Panama Papers: des fonds de la Banque mondiale pour l’Afrique transitent par des paradis fiscaux
Les trois quarts des entreprises ayant reçu des prêts de la Banque mondiale destinés à financer des projets de développement en Afrique subsaharienne ont fait transiter ces fonds par des paradis fiscaux, a révélé lundi l’ONG britannique Oxfam.
Sur 68 entreprises qui ont obtenu en 2015 des prêts de la Société financière internationale (SFI), la branche de la BM qui accorde des prêts aux compagnies privées, 51 ont fait passer cet argent par des territoires considérés comme des paradis fiscaux, principalement l’île Maurice, rapporte l’ONG dans un communiqué.
Par ce procédé, dénonce Oxfam, ces entreprises ont « déguisé (ces fonds) en investissement étranger direct », leur permettant d’obtenir des allègements fiscaux et autres avantages, là où la région la plus pauvre du monde « a désespérément besoin des impôts sur les sociétés pour investir dans les services publics et les infrastructures ».
« Cela n’a aucun sens pour la Banque mondiale de dépenser de l’argent pour inciter les entreprises à investir dans le ‘développement’, si elle ferme les yeux sur le fait que ces entreprises pourraient tricher dans les pays pauvres sur les recettes fiscales qui sont nécessaires pour lutter contre la pauvreté et l’inégalité », a expliqué Susana Ruiz, conseillère en matière de politique fiscale chez Oxfam. Selon elle, la Banque mondiale « doit placer des garde-fous » pour s’assurer que l’investissement dans le développement de ces pays ne se réalise plus dans « l’opacité ».
Cette annonce intervient en plein scandale des « Panama Papers » sur le système offshore, qui sera au menu de la réunion de printemps du FMI et de la Banque mondiale qui se tient cette semaine à Washington.
Dans le détail, les 51 entreprises incriminées -dont les noms n’ont pas été cités- ont reçu 84% des financements de la SFI pour la région en 2015.
Cette branche de la Banque mondiale a plus que doublé ses prêts à ces entreprises faisant transiter des fonds par des paradis fiscaux, de 1,20 milliard de dollars en 2010 à 2,87 milliards en 2015, précise Oxfam.
La destination de plus de la moitié des fonds alloués par la SFI n’est pas connue du public, fustige l’ONG, « car cela est réalisé à travers des intermédiaires financiers opaques ».