Partisans, donateurs fidèles: comment l’argent continue d’affluer pour Donald Trump
Même le coût élevé de sa défense en justice ne menace pas la campagne de Donald Trump: les dons se maintiennent et sa fortune peut être un recours.
Lorsque le camp démocrate, le 4 août, a écouté Jack Smith, le procureur spécial en charge de l’enquête sur l’insurrection du Capitole le 6 janvier 2021, signifier à Donald Trump et à ses avocats les charges qui pesaient contre lui, il ne pouvait pas ignorer une tendance qui pèse lourd sur l’échiquier politique américain depuis 2016. Chaque frasque de l’ancien président a tendance à renforcer sa base électorale. La demande, dans les jours qui ont suivi, qu’il soit tenu au silence dans ce dossier ne peut constituer qu’une bride temporaire aux accusations de machination «conspirationniste» dont le milliardaire s’estime victime.
«Il semble que chaque nouvelle inculpation renforce la base électorale de Trump, confirme Jared Craig, avocat et membre de Legacy Pac, un comité politique de soutien à l’ancien président. Cela se traduit dans les sondages et les donations individuelles qu’il reçoit.» Champion incontesté des «petites» donations, Donald Trump mène en effet la danse en ce milieu d’été dans les sondages, à l’échelon national, dans le camp républicain. Alors qu’il y a six mois, les projecteurs étaient entièrement braqués sur la candidature pressentie de Ron DeSantis, jeune gouverneur de Floride, et que ce dernier se targuait d’être au coude-à-coude avec son ancien mentor dans les intentions de vote, la tendance a depuis connu une volte-face sensationnelle, au fur et à mesure que les inculpations de Donald Trump se sont accumulées. A tel point qu’aujourd’hui, avec plus de 60% des préférences exprimées, la victoire de ce dernier aux primaires du Parti républicain semble ne plus faire de doute.
Trump et Biden les mieux financés
Les trésors de campagne dont disposent les principaux candidats à la prochaine élection présidentielle sont en corrélation directe avec les intentions de vote les concernant. A l’exception de Tim Scott, le sénateur républicain de Caroline du Sud, qui ne dispose pas à ce stade d’une base électorale lui permettant d’espérer quoi que ce soit, Donald Trump et Joe Biden sont les seuls à disposer de fonds de campagne excédant les vingt millions de dollars. Ron DeSantis, de son côté, a dépensé des dizaines de millions en pure perte ces derniers mois: les intentions de vote le concernant n’excèdent pas les 20% dans le cadre des primaires.
D’ici à la fin du mois d’août, Donald Trump devrait se voir signifier une quatrième inculpation dans le cadre de pressions qu’il aurait exercées sur des responsables politiques de l’Etat de Géorgie pour les persuader de renverser le résultat du scrutin sur place. L’ex-président se trouve donc dans une position favorable à tous égards, sauf s’il devait finalement être empêché de concourir à cause de ses ennuis judiciaires.
Un arrêt décisif de la Cour suprême
Les campagnes électorales américaines sont connues pour être extrêmement coûteuses. On estime que celle, infructueuse, de Donald Trump en 2020 a coûté près de 800 millions de dollars. Les spots de publicité à la télévision et à la radio, qui saturent les ondes plus d’une année avant les différents scrutins, comptent pour près de 70% de ces dépenses. Comme l’explique Anna Massoglia, membre de l’organisation Open Secrets, qui milite pour la transparence en matière de dépenses électorales, «l’arrêt dit Citizens United de la Cour suprême américaine, rendu en 2010, confère à des organisations commerciales et non commerciales la protection constitutionnelle propre au premier amendement, qui protège la liberté d’expression, avec comme principale conséquence qu’elles ne peuvent voir leurs dépenses électorales en faveur d’un candidat limitées en aucune façon, quel que soit le type d’élection».
«Cet arrêt a clairement eu tendance à cristalliser une situation de féodalisation du monde politique face aux grandes entreprises, tant à l’échelon présidentiel que local, ajoute Anna Massoglia. A tel point qu’aujourd’hui, les hommes politiques, dépendant de ces donations, se tireraient une balle dans le pied s’ils venaient à tenter de faire répudier cet arrêt.»
