Mark Rutte part et une nouvelle ère commence pour les Pays-Bas. © getty images

Pays-Bas: après le départ de Mark Rutte, les incertitudes

Le retrait de l’expérimenté Premier ministre Mark Rutte fera-t-il le bonheur du jeune Mouvement agriculteur-citoyen? En tout cas, pour les Pays-Bas, une nouvelle ère commence, sans doute marquée par une instabilité politique.

Après 17 ans de «bons et loyaux» services à la tête du Parti populaire pour la liberté et la démocratie (VVD) et quatre mandats de Premier ministre, l’inoxydable Mark Rutte se retire de la vie politique. A 56 ans, «Mark Téflon», surnommé ainsi pour n’avoir jamais été éclaboussé par les scandales et pour avoir toujours mené son pays là où il l’entendait, a étonné une dernière fois son électorat et son parti.

La crise causée par la tentative de réforme du droit d’asile qui a conduit à la chute du gouvernement le 7 juillet n’aurait-elle été qu’un prétexte pour la démission du Premier ministre? C’est ce que semblent croire certains responsables politiques.

Un artifice ?

Le chef du Parti travailliste (PvdA) Attje Kuiken incline à penser que cette pierre d’achoppement n’était qu’un artifice pour provoquer une crise au sein des quatre partis formant la coalition sortante. «Je m’attendais à ce qu’il souhaite se retirer après les dernières élections, mais comme ça…», confie le politologue David Bos, de l’université d’Amsterdam.

Avec cette sortie anticipée, Mark Rutte a pris tout le monde par surprise. Il est aussi possible qu’il ait voulu couper l’herbe sous le pied de ses opposants politiques, qui comptaient présenter une motion de censure, le 10 juillet, en matinée.

Il restera Premier ministre ad interim jusqu’aux prochaines élections parlementaires prévues à la mi-novembre. «Finalement, il vaut mieux démissionner et rester comme le politicien le plus illustre du VVD que de se faire démettre par le Parlement…» analyse le politologue.

Une étonnante longévité

Son surnom, «Mark Téflon», symbolise ses quatre mandats. Les multiples scandales qui ont marqué ses treize années au pouvoir ont glissé sur sa peau. Malgré les dissolutions de gouvernement à répétition – sept en vingt ans – les Pays-Bas ont connu une forme de stabilité politique grâce à certaines figures.

Depuis 2006, Mark Rutte était l’une d’entre elles. Le Premier ministre demeuré le plus longtemps à la tête du pays abandonnera-t-il réellement une si belle carrière? Retour sur le passé d’un des hommes politiques les plus discrets de la décennie.

Un homme « brillant »

Mark Rutte n’a jamais fait de réelles vagues. Ses pairs le décrivent comme «brillant», avec «une mémoire hors pair». Jesse Klaver, le leader de GroenLinks (Les Verts), confie à la sortie de la conférence du Premier ministre démissionnaire: «J’ai beaucoup de respect pour l’étape qu’il franchit maintenant. Grâce à cela, nous lui faisons confiance pour diriger le gouvernement pendant la période de transition.»

Caroline van der Plas, la cheffe du Mouvement agriculteur-citoyen (BBB), corrobore: «C’est une décision très judicieuse.» Elle juge cependant qu’il a été «un travailleur acharné qui n’a pas toujours bien fait les choses».

Macron et l’Europe

Il s’est allié tantôt avec l’extrême droite (PVV) en 2010, tantôt avec la gauche, en 2012. Il a tenu des discours eurosceptiques à une époque, pour, in fine, être un des plus grands alliés de la France et de l’Allemagne, malgré son image de chef de file des pays frugaux. L’Europe ne peut pas oublier son «non» catégorique à l’idée d’un Fonds européen souverain pour aider les pays en difficulté. Pourtant, personne ne lui en tient rigueur. Emmanuel Macron a trouvé en lui l’un de ses plus fidèles amis au sein de l’Union, lui rendant visite régulièrement et multipliant les accords économiques.

Le poste de secrétaire général de l’Otan se libère en octobre 2024. Un timing parfait pour lui.

Sur sa vie privée, il a été d’une discrétion exceptionnelle. Connu pour être un célibataire endurci, il n’a ni compagne, ni enfants. Il a souvent été vu à vélo, pomme à la main. Et il enseigne encore l’histoire tous les vendredis au lycée. Il songe d’ailleurs à continuer à l’enseigner dès sa retraite politique actée.

En route vers l’Otan ?

Mais David Bos ne l’analyse pas de la même façon: «Le poste de secrétaire général de l’Otan se libère en octobre 2024. C’est un timing parfait pour lui. Car après les élections, il faudra former un gouvernement et il devra assurer l’intérim encore quelque temps.»

La plus grande réussite de Mark Rutte sera d’avoir géré de main de maître la catastrophe de l’avion MH17 abattu au-dessus de l’Ukraine le 17 juillet 2014 alors qu’il assurait le vol Amsterdam-Kuala Lumpur. De nombreux citoyens et personnalités politiques lui en savent gré. Le Premier ministre sortant n’a cependant pas connu que des succès lors de ses mandats. Il quitte son poste en laissant derrière lui de multiples problèmes qui ne seront pas résolus sous son intérim (la crise de l’azote, le scandale des allocations familiales, la crise du logement). De ce fait, le pays entre dans une période de forte instabilité politique.

Un futur chaotique?

Qui reprendra les rênes de son parti? D’après le conseil d’administration du VVD, un candidat devrait être proposé rapidement. Klaas Dijkhoff, l’homme le plus populaire au sein du parti après Mark Rutte, ne désire pas le poste. Sophie Hermans et Dilan Yesilgoz sont cités, mais leur popularité ne semble pas suffisante.

Il faudra donc attendre la mi-novembre pour savoir si le VVD, sans son «homme-Téflon», pourra maintenir son audience et garder une majorité relative au Parlement. Le Mouvement agriculteur-citoyen pourrait cependant profiter du scrutin pour conforter son implantation.

Une nouvelle ère

Son résultat étonnant aux élections provinciales de mars 2023, qui lui a conféré la majorité relative au Sénat (17 sièges sur 75), montre que tout est possible aux Pays-Bas. Et Henk Vermeer, secrétaire du parti, a confirmé cette ambition: «Les gens désirent quelque chose de nouveau, de plus pragmatique et avec plus d’attention envers les banlieues et la campagne. Caroline van der Plas et le BBB peuvent offrir cela aux Néerlandais.» Une chose est certaine: Mark Rutte part et une nouvelle ère commence.

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