Dans l’enfer des prisons de Bachar al-Assad: «Quotidiennement, les gardiens choisissaient plusieurs prisonniers qui allaient être torturés»
De la prison à la morgue, les habitants de Damas cherchent leurs disparus. Des nouveaux maîtres, l’un d’entre eux dit: «Qu’importe leur passé, nous n’oublierons jamais qu’ils nous ont libérés».
Le jour s’est levé sur la vieille ville de Damas. Comme un symbole, le soleil d’hiver inonde les venelles de Bab Touma, cœur battant de la capitale. Partout, les mêmes scènes: tandis que des dizaines de vendeurs de rue écoulent d’inépuisables stocks d’étendards vert, noir et blanc, les couleurs de la révolution syrienne lancée en 2011 et matée dans le sang, les commerçants s’activent à repeindre les façades de leurs magasins. Non sans émotion. Car le drapeau national, devenu davantage l’emblème du clan Assad que celui du pays, s’affiche en grand sur la quasi-totalité des devantures. Perché sur un escabeau brinquebalant, pinceau en main, Jabal s’exclame: «Ce drapeau portait le rouge de notre sang, on ne veut plus le voir! C’est terminé! Place aux couleurs de notre nouvelle Syrie.» Un enthousiasme aisément compréhensible, après treize ans de guerre, un demi-million de morts, et douze millions de déplacés.
Alors, peu avant la grande prière du vendredi –la première depuis la fin de l’ère Assad–, les alentours de la mosquée des Omeyyades sont presque impraticables: par grappes, des milliers de gens convergent bruyamment vers la cour du centre religieux de Damas afin d’entamer une journée qu’aucun n’aurait ratée pour rien au monde. La parole, si longtemps tue, se libère de manière spectaculaire. Haitham, 31 ans, savoure: «La majorité des gens ici n’ont connu que ce régime, et c’est mon cas. Nous avons passé notre vie à nous taire et à obéir. Depuis plusieurs jours, chaque matin, je me réveille en me demandant si je n’ai pas rêvé. Le futur? Nous ne savons pas ce qui nous attend. Après toutes les souffrances endurées, nous voulons juste profiter.»
«Nous ne savons pas ce qui nous attend. Après toutes les souffrances endurées, nous voulons juste profiter.»
Dans l’enceinte de la mosquée, les chants de contestation qui ont rythmé les premières heures du soulèvement syrien résonnent, sous le regard bienveillant de groupes armés. Accueillis en héros, ces combattants, appartenant à diverses formations islamistes parfois très radicales, posent fièrement lors d’interminables séances photo avec les locaux. Aoud Hafez, 42 ans, multiplie les clichés approximatifs, «pour l’histoire», et «pour rappeler à mes enfants et à mes futurs petits-enfants ce moment en or». Avec sa femme Dana, 33 ans, il fait partie de cette foule d’anonymes submergés par l’exaltation: «Nous n’arrivons pas à le croire. La liberté est là, nous la goûtons pour la première fois. C’est un rêve qui se réalise. Un rêve», répète l’homme, inlassablement.
Bachar al-Assad le lâche
Non loin, des miliciens, barbes longue, treillis militaire et kalachnikov à l’épaule, expliquent appartenir à l’organisation Hayat Tahrir al-Cham (HTC). Ancienne branche d’Al-Qaeda au Levant, le groupe, mené par le désormais célébrissime Abou Mohammed al-Joulani, tâchait d’enterrer depuis plusieurs années dans son bastion d’Idlib, au nord-ouest du pays, son passé sanguinaire en adoptant une approche résolument plus politique. Au terme d’une offensive prévue de longue date, il n’aura fallu que douze jours aux forces de HTC pour déboulonner 54 ans de règne. «Nous avons pris Damas, nous avons renversé le régime et libéré la Syrie, gloire à notre leader Abou Mohammed al-Joulani!», vocifère l’un d’entre eux, le visage dissimulé derrière une cagoule ne laissant apparaître qu’un regard d’un noir d’encre. Quelques secondes plus tard, il prend la tête d’un cortège, et s’improvise chef de chorale, enchaînant des cantiques religieux repris collégialement par une foule très hétéroclite. Ces hommes à la mine patibulaire se montrent volontiers bavards et n’hésitent pas à prêter leurs armes pour de nouvelles séances photo. «Qu’importe ce qu’ils ont fait dans le passé, nous n’oublierons jamais que ce sont eux qui nous ont libérés et sortis de l’enfer», s’exclame Dahman, 56 ans.
