Proche-Orient: pourquoi la guerre Israël-Iran n’est pas une fatalité
Les représailles jusqu’à présent mesurées du Hezbollah contre l’Etat hébreu annoncent-elles une réplique du même ordre de la part de l’Iran? Les enjeux sont colossaux pour Téhéran.
La guerre de la communication a quasiment supplanté la confrontation des missiles le dimanche 25 août, quand le mouvement libanais pro-iranien du Hezbollah a enclenché sa première opération de représailles à l’assassinat à Beyrouth, le 30 juillet, de son chef militaire Fouad Chokr et quand Israël s’en est défendu et y a répliqué.
Le groupe chiite a assuré avoir tiré «plus de 320 roquettes» et envoyé de nombreux drones sur onze sites militaires dans le nord d’Israël et sur le plateau du Golan, territoire syrien occupé. L’opération a été couronnée de succès, selon le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui n’est pas nécessairement habitué à commenter aussi prestement, en l’occurrence dès dimanche en fin d’après-midi, les faits et gestes de ses combattants. Il précisait alors que ces attaques ne constituaient que «la première phase» de la réplique de son mouvement.
Dans le même temps, le Premier ministre Benjamin Netanyahou assurait qu’une intervention préventive de Tsahal, après la mise au jour des préparatifs d’une attaque, avait permis de neutraliser des «milliers de rampes de lancement de roquettes» du mouvement chiite dans le sud du Liban, et d’ainsi réduire la portée des représailles, affirmation démentie par Hassan Nasrallah. Agitant lui aussi une menace, le Premier ministre assurait qu’Israël n’avait pas dit là «son dernier mot» dans cette confrontation.
Objectif sous-estimé?
Celle-ci serait donc restée contenue, géographiquement (dans le nord d’Israël et au sud du Liban) et militairement (avec un nombre relativement «raisonnable» de missiles et de drones), entretenant l’espoir, au sein de la communauté internationale, que la guerre totale redoutée pourrait ne pas avoir lieu. Sauf que si Israël a effectivement mis hors d’état de nuire le nombre important de rampes de lancement qu’il dit avoir détruit, c’est que les intentions du Hezbollah n’étaient pas nécessairement de circonscrire son attaque au nord de l’Etat hébreu. Un indice de cette possibilité a été fourni par l’affirmation par le groupe libanais que certains de ses projectiles avaient touché une base du renseignement militaire israélien, à Glilot, au nord de Tel-Aviv, affirmation réfutée par l’armée israélienne. Le site de Glilot abriterait aussi le siège du Mossad, le service de renseignement extérieur israélien, ce qui donnerait une justification supplémentaire pour le Hezbollah de l’avoir visé: le Mossad a été partie prenante à l’assassinat de Fouad Chokr dans la banlieue sud de Beyrouth.
La question reste donc pendante: la «première phase» des représailles du Hezbollah était-elle volontairement mesurée, ou l’a-t-elle été car contrainte par les mesures de prévention israéliennes? De la réponse à cette interrogation dépendra peut-être l’ampleur ou la réalité même de la deuxième phase de l’opération. Un questionnement entoure de la même manière la teneur, le calendrier, voire l’effectivité de la réplique de l’Iran au camouflet que lui a infligé Israël en assassinant sur son sol le chef politique du Hamas palestinien, Ismaël Haniyeh, le 31 juillet.
«Le 14 avril était-il la date des prémices d’un partenariat de l’Axe occidental pour la défense d’Israël?»
Nouvelles alliances
Doute sur la capacité à frapper significativement «l’ennemi», crainte des répliques d’Israël sur des centres névralgiques, notamment des sites pétroliers et gaziers, ce qui affecterait douloureusement la santé économique du pays, souci de ne pas favoriser davantage une coalition entre Israël et les pays arabes sunnites de la région contre lui…: l’Iran ne manque pas de raisons de réfléchir à deux fois avant de déclencher une déflagration majeure contre l’Etat hébreu. Le spécialiste sécurité de la chaîne d’information continue i24News, Stephan Zeev Goldin, mettait en exergue, le 22 août, les «nouvelles alliances au Moyen-Orient» que l’attaque iranienne sur Israël, le 14 avril 2024, avait rendues possibles. «Les Etats-Unis, aux côtés du Royaume-Uni, de l’Allemagne, de la France, de l’Egypte, de la Jordanie, des Emirats arabes unis et de l’Arabie saoudite ont concrètement participé à la défense d’Israël face à un axe composé de l’Iran, de la Russie, des Houthis, du Hezbollah, du Hamas et des milices pro-iraniennes en Irak et en Syrie. Ce 14 avril était-il la date des prémices d’un partenariat de l’Axe occidental pour la défense d’Israël?», questionnait-il avec un optimisme sans doute excessif mais non dénué de fondements. La rivalité entre les régimes arabes sunnites et la république islamique chiite perse est une dimension qu’il ne faut pas négliger dans le contexte du conflit entre Israël et le Hamas. Les premiers n’ont pas intérêt à voir l’Axe de la résistance, cornaqué par l’Iran, multiplier les succès. Le second n’a pas intérêt à renforcer un axe israélo-américano-arabe dont l’objectif commun serait de le renverser.
C’est peut-être à cette aune qu’il faut interpréter le blanc-seing accordé au président Masoud Pezeshkian par le Guide suprême de la révolution Ali Khamenei à la possibilité de la reprise de négociations avec les Etats-Unis sur le programme nucléaire iranien. Une décision qui répond, certes, à la volonté affichée par le candidat à la présidence avant qu’il ne soit élu le 5 juillet mais qui a tout de même de quoi surprendre en pleine exacerbation des tensions avec Israël et son allié américain. L’enthousiasme du Guide est cependant mesuré: il a prévenu son président qu’il ne fallait pas faire confiance aux Américains. Mais, là aussi, il se peut que les intérêts des protagonistes convergent pour obtenir un accord plutôt pour s’engager dans une mortifère surenchère nucléaire.
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