" C'est l'hiver 1989, deux hommes sont assis devant moi dans le métro de Londres. Je les photographie trois fois. Je me rends compte que je ne les reverrai jamais. Regardez bien, juste dans le reflet de la fenêtre. Reconnaissez-vous l'ombre d'un visage ? C'est l'amour de ma vie. "

Photo : présent imminent

Michel Verlinden Journaliste

Photographe belge au-dessus de la mêlée, Stephan Vanfleteren a les honneurs d’une première grande rétrospective au Fomu d’Anvers. Un géant du noir et blanc, qui commente ici cinq de ses clichés. Morceaux choisis.

Originaire de Courtrai, Stephan Vanfleteren (1969) marque les imaginaires nationaux depuis les années 1990. En cause, une photogénie essentiellement noir et blanc, ponctuée de portraits inoubliables. Qu’il s’agisse de personnalités notoires (Spike Lee, Vanessa Paradis, Pedro Almodovar…) ou de vies minuscules, gueules impayables dégotées au bistrot du coin, Vanfleteren les immortalise avec la même aura.

Bien sûr, son travail a été fort diffusé en Flandre, notamment au travers de ses reportages dans le Morgen, entre 1993 et 2009, qui restent aujourd’hui encore une référence indépassable. Mais, et c’est assez rare pour être souligné, l’homme s’est également fait un nom en Wallonie par le biais d’un ouvrage lumineux sur Charleroi ( Il est clair que le gris est noir, Hannibal, 2015).  » J’aime Charleroi. Je l’embrasse sur la bouche malgré son haleine puante « , écrivait-il à l’époque. Tout son talent est là, dans cette présence pleine et empathique à l’univers qu’il élit. Il reste qu’avec le temps, la patte Vanfleteren a évolué, faisant des incursions du côté de la couleur, de la nature morte, de l’architecture… Pour lui aussi, le temps passe. On ne saurait trop conseiller cet accrochage percutant au Fomu (1), accompagné d’un précieux catalogue, qui revient sur trente-trois années d’images nécessaires.

 » La première fois que j’ai rencontré René, nous avons bu quelques bières au Café Renard, dans le quartier populaire des Marolles. La combinaison de l’alcool et de ses médicaments lourds était un mauvais mariage. Avec un ami, je devais ramener René à la maison. Porter un corps lourd dans un escalier étroit n’est pas chose facile. « 
 » Si vous photographiez un arbre dans un champ, son apparence ne le concerne pas. Il ne regarde pas en arrière, il ne commente pas, vous n’avez pas à prendre rendez-vous avec lui et il est toujours au même endroit. Un arbre est un arbre. « 
 » En tant que photographe de la nature, vous devez être rapide, vous munir d’un téléobjectif et être patient. Je ne remplis que la troisième condition : je peux attendre. Et les animaux morts sont encore plus patients. Des plumes et des fourrures dans une lumière douce comme réconfort pour la vie vécue. « 
 » Cela fait plus de cent ans que les élèves, souvent orphelins, du Koninklijk Werk Ibis, à Bredene, portent le même vêtement durant leur formation maritime. A cause de ces uniformes inchangés, quelque chose que je trouve intéressant se produit. Les portraits flottent dans une sorte d’intemporalité. « 
(1) Stephan Vanfleteren. Present (Catalogue paru chez Hannibal, 496 p.) : au Fomu, à Anvers, jusqu'au 1er mars 2020. www.fomu.be
(1) Stephan Vanfleteren. Present (Catalogue paru chez Hannibal, 496 p.) : au Fomu, à Anvers, jusqu’au 1er mars 2020. www.fomu.be

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