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Parlement européen: de fortes critiques contre l’accord avec le président tunisien

Les critiques ont fusé mardi au Parlement européen contre l’accord passé à la mi-juillet entre quelques dirigeants européens et le président tunisien Kais Saied pour freiner les migrations d’Afrique vers l’Europe.

La gauche et le centre ont dénoncé un « dirty deal » (sale accord), « chèque en blanc » tandis que la droite de l’hémicycle strasbourgeois continuait de soutenir l’accord.

À la manœuvre de ce « mémorandum d’entente » estampillé « Équipe Europe » (une appellation informelle réunissant l’UE et ses bras financiers BEI et BERD, ainsi que les États membres): la présidente de la Commission Ursula von der Leyen et les Premiers ministres néerlandais et italien, Mark Rutte et Giorgia Meloni.

Le partenariat engage la Tunisie à accentuer ses efforts pour empêcher les migrants de traverser la Méditerranée vers l’Europe, en échange d’un soutien économico-financier. Pour autant, la migration Tunisie-Europe n’a pas faibli ces dernières semaines, au contraire.

De plus, des images ont été diffusées récemment laissant penser que les autorités tunisiennes ont déporté, au cours de l’été, des personnes migrantes vers la frontière libyenne, les abandonnant sans eau et sans vivres au milieu du désert. « Les images insoutenables qui nous sont parvenues de personnes, y compris des enfants, mortes de soif sous un soleil brûlant, sont une conséquence directe de cette politique migratoire désormais officiellement financée par la Commission européenne« , a dénoncé la Belge Saskia Bricmont (Ecolo, Verts/ALE), appelant à mettre un terme à cette politique d’externalisation des frontières.

« Demain (lors de son discours annuel sur l’état de l’Union, NDLR), Mme Von der Leyen clamera qu’elle défend la démocratie contre l’autocratie. Mais dans le même temps, elle défend son sale accord passé avec l’implacable dictateur Saied », a renchéri la Néerlandaise Tineke Strik (GroenLinks), professeur de droit de la migration. « L’obsession de stopper la migration conduit l’UE à une politique d’apaisement à l’égard d’un autocrate qui pousse à la violence contre les migrants noirs ».

Chez les libéraux, tout le monde n’est pas heureux non plus. « Deux mois après cet accord, on n’en connaît toujours pas les détails », a relevé la Belge Hilde Vautmans (Renew, Open Vld). « Ce qui est clair, c’est qu’on a donné un chèque en blanc de 250 millions d’euros à un autocrate qui sape les droits humains« .

À moins de dix mois des élections de 2024, les extrémistes usent et abusent de la politique migratoire de l’UE, ajoute-t-elle. Hilde Vautmans insiste sur la nécessité de faire aboutir les négociations entre le Parlement et le Conseil (États membres) sur le projet de pacte sur la migration et l’asile. « Agissons sur le trafic d’êtres humains et la protection des gens qui fuient la guerre et la violence ».

Plusieurs députés ont aussi critiqué le cavalier seul du trio Von der Leyen-Rutte-Meloni, au nom de l’UE alors que le Parlement européen n’a pas eu voix au chapitre. « C’est un accord de coin de table, conclu par un organisme inventé de toute pièce, que l’on nomme ‘Équipe Europe' », a dénoncé la Néerlandaise Sophie in ‘t Veld (Renew). Elle y voit aussi une confirmation de la dérive du PPE vers l’extrême droite.

Plus important groupe politique de l’assemblée, le Parti populaire européen (PPE) continue de défendre l’accord. « C’est un bon accord, au fond. Nous devons maintenant nous concentrer sur sa bonne mise en œuvre », a affirmé le Belge Tom Vandenkendelaere (CD&V). Il a réclamé d’autres accords de ce type, « pour que davantage de gens à l’avenir envisagent leur avenir dans leur région« . 

Lui aussi défend la conclusion du Pacte sur la migration et l’asile, qui se profile comme un gros morceau de la présidence belge du Conseil de l’UE, au premier semestre 2024, sous la responsabilité de sa coreligionnaire Nicole de Moor. Il insiste sur le contrôle des frontières extérieures et une politique efficace de renvoi, tout en appelant au respect des droits de ceux qui font appel à la protection internationale.

Le chef du groupe PPE, Manfred Weber, quant à lui, s’en est référé à l’accord conclu entre l’UE et la Turquie de Recep Tayyip Erdogan à l’époque de la chancelière allemande Angela Merkel. « Il n’y a pas de meilleure proposition sur la table. Où est l’alternative ? Personne n’est naïf, mais menons les pourparlers avec nos partenaires, en prenant en considération leurs problèmes ». Pour le Bavarois, « Saied se montre désormais disposé à coopérer avec nous ».

Quant aux ultra-conservateurs de CRE (Conservateurs et réformistes européens), ils ont largement défendu la ligne Meloni, à l’exception de la députée N-VA Assita Kanko, qui s’est dite « énormément déçue ». « La crise migratoire et les ingrédients qui l’ont rendue possible n’étaient pas si difficiles à anticiper. Mais qu’avons-nous fait ? Du show politique et de l’improvisation, plutôt que de la fermeté. Nous avons abandonné notre sort et celui des migrants aux mains d’un dictateur, avec un énorme chèque en blanc à la clé », a-t-elle dénoncé.

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