Ali Khamenei
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La politique étrangère de l’Iran tiraillée par de virulents débats internes au régime

La politique hésitante de l’Iran sur Israël est symptomatique du conflit qui oppose réformistes et conservateurs au sein du régime.

Derrière la puissance incontestable de l’ayatollah Ali Khamenei, les factions luttent. Le pouvoir est tout sauf monolithique et le débat est vif, en coulisses, sur la stratégie adéquate de l’Iran face à Israël et aux Américains, entre négociations et démonstration de force.

Un président soumis à Ali Khamenei

Vendredi, le guide suprême a assuré que ses alliés, Hamas palestinien et Hezbollah libanais en tête, ne reculeraient «pas» dans leur guerre contre Israël, son ennemi juré qui n’en a «plus pour longtemps». Le mois dernier pourtant, le président réformateur Massoud Pezeshkian avait lancé à l’ONU une perche aux Occidentaux pour rétablir l’accord international sur le programme nucléaire iranien de 2015, dont s’était retiré avec fracas en 2018 le président américain de l’époque, Donald Trump.

Deux attitudes qui, selon les experts consultés par l’AFP, révèlent de vifs débats au sein de la République islamique, mais aussi une stratégie de Téhéran. Car toutes les décisions, in fine, sont prises par Ali Khamenei, éminemment plus puissant que le président élu. A l’ONU, «Pezeshkian avait évidemment le feu vert du Guide pour proposer aux Américains une grande négociation en mettant tout sur la table, y compris le dossier nucléaire», assure Pierre Razoux, directeur académique de la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques (FMES). La proposition prenait la forme d’une main tendue. Mais «si les Iraniens arrivent à la conclusion qu’ils ne peuvent garantir leur dissuasion sans le nucléaire, ils franchiront le seuil» vers la bombe atomique, ajoute-t-il.

«Malgré sa nature autoritaire, la République islamique a toujours compté de turbulentes factions en désaccord sur comment (le pays) devait interagir avec le monde extérieur», confirme Behnam Ben Taleblu, expert de l’Iran à la Fondation pour la défense des démocraties (FDD) à Washington. Le président, assure-t-il, «ne contrôle ni ne définit la politique de sécurité. Il est là pour proposer un changement de style mais pas de substance».

«Retraite tactique» mais avortée de l’Iran

L’opacité du régime iranien fait que les rapports de force qui le traversent demeurent largement inconnus des Occidentaux. Mais les frictions sont réelles entre la frange modérée, dont est issu le président Pezeskian, et les Gardiens de la révolution, armée idéologique du régime, en charge notamment de son rayonnement régional avec ses alliés (Hamas palestinien, Hezbollah libanais, milices irakiennes et syriennes, rebelles houthis du Yémen).

Le guide, lui, écoute et oriente. Puis, à défaut de consensus, tranche avec autorité. «Khamenei prend ses décisions après consultations avec les membres du Conseil national suprême», où siègent tous les courants du pouvoir, analyse Eva Koulouriotis, experte indépendante spécialiste de la région.

Les derniers mois sont éloquents à cet égard. Lorsque Israël a tué en juillet le chef politique du mouvement islamiste palestinien Hamas, Ismaïl Haniyeh, en plein cœur de Téhéran, «Khamenei a apporté son soutien à une retraite tactique en suivant les réformistes», assure l’experte grecque. Mais fin septembre, Israël a tué cette fois à Beyrouth le chef charismatique du Hezbollah, Hassan Nasrallah, décimant au passage la direction du mouvement. Le guide a alors estimé que la prudence avait échoué. «Il a donc adopté l’opinion des conservateurs au sein des Gardiens de la révolution, qui lui avaient déjà demandé de répondre à l’assassinat d’Haniyeh» précise Eva Koulouriotis. D’où l’envoi de 180 à 200 missiles iraniens sur Israël en début de semaine dernière.

«Dizaines d’heures de réunions»

Car le Hezbollah libanais n’est pas un simple allié : il représente l’atout majeur de Téhéran, fort d’un arsenal puissant de drones, roquettes et missiles de toutes portées, et revendique 100.000 combattants. Certains experts affirment même que son arsenal de missiles longue portée a pour mission de défendre les installations nucléaires iraniennes.

«Face aux débâcles répétées du régime iranien à l’étranger, notamment la perte du joyau qu’est le Hezbollah, considéré comme sa ceinture de politique étrangère, l’aile radicale a réussi à convaincre le guide suprême de la nécessité de rétablir la crédibilité de l’Iran», résume Hasni Abidi, analyste algérien, directeur du Centre d’études sur le monde arabe et méditerranéen à Genève.

Difficile, donc, de dessiner la stratégie iranienne à venir : elle dépend simultanément des dynamiques régionales, des capacités de pression des grandes puissances et des rapports de force internes à l’Iran. En fin de compte, Khamenei tranchera. D’où une d’incertitude qui demeure dans les chancelleries. «Il y a certainement eu des dizaines d’heures de réunions, d’analyses, avant de décider des modalités de la frappe contre Israël» en début de semaine, fait valoir Pierre Razoux.

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