Simultanément, à quelques kilomètres de là, la place des Omeyyades, théâtre de rassemblements quotidiens depuis la chute du régime, se remplit peu à peu. L’ambiance est survoltée, électrique. En milieu d’après-midi, les images aériennes de l’immense esplanade noire de monde feront le tour de la planète. Sur une estrade de fortune, des prises de parole d’activistes et de personnalités religieuses se multiplient. «Un, un, un, le peuple syrien ne fait qu’un», scande la foule, une scène qui se répétera une bonne partie de la journée.
A l’écart, Malek, 40 ans, observe le moment avec sa sœur, les yeux rougis par l’émotion: «La joie que vous voyez aujourd’hui est la preuve évidente que Bachar porte la responsabilité de tous les drames syriens. Il a tué son propre peuple et laissé les forces russes et iraniennes dominer le pays pour garder le pouvoir.» A ses côtés, sa sœur confie avoir eu peur lorsque l’offensive de HTC a débuté depuis Idlib. «J’imaginais que Damas serait noyée dans une pluie de sang et que les combats seraient terribles. Merci à Dieu, cela ne s’est pas produit, il n’y a pas eu de bataille, et notre ville est libérée.» «Même les supporters de Bachar al-Assad sont très mécontents, il est parti comme un lâche et les a abandonnés, rebondit Malek. Tant mieux pour nous, mais cela démontre sa faiblesse, son manque de courage. Il ne méritait pas de diriger ce pays, il a choisi de le quitter pour toujours.»
La nuit est tombée sur Damas. Personne ne semble vouloir regagner son domicile. Dans toutes les grandes artères de la capitale, des dizaines de milliers de véhicules surchargés pétaradent, slalomant entre les camions militaires et les tanks calcinés de l’armée syrienne, jetés en pâture par leurs propriétaires à tous les coins de rue. Un capharnaüm où les drapeaux de la révolution saturent le paysage, et où les sourires d’enfants se font une place au milieu des kalachnikovs qui fendent l’air.
L’odeur de la mort
Un bonheur brut contrastant avec les scènes épouvantables qui se produisent un peu partout dans le pays depuis plusieurs jours. Car, dès l’annonce de la mise en déroute du régime, des milliers de Syriens se sont précipités vers les centaines de prisons qui quadrillent toutes les grandes villes. De ces temples de la cruauté et de la terreur sont sortis au petit matin des survivants groggy, parfois incapables de marcher seuls ou de se rappeler leur date de naissance.
Pour des générations entières, l’effroyable pénitencier de Saidnaya, situé à une quarantaine de kilomètres de Damas, est le symbole de la bestialité du régime syrien. Depuis plusieurs jours, devant l’établissement carcéral qui, selon Amnesty International, accueillait au moins 20.000 détenus, le défilé de familles sans nouvelles de leurs proches est incessant. On les retrouve à l’entrée calcinée du bâtiment, en train d’éplucher des milliers de feuilles manuscrites, extraites anarchiquement du secteur administratif. Tous cherchent une trace d’incarcération d’un parent, d’un frère ou d’un enfant. Selon les associations des droits humains, plus de 100.000 personnes ont disparu rien que depuis le début du soulèvement contre le régime en 2011.
Djamila est ici depuis quatre jours. «Je n’ai aucune nouvelle de mon fils de 20 ans. Il a été arrêté en 2023, je n’ai jamais su pourquoi, ni même où il avait été incarcéré…», soupire-t-elle. Une femme l’interrompt sans ménagement: «Moi, j’ai retrouvé mon fils hier à la morgue, décapité. C’est mon enfant, même sans tête, je l’ai reconnu parmi les autres.» Entre deux sanglots, elle rembobine: «En 2012, au début de la révolution, j’ai reçu un coup de téléphone, m’avertissant que mon fils Rami avait été arrêté, mais qu’il sortirait bientôt. Puis un deuxième appel un peu plus tard pour me dire qu’il ne se sentait pas bien, et qu’ils le gardaient.»
