Gérald Papy

Commémorations du D-Day de 2014 et de 2024: l’échec aussi de l’Occident

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Il y a dix ans, Barack Obama et Vladimir Poutine se toisaient en Normandie. Il y avait encore l’espoir de contenir la déstabilisation de l’Ukraine. La détermination a-t-elle manqué?

C’était il y a dix ans. La scène est drôle, émouvante même, et emblématique d’un climat qui, hormis pour les Ukrainiens, n’est pas encore celui d’un retour de la guerre en Europe. Barack Obama est le dernier invité à rejoindre, sous les vivats de l’assistance, la tribune dressée pour les personnalités venues célébrer sur la plage de Ouistreham le 70e anniversaire du Débarquement allié du 6 juin 1944. Le réalisateur Jérôme Revon réunit à l’écran le président américain et son homologue russe, pourtant placés à bonne distance sur l’estrade. Les spectateurs s’en amusent et l’expriment. Barack Obama esquisse un sourire et tourne la tête vers son rival avec comme une pointe d’arrogance. Vladimir Poutine semble se gausser de cette attitude et échange un regard furtif avec le fringant yankee.

La Russie, pourtant, a annexé, avec «ses petits hommes verts», la Crimée en mars de la même année, et soutient l’agitation des pro-Russes dans les provinces ukrainiennes de Donetsk et de Louhansk. Mais demeure encore l’espoir d’un apaisement. François Hollande, hôte des lieux, accompagné de la chancelière allemande Angela Merkel, a réussi à réunir Vladimir Poutine et Petro Porochenko, le président ukrainien élu après la révolution proeuropéenne de Maïdan et la destitution de son prédécesseur prorusse Viktor Ianoukovytch. L’échange a été glacial. Mais le «format Normandie», qui aboutira aux accords de Minsk, est né.

Dix ans plus tard, Joe Biden ne sourira pas à Vladimir Poutine à Saint-Laurent-sur-Mer, à proximité d’Omaha Beach. Le Russe n’a pas été invité. L’Ukrainien Volodymyr Zelensky, tee-shirt et pantalon kaki, personnalisera le combat pour la défense des libertés contre la dictature, comme l’ont fait en 1944 150.000 soldats, venus des Etats-Unis et de nombreux autres pays, face au nazisme. En février 2022, Vladimir Poutine a balayé les accords et lancé l’invasion totale de son voisin. Après l’échec de la prise de Kiev et celui de la contre-offensive ukrainienne à l’été 2023, les Russes ont repris l’offensive. Ils menacent à nouveau Kharkiv. S’adaptant à l’évolution du conflit, les Occidentaux font évoluer étape par étape leur doctrine. Certains ont donc autorisé les Ukrainiens à utiliser leurs armements et leurs avions pour frapper le territoire russe qui sert de base arrière à l’attaque. La licence est parfois assortie de règles strictes. Il n’y a pas lieu de s’en offusquer. Il est logique que les soutiens de Kiev fassent preuve de prudence. Plus critiquables sont les failles dans l’approvisionnement en munitions et en armements, l’impuissance des Occidentaux à relancer aujourd’hui une solution négociée, ou les faiblesses dont ils ont fait preuve hier dans la consolidation des accords de Minsk.

Si la perpétuation de la guerre incombe à Vladimir Poutine, elle consacre aussi une forme d’échec de l’Occident. Une façon de le surmonter consisterait à écouter les voix d’Inde, d’Afrique du Sud ou du Mexique, démocraties qui, en dépit de leurs défauts (sectarisme, corruption, trafic de drogue), ont démontré ces derniers jours que le «Sud global» n’est pas qu’un repaire de dictatures. Mais pour cela, l’Occident doit se départir aussi de son arrogance.

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