excuses : « la chose la plus importante que nous puissions faire pour honorer leur mémoire est de persévérer contre ce virus avec une détermination toujours plus grande. »
Mauvais bilan, mauvaise stratégie ?
Le premier mort avait été annoncé le 5 mars 2020. Peu après les autorités sanitaires avaient estimé que si le nombre de morts pouvait être contenu sous la barre des 20.000, ce serait un « bon résultat ». Le compteur n’a cessé de tourner depuis, avec un record de 1.820 morts en 24h le 20 janvier.
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The news that 100,000 people have now died of coronavirus is a national tragedy. pic.twitter.com/MK7XDBrWWv
— Keir Starmer (@Keir_Starmer) January 26, 2021
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Cette nouvelle réalité plonge le Premier ministre dans la tourmente vis-à-vis de la gestion de la crise sanitaire, ses ratés et les revirements de stratégie à répétition. Depuis le début, il est accusé d’avoir sous-estimé l’ampleur de la crise, confiné trop tard et déconfiné trop vite et trop fort pendant l’été, ignorant l’avis des scientifiques. Critiquées aussi au début pour un dépistage insuffisant et une pénurie d’équipements de protection pour les soignants, puis pour un très coûteux système de traçage des cas contacts défaillant, les autorités concentrent désormais tous leurs efforts sur la vaccination.
Une courbe d’infections encourageante
La situation sanitaire actuelle du Royaume-Uni, influencée par le variant, est scrutée par les autres pays, dont la Belgique. Cela donne une idée de la manière dont pourraient évoluer les indicateurs si le variant circulait autant chez nous. Si les décès sont toujours dans une franche hausse et que les hôpitaux sont toujours sous pression, le nombre de contaminations, qui frôle les 3,7 millions (+20.089 en 24h), a enfin amorcé un reflux grâce au reconfinement. Si la courbe des nouveaux cas avait littéralement explosé avec la circulation accrue du nouveau variant, les mesures fortes imposées à la population ont clairement eu un effet, faisant redescendre la courbe de manière presque aussi spectaculaire. Le nombre de cas a atteint un niveau record début janvier, précise la BBC, et les infections signalées quotidiennement, en moyenne, sont maintenant être en baisse.
Malheureusement, « la mortalité ne va commencer à baisser doucement que dans les deux prochaines semaines et va probablement rester stable pour un moment », a estimé le médecin-chef pour l’Angleterre, Chris Whitty. Rien d’anormal, quand on sait que les hospitalisations, ainsi que les décès, suivent de quelques semaines la courbe des contaminations.
Si la courbe des infections s’améliore, l’heure n’est pas pour autant au relâchement. « Nous n’avons pas encore assez de données » pour décider du moment où on pourra sortir du confinement, a indiqué Boris Johnson. Il a notamment annoncé que qu’il « ne serait pas possible » de rouvrir les écoles pour l’instant, espérant que celui puisse se faire pour le 8 mars. Pour se protéger de l’arrivée de nouveaux variants potentiellement résistants, le gouvernement également a décidé de renforcer sa frontière, demandant désormais des tests négatifs et imposant 10 jours de quarantaine à tous les arrivants de l’étranger. Il doit se prononcer rapidement sur la possibilité de consigner les voyageurs dans des hôtels pendant leur quarantaine.
Un variant finalement plus mortel ?
Depuis l’apparition du variant britannique, on le qualifie de plus contagieux, mais pas plus dangereux. Mais deux études séparées de la London School of Hygiene and Tropical Medicine (LSHTM) et de l’Imperial College de Londres ont semé le doute, en mettant en relation les données répertoriant les cas positifs détectés hors hôpital avec les données de mortalité. Utilisant des méthodes légèrement différentes, elles évaluent toutes les deux à environ 30% le risque supplémentaire de mourir lié au nouveau variant. D’autres études de l’Université d’Exeter et de l’agence de santé publique Public Health England ont conclu à des risques encore plus élevés.
Sur la base de ces résultats qui lui ont été soumis, le NERVTAG, le groupe qui conseille le gouvernement britannique sur les virus respiratoires, a indiqué qu’il y avait une « possibilité réaliste » que l’infection par ce variant soit associée à un risque plus élevé de mortalité.
>> Les variants du Covid: les certitudes et les inquiétudes (décryptage)
Il y a cependant des incertitudes dans les données, selon les chercheurs. Même si les résultats sont « statistiquement significatifs », les études se sont basées sur les cas positifs hors de l’hôpital. Or la plupart des malades ensuite décédés ont été testés positifs seulement à leur arrivée à l’hôpital. Et les données hospitalières ne sont pas encore disponibles.Selon le NERVTAG, cette lacune pourrait expliquer pourquoi les études n’ont pas révélé d’augmentation du risque d’hospitalisation chez les personnes contaminées par le variant, ce qui semble en contradiction avec une plus grande gravité de la maladie. Les recherches ne couvraient que 8% du total des décès sur la période analysée et les résultats pourraient « ne pas être représentatifs de l’ensemble de la population. »
Même si d’autres études sont nécessaires, les chercheurs émettent l’hypothèse que la plus grande létalité serait liée aux mêmes mutations que la plus grande transmissibilité. En ligne de mire en particulier, une mutation sur la spicule ou protéine Spike du virus, cette pointe à sa surface qui joue un rôle clé dans l’infection virale. « S’il est ainsi capable de se répandre plus rapidement dans les poumons, cela pourrait accélérer la progression de la maladie et de l’inflammation, qui progresse plus rapidement que ce à quoi le corps peut faire face », a expliqué Peter Horby, patron du NERVTAG et spécialiste des maladies infectieuses émergentes à l’université d’Oxford. « Le virus n’a peut-être pas évolué pour devenir plus mortel en tant que tel, mais il pourrait avoir évolué pour se développer plus vite ou mieux », indique de son côté à l’AFP Bjorn Meyer, virologue à l’Institut Pasteur à Paris.
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