Deux ans de questions sans réponses plus tard, la femme explique ensuite s’être fait notifier la mort de son enfant, sans que l’administration pénitentiaire ne consente à lui rendre sa dépouille. «Puis en 2016, j’ai reçu un nouveau message me signalant que finalement, il était toujours en vie, et incarcéré à Saidnaya. Dès la libération, je suis venue ici. Je ne l’ai pas vu sortir. Il y a deux jours, j’ai rencontré un ancien prisonnier qui affirmait que toutes les personnes tuées avaient été transférées dans différentes morgues, c’est dans l’une d’elles que j’ai retrouvé le corps de mon Rami, sans tête.»
Les visages des défunts sont parfois méconnaissables. Alors, leurs proches passent de longues minutes à analyser le moindre détail.
Dans les tréfonds de Saidnaya
Un ancien détenu, revenu lui aussi sur les lieux où il a passé les années les plus noires de sa vie, improvise une visite aux familles présentes sur site. Pour certains, l’épreuve est insurmontable: l’odeur de la mort est partout, et les fantômes de Saidnaya semblent hanter les vivants. Dans le quartier central de l’une des trois ailes de cet enfer sur terre, des personnes endeuillées consultent elles aussi les milliers de feuilles de registres arrachées qui tapissent le sol, et où sont inscrits les noms des malheureux passés en ces murs. A l’étage, des dizaines de cellules de quinze mètres carrés vomissent des couvertures, des tranches de pain piétinées et des vêtements abandonnés. C’est la «prison blanche», un bagne où les détenus, trop nombreux, ne pouvaient même pas s’allonger en même temps.
La terrifiante «prison rouge», elle, se trouve à plusieurs mètres sous terre. Pour y pénétrer, les libérateurs ont dû creuser des brèches au cœur du béton afin d’en forcer les entrées. Un à un, les proches des disparus se glissent, à la lumière des téléphones, dans les galeries souterraines et découvrent l’indicible: des cellules de deux mètres sur deux, avec, à chaque fois, une minuscule pièce attenante dont les parois sont tapissées d’excréments, alignées dans l’obscurité la plus totale. L’odeur est insoutenable. Un homme, sur le point de vomir, rebrousse chemin. Les murs des cachots portent les marques laissées par des prisonniers qui ont gravé leur prénom. «Quotidiennement, les gardiens choisissaient plusieurs prisonniers, qui seraient lourdement torturés. Nous entendions leurs hurlements, et certains n’en revenaient pas», commente l’ancien détenu.
Pourtant dans la prison, des proches de disparus assurent ne pas perdre espoir et espérer retrouver des rescapés. Selon certains témoignages, il existerait des cellules encore plus profondes, qu’il sera très difficile de localiser sans les plans du bâtiment et surtout sans l’aide des anciens gardiens de Saidnaya, les seuls à connaitre les énigmes de ce labyrinthe de la mort.
Ruée sur les morgues
D’autres se sont rendus à l’évidence, et ne nourrissent plus aucun espoir. On les retrouve devant les hôpitaux de la ville, en train de faire le tour des morgues. Face à la cohue qui a paralysé leur activité «classique», le personnel soignant a pris la décision d’afficher sur les façades des bâtiments les photos de cadavres entreposés dans leurs murs. Les visages des défunts sont parfois méconnaissables. Alors, leurs proches passent de longues minutes à analyser les moindres détails. En cas de doute, ils sont accompagnés vers la morgue.
Dans un hôpital du centre de Damas, un groupe d’hommes et de femmes attend en silence. La lourde porte de la chambre froide coulisse et s’ouvre lentement. L’odeur des corps meurtris entassés ici rend l’atmosphère irrespirable. Un homme se faufile dans la pièce, et slalome au cœur d’un tapis de cadavres enveloppés dans des sacs plastiques ouverts. Les morts portent encore sur leur visage la terreur dans laquelle ils ont été plongés avant de passer l’arme à gauche: tuméfiés, carbonisés, décapités, ces Syriens arrachés à la vie sont autant de pièces à conviction. Ils témoignent, même décédés, de la cruauté d’un régime prêt à tout pour assurer sa survie, mais qui a fini, lui aussi, par perdre sa tête.
