Olivier Vandecasteele : la carte secrète de la diplomatie belge qui a débloqué la situation (analyse)
Olivier Vandecasteele est libre. « La Belgique a activé LE bon acteur pour sortir de cette crise », estime Jonathan Piron (Grip, Etopia), politologue et spécialiste de l’Iran. Mais derrière le soulagement, il s’agit aussi « d’une victoire de la diplomatie des otages iranienne ». Analyse.
Enfin avec nous ». Les trois mots utilisés par le Premier ministre Alexander De Croo pour annoncer la libération d’Olivier Vandecasteele résonnent comme un ouf de soulagement dans toute la Belgique. La libération du travailleur humanitaire belge, emprisonné injustement depuis 455 jours, a d’emblée été saluée par une grande partie de la classe politique du pays.
« Après une crise qui a duré 15 mois, le retour d’Olivier Vandecasteele est un élément positif. En revanche, dans l’autre sens, on laisse filer un diplomate iranien, Asadollah Asadi, qui a été condamné dans un Etat de droit », cadre Jonathan Piron, politologue et historien, spécialiste de la politique iranienne. « Le premier communiqué des Affaires étrangères iraniennes cite clairement ‘l’innocent diplomate iranien détenu illégalement en Belgique’. Sans surprise, il ne va donc pas purger le reste de sa peine en Iran », note-t-il.
Olivier Vandecasteele: la diplomatie des otages a-t-elle gagné?
Le travail des diplomates belges est salué de part et d’autre. Pour Jonathan Piron, cependant, « il faut peut-être moins se demander s’il s’agit d’une victoire de la diplomatie belge, que s’il s’agit d’une victoire de la diplomatie des otages en Iran », pointe-t-il.
A cet égard, la Résistance iranienne a fermement condamné « la libération du diplomate terroriste Assadollah Assadi et son retour en Iran sous la dictature religieuse au pouvoir (…) alors que la Cour constitutionnelle avait clairement indiqué dans son arrêt que le gouvernement belge devait informer les victimes avant de transférer les condamnés, afin qu’elles aient la possibilité de porter l’affaire devant les tribunaux une nouvelle fois », clame le communiqué, qui fustige « une honteuse rançon pour le terrorisme et la prise d’otages ».
La N-VA n’est pas en reste. « Olivier Vandecasteele a été la victime du traité belgo-iranien sur le transfert de condamnés, dans la mesure où l’Iran a compris qu’il lui fallait un otage pour libérer le diplomate Assadollah Assadi », dénoncent les nationalistes flamands dans Le Soir.
« Dans les jours qui viennent, il revient au Parlement fédéral de s’interroger sur la manière dont les choses se sont déroulées. Et aux Affaires étrangères belges de communiquer avec transparence. Mais d’une certaine manière, il n’y a pas beaucoup de mystère quant aux contraintes posées par les Iraniens pour parvenir à cette libération », commente Jonathan Piron.
Dans les jours qui viennent, il revient au Parlement fédéral de s’interroger sur la manière dont les choses se sont déroulées.
Jonathan Piron
L’Iran a fait de la diplomatie des otages une habitude. Actuellement, quatre français y sont détenus. « Face à un régime qui se radicalise de plus en plus, cet outil est régulièrement employé pour faire pression et maximiser ses intérêts », analyse Jonathan Piron.
Mais selon l’expert, cette stratégie ne fonctionnera qu’à court terme. Car avec son comportement ultra-radical, aussi bien dans le dossier des droits de l’Homme que dans la diplomatie des otages, l’Iran redevient un Etat paria aux yeux des chancelleries occidentales. « Cette attitude pourrait se retourner contre eux. Ils auront aussi besoin de sortir de leur isolement car ils ne peuvent pas reposer leur développement uniquement sur la Russie et la Chine. Le pays va donc devoir revenir vers les Occidentaux. Donc, c’est une victoire de la diplomatie des otages iranienne, mais à court terme », avance le spécialiste.
Oman : la bonne opportunité pour la diplomatie belge
Le transfert d’Olivier Vandecasteele a eu lieu hier soir de Téhéran vers Mascate, capitale d’Oman, au même moment où Asadollah Asadi est parti de Bruxelles vers Mascate. « Il est intéressant de voir que la Belgique a activé un intermédiaire, Oman, pour parvenir à débloquer la situation, souligne Jonathan Piron. Le pays a fait office de plateforme d’échange, d’espace tampon. C’est une opération qui demande du temps, dont le succès repose sur le secret, pour éviter qu’un acteur vienne perturber le transfert. Cette nécessité de discrétion était primordiale », rappelle-t-il.
Ce choix d’activer la piste Oman a été le coup gagnant opéré par la diplomatie belge, estime le spécialiste. « Au Moyen-Orient, deux Etats essaient de jouer le rôle d’intermédiaire. Ils sont amis avec tout le monde et ennemi avec personne : c’est le Qatar et Oman. Historiquement, Oman a souvent joué un rôle de médiateur sur la question des détenus, notamment au Yemen et en Iran. Dans sa politique étrangère, Oman a toujours eu cette volonté de maintenir des canaux de communication », retrace Jonathan Piron.
Comme les relations entre l’Iran et Oman sont assez positives, la Belgique a activé LE bon acteur pour sortir de cette crise.
Jonathan Piron
« Ce qui sera intéressant, c’est de voir comment cet interlocuteur a été activé. Comment les échanges se sont réalisés entre Oman et la diplomatie belge ?, se demande le politologue. Oman est un Etat avec lequel la Belgique n’a pas beaucoup de rapport commerciaux. »
Toujours est-il qu’il n’est pas étonnant que la carte Oman ait été activée puisque le pays a cette longue tradition de diplomatie constructive. « Comme les relations entre l’Iran et Oman sont assez positives, la Belgique a activé LE bon acteur pour sortir de cette crise », salue Jonathan Piron.
A bonne source, on apprend que c’est bien le sultanat d’Oman qui entrepris les démarches pour contacter la Belgique, et non l’inverse. « Oman est un facilitateur, un intermédiaire qui a servi de levier diplomatique », confirme-t-on.
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