Cinq raisons pour lesquelles Benjamin Netanyahou préfère que la guerre continue (analyse)
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou ferait-il tout pour que la guerre vive au Moyen-Orient? Sans pouvoir préjuger de ses intentions, cinq éléments démontrent toutefois qu’il n’a aucun intérêt à apaiser les tensions.
Ces derniers jours, la situation au Moyen-Orient n’en finit plus de s’enflammer. L’explosion des bipeurs et talkies-walkies des membres du Hezbollah a provoqué la mort de plusieurs dizaines de personnes, et blessé des milliers d’autres. En parallèle, l’armée israélienne a indiqué avoir frappé plusieurs sites de l’organisation paramilitaire au Liban. Le conflit israélo-palestinien se déplace vers le Nord, tandis que les appels à la désescalade se multiplient. Une question se pose: le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou tient-il à rester en guerre? «Il est plutôt adepte de l’embrasement que de l’apaisement», introduit François Dubuisson, professeur de droit international à l’ULB et spécialiste des aspects juridiques du conflit israélo-palestinien. «Il y a chez Benjamin Netanyahou une certaine continuité dans la logique d’escalade», complète Jérémy Dieudonné (UCLouvain), expert des questions liées au Moyen Orient. Les chercheurs livrent cinq explications possibles.
1. Des négociations pour un cessez-le-feu qui n’aboutissent pas
Depuis l’attaque du Hamas envers Israël le 7 octobre, à laquelle Tel-Aviv continue de répliquer avec force, il ne se passe pas un jour sans appel à la désescalade et au cessez-le-feu. Près d’une année s’est écoulée sans que les médiateurs du conflit (Etats-Unis, Qatar et Egypte) ne parviennent à convaincre le Hamas et Israël de s’engager sur la voie d’un processus de paix. Pourtant, l’annonce de la proximité d’un cessez-le-feu a été faite à plusieurs reprises cet été. Sans succès. Jusqu’à une nouvelle proposition israélienne, émise ce 19 septembre: Tel-Aviv propose un cessez-le-feu au Hamas, en l’échange de la libération des otages séquestrés et de l’évacuation de Yahya Sinwar, le chef politique du mouvement extrémiste palestinien. Le problème, selon François Dubuisson, est que ces propositions de cessez-le-feu ont été à plusieurs reprises tuées dans l’œuf par Israël. «En pleine négociation, le chef du Hamas Ismaël Haniyeh avait par exemple été assassiné, ce qui avait anéanti le processus.»
2. Les affaires judiciaires de Benjamin Netanyahou
Ces dernières années, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a plusieurs fois été cité dans des affaires judiciaires, pour diverses raisons (malversations, corruption, abus de confiance, fraude…). Inquiet, l’homme fort du Likoud – parti politique israélien de droite – a engagé une réforme du système judiciaire, pour tenter de se protéger. Acte qui a poussé une partie de la population à manifester dans la rue, et agité également le gouvernement en interne. Yoav Gallant, actuel ministre de la Défense, avait été limogé par son Premier ministre pour s’être opposé à la réforme judiciaire, avant d’être réinvesti dans ses fonctions dans un second temps. «En difficulté, Benjamin Netanyahou a besoin de rester au pouvoir afin de se mettre à l’abri des éventuelles poursuites de la Cour Suprême, analyse Jérémy Dieudonné. Les leviers pour ralentir les démarches judiciaires sont extrêmement nombreux, et la guerre à Gaza a par exemple engendré plusieurs reports…»
En difficulté, Benjamin Netanyahou a besoin de rester au pouvoir afin de se mettre à l’abri des éventuelles poursuites de la Cour Suprême
Jérémy Dieudonné (UCLouvain), expert des questions liées au Moyen Orient
3. L’urgence militaire pour rester au pouvoir
L’attaque du 7 octobre perpétrée par le Hamas a considérablement affaibli Benjamin Netanyahou, en révélant les failles sécuritaires d’Israël. Des analyses postérieures ont démontré que les services secrets israéliens étaient au fait de ces menaces, qui n’ont donc pas été suffisamment prises en compte. «Les forces militaires ont été concentrées en Cisjordanie, pour protéger et développer la colonisation, développe François Dubuisson. Un choix qui a été fait au détriment de la sécurité sur le front de Gaza.» La déconvenue israélienne après l’humiliation subie par le Hamas aurait renforcé le côté va-t-en-guerre de Benjamin Netanyahou. «Si la guerre s’arrête, son avenir politique sera compromis, résume Jérémy Dieudonné. Il est donc contraint de s’enfoncer dans une logique guerrière pour se maintenir au pouvoir.» En témoigne, selon le spécialiste du Moyen-Orient, la récente explosion des bipeurs et talkies-walkies du Hezbollah, qui participe d’une extension du conflit au Liban.
4. Un gouvernement d’extrême droite va-t-en-guerre et colonialiste
Une volonté expansionniste de Tel-Aviv qui ne date pas d’hier. Mais qui s’est considérablement accélérée depuis la formation du sixième gouvernement mené par Benjamin Netanyahou en décembre 2022, avec l’extrême droite en son sein comme élément aggravant. Depuis, les colons se seraient multipliés dans les territoires palestiniens. «La colonisation de la Cisjordanie est l’un des objectifs de ce gouvernement, confirme François Dubuisson. Les deux ministres d’extrême droite qui y participent n’aident pas à la poursuite d’un compromis, et menacent de quitter l’exécutif si la guerre est abandonnée, ou si l’on se détourne de l’objectif d’anéantissement de Gaza.» Benjamin Netanyahou doit donc satisfaire l’aile très à droite de son gouvernement. «La majorité étant numériquement pauvre, le Premier ministre ne peut pas décevoir l’extrême droite, sous peine de perdre son gouvernement», continue Jérémy Dieudonné.
Les deux ministres d’extrême droite qui y participent n’aident pas à la poursuite d’un compromis, et menacent de quitter l’exécutif si la guerre est abandonnée
François Dubuisson, professeur de droit international à l’ULB
5. Benjamin Netanyahou, fragilisé en interne et en externe
Tel-Aviv doit aussi, en parallèle, démontrer à l’internationale qu’il cherche des solutions de compromis à ce conflit. Car les Etats-Unis, allié historique d’Israël, poussent Tel-Aviv sur cette voie. De même que l’Organisation des Nations Unies (ONU), qui par ses résolutions a maintes fois condamné les dangers de la colonisation israélienne, n’hésitant pas à qualifier sa politique à l’égard des Palestiniens de génocidaire. «Le fait que Benjamin Netanyahou soit pris entre le marteau et l’enclume explique la vision jusqu’au-boutiste et guerrière qu’il imprime à son gouvernement», illustre François Dubuisson. Alors que le Premier ministre israélien a un temps rassemblé tout un pays derrière lui, ce n’est plus le cas aujourd’hui. «Il n’y a plus d’unité nationale, précise encore le spécialiste en droit international. Les manifestations se multiplient en Israël, entre ceux qui s’opposent clairement à Netanyahou et ceux qui continuent d’exiger une libération des otages détenus par le Hamas.» Selon Jérémy Dieudonné, la situation est à ce point polarisée que deux camps se sont créés en Israël: «les anti- et les pro-Netanyahou».
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