Une infirmière relate: «Les personnes qui arrivaient en vie étaient porteuses de toutes les maladies existantes. Nous avons vu passer toutes celles qui sont répertoriées dans les manuels de médecine. Et nous subissions des pressions afin de les soigner rapidement afin qu’ils soient renvoyés en prison. Les morts, eux, portaient des marques de torture que je ne saurais décrire tellement c’est violent.»
Le spectre de l’Etat islamique
Dans les quartiers périphériques de Damas conquis par l’opposition à partir de 2011, des locaux déambulent, hagards. Beaucoup reviennent d’exil, du Liban, de Turquie, ou d’ailleurs. La Ghouta orientale, théâtre d’attaques chimiques de la part du régime en août 2013, offre un panorama édifiant: à des kilomètres à la ronde, aucun immeuble n’est habitable. Tout n’est que ruines et désolation, un océan de béton qui témoigne de la violence des frappes aériennes menées par l’aviation syrienne et son allié russe.
«Nous sommes tous partis en 2013, ce n’était plus possible de rester dans ce pays. Aujourd’hui, je constate qu’il n’y a qu’une solution, passer le bulldozer et tout reprendre à zéro», explique un habitant venu inspecter les lieux. Ici comme partout, des miliciens quadrillent les accès. Jour après jour, le vide laissé par la disparition pure et simple du régime syrien est comblé par les différents groupes de combattants qui se sont ralliés à la prise du pays menée par Hayat Tahrir al-Cham.
Les checkpoints routiers, il y a quelques jours encore occupés par les soldats d’Assad, ont été réquisitionnés par les rebelles qui se partagent le territoire de manière anarchique. Difficile de savoir qui est qui, tellement le nombre de factions est important: seuls indices, les patchs cousus sur les uniformes, et qui témoignent des affiliations. Parmi les plus visibles, en plus de HTC, les groupes pro-Turcs de l’Armée syrienne libre (ASL), ou encore les djihadistes de Ahrar al-Cham.
Un fragile équilibre: encore récemment, tous ces groupes antagonistes avaient maille à partir. Alors, dans les rues de la ville et lors des rassemblements, ils s’ignorent. Un scénario qui n’a rien de rassurant: à l’entrée de la ville martyre de Darayya, assiégée par le régime il y a dix ans, plusieurs miliciens, cagoulés et tout de noir vêtus, portaient lors de notre visite des insignes bien visibles du groupe Etat islamique, et contrôlaient les allées et venues. Preuve, s’il en est besoin, des risques qui pèsent sur la Syrie de demain: ces formations se sont affrontées hier et pourraient bien, en cas de désaccord sur le partage du pouvoir, replonger le pays dans le chaos. Pour l’heure, aucun incident majeur n’a été signalé.
«Quotidiennement, les gardiens choisissaient plusieurs prisonniers, qui allaient être lourdement torturés.»
A Maaloula, des chrétiens prudents
Cap à l’est. A 70 kilomètres de Damas, dans le village chrétien de Maaloula, pris il y a dix ans par le groupe djihadiste Jabhat al-Nosra, dont les membres sont aujourd’hui répartis au sein de plusieurs groupes, la population ne semble pas effrayée outre mesure, malgré leur vulnérabilité et le passif des nouveaux dirigeants. En décembre 2013, douze sœurs de la bourgade avaient été kidnappées par les islamistes, avant d’être libérées indemnes trois mois plus tard. A Maaloula, la vie continue comme si de rien n’était: à la sortie de la messe dominicale, des dizaines de personnes s’affairent à installer un immense sapin de Noël sur la place centrale.
Hermine Waqin, 40 ans, explique: «Nous ne voulons que deux choses, la stabilité et la sécurité. Rien ne sera pire que le régime de Bachar al-Assad. Alors, nous désirons croire que tout ira bien. Joulani a déclaré que toutes les minorités seront respectées, cela nous a rassurés.» «Il nous faut un gouvernement qui nous donne des garanties de sécurité, nous chrétiens qui sommes très vulnérables en Syrie. Nous aimerions que la police soit présente à l’entrée du village, au cas où… », poursuit son amie, Anna Mariana.