Croissance des donations, pour Trump et Biden
Dans la pratique, les donations des grandes entreprises en faveur des candidats démocrates et républicains ont explosé depuis l’arrêt. Jones Day, grand cabinet d’avocats américain, a ainsi contribué pour près de dix millions de dollars à la campagne de Donald Trump en 2020. Des individus fortunés, patrons de grands groupes financiers pour la plupart, comptent également parmi les grands donateurs des républicains (Blackstone, Citadel) comme des démocrates (Bain Capital). Le philanthrope George Soros, naturalisé américain, est, à travers sa fondation, le premier donateur du parti de Joe Biden avec près de 180 millions de dollars versés lors de sa campagne victorieuse en 2020.
Les donations des grandes entreprises en faveur des candidats ont explosé.
Donald Trump, dont personne n’ignore la fortune personnelle, n’a donc même pas besoin de puiser dans ses coffres pour soutenir les efforts de sa campagne. Ses donateurs, grands comme petits, l’en préservent. Cela étant, l’ancien président pourrait le faire. Rien n’empêche, des individus de contribuer eux-mêmes financièrement à l’avancement de leur candidature. L’ancien financier Michael Bloomberg avait ainsi dépensé des dizaines de millions de dollars de sa propre fortune sous la bannière démocrate en 2020. Les géants de la technologie Google et Facebook avaient été ses principaux soutiens privés. Sans grand résultat.
L’hypothèque des frais de justice?
Une question lancinante demeure néanmoins dans le cas de l’ancien président Trump: ses comités de soutien peuvent-ils servir à payer ses frais d’avocat? «C’est une zone grise», admet l’avocat Jared Craig. «Il se pourrait que la commission électorale (FEC) ou le département de la Justice doivent intervenir», enchérit Anna Massoglia, «mais, en substance, leurs moyens sont limités et ils ont d’autres chats à fouetter.»
Fin 2020, le milliardaire avait choisi de mettre ses partisans à contribution pour financer des procès qui visaient à remettre en cause le résultat des élections: il avait récolté 320 millions de dollars. Si les caisses semblent vides à l’heure actuelle, conséquence des factures d’avocats gargantuesques enregistrées jusqu’ici, il lui reste deux options à explorer: faire un nouvel appel à ses partisans, petits et grands, ou financer lui-même les conséquences de ses ennuis judiciaires. Sa motivation à briguer un nouveau mandat à la Maison-Blanche devrait suffire à le convaincre d’ouvrir son propre portefeuille si le besoin se faisait sentir.
L’énigme Ron DeSantis
Un premier débat dans le cadre des primaires doit opposer les prétendants à la candidature républicaine le 24 août à Milwaukee, dans l’Etat du Wisconsin, l’un de ceux qui pourraient être déterminants dans le résultat final de l’élection présidentielle de 2024. Consacrera-t-il, sous les coups de boutoir de Donald Trump, le fiasco de la candidature du gouverneur de Floride Ron DeSantis?
L’homme présenté comme le mieux placé, du côté républicain, pour rivaliser avec l’ancien président a multiplié les déboires. Le lancement de sa campagne, à la faveur d’une conversation avec Elon Musk, le propriétaire de X (ex-Twitter), le 24 mai, a été un échec pitoyable en raison de problèmes techniques. Son offensive pour «wokisme» contre le géant du divertissement Disney, dont le plus grand parc d’attractions est situé à Orlando, s’est retournée contre lui. Des élus républicains l’ont contestée au nom de la liberté d’entreprendre. Et la société a déposé plainte contre lui, le soupçonnant d’avoir abusé de sa fonction de gouverneur à des fins personnelles. Enfin, les premiers mois de la campagne ont révélé un Ron DeSantis quasi sur la même ligne que Trump sur le fond et cruellement dépourvu de son «charisme» et de son côté «empathique» sur la forme.
Résultat: malgré des donations, les plus élevées engrangées après celles de l’ancien président, les intentions de vote en faveur du gouverneur de Floride ont stagné puis reculé. Cette situation peu enviable explique-t-elle un changement de cap? Le 18 juillet, rompant avec sa tendance à la discrétion dans les médias, Ron DeSantis a donné une interview à CNN. Et le 7 août, dans un autre entretien à NBC, il a enfin admis que «bien sûr, Donald Trump a perdu l’élection [présidentielle de 2020], Joe Biden est président». Ron DeSantis «doit cesser d’être le plus grand supporter de Joe Biden», a rapidement rétorqué Donald Trump. Lequel convaincra le plus de militants républicains?
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