Gérald Papy

Israël et Iran au bord de l’abîme: la confrontation risque de prendre une nouvelle dimension (édito)

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

La deuxième attaque de l’Iran contre Israël en sept mois est la plus inquiétante. Un «entre-deux» choisi par le régime de Téhéran qui plonge le Proche-Orient au bord du gouffre. 

Son plus fidèle allié, Hassan Nasrallah, assassiné au cœur de Beyrouth, son proxy le plus puissant, le Hezbollah libanais, décapité…: l’Iran était au pied du mur. Ne pas réagir à la spectaculaire attaque israélienne contre la milice pro-iranienne aurait envoyé le message de l’impuissance aux partenaires du régime iranien. Lancer de vastes représailles l’exposait à une réplique cinglante d’Israël, au risque de le faire chanceler. Le régime de Téhéran a opté pour un «entre-deux» en tirant quelque 200 missiles, le 1er octobre au soir, contre des cibles en plusieurs points du territoire israélien. La plupart ont été interceptés avant d’atteindre leur objectif.

La deuxième attaque de l’Iran contre Israël en sept mois est cependant plus inquiétante que celle qui avait répondu au bombardement par Israël du consulat iranien à Damas, en Syrie. L’agression du 13 avril suivait un modus operandi très cadré, fait pour lancer un avertissement, tout en minimisant les risques de dégâts. Celle du 1er octobre n’a, semble-t-il, pas pris les mêmes «précautions». La confrontation entre Israël et l’Iran risque donc de prendre une nouvelle dimension. Mais il est difficile d’être surpris tant les derniers prolongements de la guerre entre Israël et le Hamas, déclenchée par le massacre du 7 octobre 2023, ont montré les signes d’une escalade inéluctable.

La bande de Gaza, le Liban, et demain l’Iran? Un an après l’assassinat de près de 1.200 civils et militaires israéliens autour de la bande de Gaza, il est impossible d’imaginer quand s’arrêtera cet engrenage. Nul doute qu’en lançant ses tueurs à l’assaut des bases militaires, kibboutzs et festival de musique israéliens le 7 octobre 2023, le chef du groupe islamiste palestinien Yahya Sinouar savait qu’il provoquerait des représailles massives d’Israël et comptait bien que ses alliés entrent dans une confrontation directe avec l’Etat hébreu.

La responsabilité du Hezbollah en regard des conditions de vie –déjà très précaires– des Libanais, et la fragilité du régime de Téhéran miné par les sanctions économiques ont cependant laissé penser dans un premier temps que ni l’un ni l’autre ne se lanceraient dans une confrontation totale avec Israël. C’était compter sans la surenchère développée par le gouvernement de Benjamin Netanyahou. L’assassinat du chef politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, le 31 juillet, au cœur du centre du pouvoir iranien à Téhéran, celui du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, dans la banlieue sud de la capitale libanaise, Beyrouth, le 27 septembre, en ont été les principales illustrations. Ces éliminations peuvent, dans l’entendement israélien, trouver une justification militaire. Elles pouvaient aussi être différées. Eradiquer le Hamas à Gaza, pacifier le nord d’Israël, ces deux missions pouvaient être réalisées sans procéder à ses «coups d’éclat».

Les dirigeants israéliens ont vu dans le contexte actuel une opportunité de régler leurs comptes à des adversaires affaiblis, le Hezbollah et l’Iran. L’inconsistance du président américain Joe Biden, frileux à l’idée d’affecter les intérêts d’Israël en période électorale, y a aussi contribué. Cette fuite en avant opportuniste explique le bord du gouffre où se trouve aujourd’hui le Proche-Orient.

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