Alors que le régime syrien des Assad s’est toujours présenté en défenseur des chrétiens du pays, le départ de Bachar ne semble attrister personne ici, bien au contraire. «Il ne nous a jamais défendus, c’était une publicité pour plaire à l’Occident. La réalité était moins belle à voir, affirme Fadi, un commerçant de 63 ans. Nous avons trop souffert. Aujourd’hui, c’est à la fois une libération et un saut dans l’inconnu. Pour nous, demain est un terme abstrait. Nous ne savons pas où nous allons.»
«C’est Daech, vous n’avez pas compris mais nous, nous savons qui ils sont!»
La fuite des alaouites
Si la communauté chrétienne semble pour l’heure rester optimiste, les chiites alaouites, la minorité dont est issue la dynastie des al-Assad, craignent, eux, d’être emportés dans un cycle de vengeance tous azimuts. Beaucoup, à l’arrivée des combattants sunnites sur la capitale, ont pris la fuite. Quelque 85.000 d’entre eux ont déjà rejoint le Liban, tandis que des centaines d’autres patientent dans le froid depuis plusieurs jours à la frontière libanaise. Sans passeport, ils se heurtent à un refus de Beyrouth: le gouvernement libanais, qui a vu se concrétiser l’inespéré retour des centaines de milliers de réfugiés présents sur son sol depuis 2011, ne semble pas disposé à accueillir à nouveau une vague de Syriens.
Un terrain vague situé sur le bas-côté de la route s’est transformé en un véritable camp de déplacés à ciel ouvert. Mohammed Abdel Hussein, 35 ans, est assis sur un muret. A ses côtés, de nombreuses valises surchargées dans lesquelles lui et sa famille ont emporté ce qui pouvait l’être: «Le futur n’est pas clair. Tout ce que j’espère pour l’instant, c’est quitter la Syrie et pouvoir dormir enfin», exprime-t-il. Non loin, un groupe d’hommes affirme attendre un feu vert des autorités libanaises depuis quatre jours maintenant. «Nous avons décidé de partir après avoir vu des vidéos sur Internet de personnes lynchées, et reçu des messages intimidants. Tous ces groupes qui ont pris le pouvoir sont des avatars de Daech, nous le savons, même s’ils disent le contraire et s’estiment prêts à diriger le pays», affirme Ali, un fleuriste de 37 ans. A quelques mètres une femme hurle: «C’est Daech, vous n’avez pas compris, mais nous, nous savons qui ils sont!»
Non loin, Rukaya Sudan cache ses larmes derrière ses lunettes de soleil. «Nous aurions été attaqués, tôt ou tard. Je veux juste vivre dans un pays en sécurité, et ce n’est plus le cas. Nous avons vécu tant de moments difficiles, aujourd’hui, c’est trop. La Syrie, c’est fini.»
Un nouveau déchirement qui n’est pas prêt de trouver son épilogue. Tandis qu’à l’est, les formations pro-turques font résonner les tambours de guerre et rêvent de conquérir le tiers du pays toujours sous le contrôle des Forces démocratiques syriennes, dominées par les Kurdes, la cohabitation de cette nébuleuse de groupes islamistes radicaux portée au pouvoir pose question. Même à très court terme.
Et les indicateurs ne trompent pas: la visite de l’ancien chef des services secrets turcs et désormais ministre de l’Intérieur du président Recep Tayyip Erdogan, Hakan Fidan, ainsi que celle d’envoyés spéciaux qatariens, s’inscrit dans une volonté d’établir une médiation entre ces groupes. Si le Hezbollah libanais, les Iraniens, et les Russes quittent tous le pays, la souveraineté de la Syrie semble très loin d’être acquise. «Al-Joulani a mis dehors les occupants alliés de Bachar al-Assad. Si c’est pour faire de nous une dépendance d’Ankara, cela va être difficile. Nous verrons bien. Pour l’instant, nous voulons encore savourer», conclut Malek, depuis la place des Omeyyades, où flotte désormais le drapeau de la révolution.
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