Passé colonial: « Le volet réparations crispe », constate l’historien Pierre-Luc Plasman
Les désaccords politiques persistent au sein de la commission sur le passé colonial de la Belgique. La thématique est revenue sur le devant de la scène « non pas par la voie de la recherche historique, mais par celle de la polémique », relève l’historien Pierre-Luc Plasman, auteur de Léopold II, potentat congolais.
La commission parlementaire sur le passé colonial entame sa dernière ligne droite. Un compromis entre partis est-il envisageable?
Le passé colonial de la Belgique est revenu sur le devant de la scène non pas par la voie de la recherche historique mais par celle de la polémique. Cela ne facilite pas l’entente entre membres de la commission spéciale. Chacun s’y exprime selon sa sensibilité politique. Au cours de ce dernier quart de siècle, le débat s’est focalisé sur deux figures antagonistes: celle du roi blanc du début de la colonisation, Léopold II, et celle du leader noir de l’indépendance, Patrice Lumumba, premier Premier ministre du Congo postcolonial. Ces dernières années, le milieu associatif et les réseaux sociaux ont mis l’accent sur les atrocités commises à l’époque de l’Etat indépendant du Congo. Il est plus facile de cibler une personne, le roi fondateur, qu’un système, le régime colonial.
L’écrasante majorité de la population congolaise actuelle n’a pas connu l’époque coloniale.
A propos de la colonisation, un ancien ambassadeur en RDC, Renier Nijskens, a reproché, en mai dernier, aux historiens auditionnés par la commission de mettre systématiquement en avant ce qui est à charge.
La plupart de mes collègues historiens ont mis en garde les parlementaires belges contre la tentation d’une approche bilantaire. Ils estiment qu’il faut en finir avec l’idée selon laquelle la Belgique a apporté, malgré des errements, des bienfaits à ses colonies. Toute analyse nuancée de la colonisation est aujourd’hui considérée comme une justification du système. Cette posture radicale aboutit à axer la recherche sur la dénonciation. Peut-être qu’une future génération de chercheurs pourra présenter toute la complexité du passé colonial. Début septembre, cinq députés de la commission spéciale ont fait une visite de travail en RDC. Ils se sont entretenus avec des académiques congolais qui, eux, ont dressé un bilan nuancé de la colonisation belge.
Le député Ecolo Guillaume Defossé juge que le système colonial doit être mis en cause dans ses composantes essentielles: le roi fondateur Léopold II, l’Etat, les entreprises et les Eglises. Si des excuses doivent être exprimées pour les exactions commises pendant la période coloniale, quelles institutions belges sont concernées?
De nombreux acteurs de la colonisation n’existent plus, tant dans le monde industriel que dans celui des congrégations religieuses. Je doute fort que l’Eglise catholique congolaise tienne à ce que son homologue belge présente des excuses pour l’œuvre accomplie par les missions au Congo! Le Palais, lui, a déjà posé un acte fort. En juin 2020, le roi Philippe, descendant indirect de Léopold II, a écrit au président Félix Tshisekedi pour condamner clairement les exactions commises au Congo léopoldien puis belge. Le président congolais a bien reçu le message et exprimé sa volonté d’aller de l’avant, d’ouvrir une nouvelle ère de coopération avec la Belgique.
La question des réparations financières demeure controversée, tant dans la population que dans le monde politique.
Les parlementaires de la commission qui recommandent une forme de dédommagement ont sans doute en tête le processus de réparation financière mis en place en Belgique pour les victimes d’abus sexuels commis par des prêtres ou des religieux. Dans ce cas-là, un centre d’arbitrage est compétent pour traiter les demandes. Pour ce qui concerne le passé colonial, le volet réparations crispe plusieurs partis. Rappelons que le Congo est indépendant depuis plus de 62 ans et que l’écrasante majorité de la population congolaise actuelle n’a pas connu l’époque coloniale.
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