Nicolas Maduro, apprenti dictateur
Amateur de salsa, admirateur de Castro, l’ancien chauffeur de bus est embarqué dans une folle dérive. Portrait sans concession d’un homme qui ira jusqu’au bout.
Il a le rythme dans la peau, Maduro… Danseur souple et félin en dépit d’un gabarit de brute, le président vénézuélien est le genre de gars capable de » mettre le feu » à la piste de danse. En mai, on a encore pu admirer son pas de salsa chaloupé, exécuté avec facilité devant des fonctionnaires gouvernementaux hilares. Nicolas Maduro, roi de la fête ? Pas vraiment. A la même seconde, sous les fenêtres de cet aréopage, des véhicules blindés de la garde nationale (l’équivalent de la gendarmerie) avançaient en tirant sur les manifestants dans un nuage de gaz lacrymogènes. Le message : la dictature gouverne selon son bon plaisir ; elle ne craint rien ni personne. La preuve : depuis que les protestataires sont descendus dans la rue en avril pour réclamer la tenue des élections régionales – annulées en 2016 – et le départ du président, les sbires du régime ont exécuté plus de cent personnes. Ils en ont arrêté des milliers, emprisonnant nombre d’entre eux dans des lieux de détention où – comme au temps de Pinochet – on humilie, on torture, on casse le moral. Le 30 juillet, l’élection de l’Assemblée constituante, qui devrait conférer les pleins pouvoirs au chef de l’Etat, a provoqué la mort d’au moins 15 personnes.
Avant Maduro, Hugo Chavez avait lui aussi commis quelques » menues » erreurs, comme le saccage des structures économiques déjà fragiles ou le démantèlement d’institutions démocratiques mises en place quarante ans auparavant. Du moins ce typique caudillo sud-américain possédait-il un verbe, un talent et, aussi, un grain de folie douce qui le rendaient presque sympathique. Son successeur Maduro, lui, est un personnage sans charme ni charisme, dont le seul talent, outre la salsa, est d’être un percussionniste correct (il cogne sur les congas avec une puissance effrayante). Ancien chauffeur de bus à Caracas, ce syndicaliste s’est marié à Cilia Flores, une avocate gauchiste qu’il surnomme » la Première Combattante « . Stalinien pur jus formé à l’école des cadres du parti communiste à Cuba dans les années 1980, castriste fervent et » anti-impérialiste » véhément, il ira jusqu’au bout pour la défense du système.
Elu de justesse en 2013, l’héritier de Chavez a vu sa popularité s’effondrer en même temps que les cours du pétrole, la vache à lait du pays depuis un siècle. En décembre 2015, l’opposition remporte les législatives. Aussitôt, le Tribunal suprême, aux ordres du président, retire à l’Assemblée nationale tout pouvoir législatif, lequel échoit subitement au président.
Dire que son gouvernement, où les militaires sont surreprésentés, viole les principes démocratiques est un euphémisme. Le candidat d’opposition à la présidentielle de 2013 Henrique Capriles Radonski ? Il est interdit de scrutin pendant quinze ans. Leopoldo Lopez, l’autre figure de l’opposition ? Il vient d’être à nouveau arrêté après avoir passé trois ans derrière les barreaux.
Confrontés à une grave pénurie de produits de base (le poids moyen des Vénézuéliens a diminué de plusieurs kilos), à une inflation gigantesque et à une criminalité incontrôlée, des dizaines de milliers de personnes fuient le pays vers la Colombie et le Brésil voisins, obligeant, par exemple, la ville brésilienne de Manaus à décréter un état d’urgence social. Comme jadis à Cuba, les forces vives ont déserté le pays.
Toute l’économie s’effondre… sauf le trafic de cocaïne, plus florissant que jamais. Plus de la moitié de la cocaïne produite en Colombie passe par la plaque tournante vénézuélienne. La collusion entre les hautes sphères du pouvoir et les narcotrafiquants est attestée par des indices concordants, dont l’arrestation, voilà deux ans, de deux neveux de l’épouse de Nicolas Maduro en Haïti. Ils s’apprêtaient à introduire près d’une tonne de cocaïne sur le marché américain. Les voici en prison dans » l’Empire » honni.
Allié stratégique de la Chine, de Cuba, de la Russie et de l’Iran, le Venezuela de Maduro entretient, en outre, selon la CIA et les services israéliens, des liens étroits avec l’organisation chiite libanaise Hezbollah, classée terroriste.
Au-delà des dégâts concrets commis dans la région par Nicolas Maduro et son gouvernement, c’est toute l’idée de démocratie qui s’est abîmée depuis que la » révolution bolivarienne » a pris racine. En se laissant corrompre du temps où le Venezuela était encore en mesure de distribuer ses largesses à ses voisins et alliés, l’écrasante majorité des dirigeants du continent ont fermé les yeux sur les dérives du chavisme et du madurisme.
» On ne comprend rien à sa situation si on se focalise sur Maduro « , alerte le romancier bolivien Juan Claudio Lechin, dont l’essai Las mascaras des fascismo ( » Les masques du fascisme « , 2011, non traduit) analyse les ressorts du » fascisme de gauche » des régimes cubain, vénézuélien et bolivien. Selon lui, Maduro n’est qu’un agent des Cubains. Un personnage de second plan. » Chavez l’a désigné comme successeur en concertation avec La Havane. Comme dans le cas du Nicaraguayen Daniel Ortega à la fin des années 1970, les Castro ont choisi le plus malléable, le plus docile, le plus obéissant parmi les leaders disponibles. En un mot : le plus médiocre. «
Par Axel Gyldén.
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