Perdu dans la toile des relations au Moyen-Orient? Une infographie pour démêler les enjeux
Dans le sac de nœuds des relations au Moyen-Orient, la tension continue de grimper. L’ouverture d’une nouvelle riposte d’ampleur par Israël au Liban, visant le Hezbollah, fait craindre l’embrasement généralisée de la région. Avec quelles conséquences et quelle implication des autres acteurs ? Une infographie pour mieux s’y retrouver.
Le regain meurtrier du conflit entre Israël et le Hezbollah libanais fait craindre le pire. Toute la région vit au rythme des frappes, des sirènes qui résonnent, des décès. L’intensification du conflit fait suite, notamment, à l’assassinat par Israël d’Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah depuis 30 ans, perpétré ce vendredi 27 septembre et du piratage des bipeurs et talkies-walkies des membres du Hezbollah mi-septembre.
Le mouvement militant chiite libanais est l’un des nombreux acteurs impliqués dans la région, avec une importance capitale, sorte d’État dans l’État. Le Hezbollah attaqué a forcé l’Iran, également chiite et soutien du mouvement libanais, à réagir, qualifiant la riposte contre Israël de «justifiée». Le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, a promis que les alliés de l’Iran «ne reculeront pas» malgré la vague d’assassinats menée par Israël contre des dirigeants pro-iraniens, comme ceux du Hamas palestinien et du Hezbollah libanais.
Dans la région, la toile des relations, complexes et aux nombreuses ramifications, entre alliances et inimitiés, rend parfois difficile la lecture des conflits. Des pays ne partageant pas forcément de frontières qui s’invectivent, des mouvements et groupes qui s’installent dans un territoire, des soulèvements et prises de pouvoir… pour y voir plus clair, Le Vif propose une infographie, amenée à évoluer, sur l’état des relations entre une série d’acteurs.
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Une lasagne d’intérêts et d’acteurs
Pourquoi est-il si difficile de rendre compte de la complexité du Moyen-Orient et des enjeux de la région? «Nous sommes face une série d’acteurs extrêmement large, aux intérêts très divers, à laquelle s’ajoute l’influence de grandes puissances extérieures, avance Michel Liégeois, profession en relations internationales à l’UCLouvain. Ajoutez-y les questions historiques, religieuses, territoriales et autres, qui, certes, existent aussi ailleurs, mais qui ne font que rajouter des couches à cette lasagne, avec une interpénétration entre les enjeux locaux, les enjeux régionaux et les enjeux systémiques. Tout est réuni pour avoir cette complexité qui rend d’ailleurs la sortie de crise très difficile.»
Ces intérêts divers des acteurs en présence sont également loin d’être secondaires dans l’équation. Ils sont même existentiels pour certains, comme Israël, dont l’enjeu principal est de persister, tout simplement, alors que son ennemi juré, l’Iran, souhaite sa disparition. «Dès son premier jour d’existence, l’État d’Israël a été attaqué par ses voisins et perdure aujourd’hui cette idée de forteresse assiégée, menacée dans son existence même. Et intellectuellement, il est possible, sans minimiser les attaques ou les justifier, de comprendre certaines actions et décisions israéliennes, de reconnaître qu’il y a du vrai là-dedans. Le peuple juif ayant déjà subi des tentatives d’éradication au cours de son histoire, sa position aujourd’hui dépend aussi de cela», rappelle le membre du Centre d’étude des crises et des conflits internationaux (CECRI).
Si la région a connu des événements qui ont reconfiguré quelque peu le paysage, les dernières attaques et ripostes d’Israël sont principalement le prolongement d’inimitié qui se radicalisent, juge le spécialiste, mais ne bouleverseront rien des relations existantes. «Nous sommes dans une phase où l’intensité des conflits varie, mais cela ne change pas la situation globale. Évidemment, en cas de conflagration généralisée, là il y aura des gagnants, des perdants, peut-être des changements de régimes et donc de possibles recompositions du paysage, mais pour l’instant, on n’en est pas là.»
L’Iran riposte avec «une très grande maîtrise»
L’assaut de Tsahal, l’armée israélienne, au Liban était prévisible après les frappes du Hezbollah sur Israël, mais il affecte aussi directement les intérêts de l’Iran dans la région, forçant ce dernier, allié stratégique du mouvement libanais, à réagir pour maintenir sa crédibilité.
«L’Iran fait preuve d’une très grande maîtrise dans sa réponse à l’agression d’un allié, utilisant des frappes de missiles comme outil de diplomatie coercitive plutôt que comme véritable intention d’infliger des dommages. En lançant des missiles vers Israël, l’Iran savait que la majorité seraient interceptés grâce aux systèmes de défense israéliens et alliés. Mais en le faisant, le pays démontre sa puissance militaire dans la région, tout en évitant l’escalade avec Israël», note Michel Liégeois.
Enfin, les derniers acteurs impliqués dans ce regain de violence sont extérieurs à la région, tant les États-Unis, alliés indéfectibles d’Israël, que l’Europe, qui peine parfois à exister et laisse donc ses États prendre la main.
«La ligne américaine ne bougera pas et l’aide continuera à arriver vers Israël, même après l’élection présidentielle, anticipe le spécialiste. Pour l’Europe, c’est plus complexe de noter leur action. La France, vu les liens qu’elle entretien avec le Liban, a voulu se poser en médiateur, voir ce qui pouvait être fait pour limiter les dégâts. Et c’est peut-être plus là que l’Europe aura un rôle à jouer, dans l’après, pour aider le pays, déjà sur la corde raide, à se reconstruire», conclut-il.
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