Métaux rares : pourquoi le monde sent le soufre
Totalement dépendante des métaux rares, indispensables aux nouvelles technologies, l’économie mondiale tremble : le marché est aux mains de quelques pays, Chine en tête. Ni le recyclage ni la substitution ne résoudront le problème à court terme. Les solutions doivent être plus radicales.
Elles portent des noms étranges aux sonorités sibyllines : tantale, antimoine, fluorine, bismuth, germanium… Il y en a vingt-sept. Vingt-sept matières premières, listées par la Commission européenne et considérées comme critiques. Leur quantité ou leur disponibilité n’est pas préoccupante mais le risque de déséquilibre entre l’offre et la demande, exponentielle, est réel : leurs propriétés chimiques, physiques et électro-magnétiques sont essentielles aux smartphones, batteries électriques, panneaux photovoltaïques, éoliennes, etc. La transition énergétique et numérique ne peut donc se concevoir sans elles. » En trente ans, relève le journaliste français Guillaume Pitron, auteur de La Guerre des métaux rares (éd. Les liens qui libèrent), on a exploité le sous-sol davantage qu’au cours des soixante mille ans précédents. » En 2030, 30 % du parc automobile mondial devrait rouler à l’électricité ou avec un moteur hybride. Trois milliards de nouveaux consommateurs de la classe moyenne, attendus alors dans les pays émergents, accentueront encore la pression sur les produits électroniques, forts de leur pouvoir d’achat dopé.
La Commission européenne a établi sa liste de 2017, la troisième depuis 2011, en vertu de l’importance économique des matières et du risque de pénurie d’approvisionnement. La transition énergétique et numérique était censée nous libérer de notre dépendance au pétrole ? Nous n’avons fait que la troquer contre une autre : le monde est suspendu au bon vouloir des producteurs de métaux et terres rares.
Sur les vingt-sept matières critiques, huit sont importées à 100 % par l’Europe. Le taux de dépendance à l’égard des importations frôle, pour l’ensemble de la liste, les 80 %. Le marché est totalement dominé par quelques pays : la Chine, qui détient un monopole sur les terres rares à hauteur de 95 %, la Russie, le Brésil, la République démocratique du Congo (RDC), l’Afrique du Sud…
Les infrastructures d’extraction y sont insuffisantes. Extraire ces ressources n’est en outre pas une sinécure, car elles sont généralement un sous-produit de métaux plus communs, comme le fer, le nickel ou le cuivre. Sans parler des conditions dans lesquelles ces activités minières se pratiquent parfois, provoquant des guerres pour obtenir le contrôle des mines – comme en RDC – ainsi que des dégâts humains, sanitaires, sociaux et environnementaux inimaginables et scandaleux.
Assise sur un tas d’or, la Chine soupire d’aise : c’est elle qui fixe les règles : 80 % des batteries électriques sont produites sur son territoire. Sueurs froides pour les industriels qui biberonnent leurs produits aux métaux rares : Apple, BMW, Samsung tentent de négocier des contrats de cobalt à long terme directement avec les groupes miniers, court-circuitant les intermédiaires. » L’armée américaine s’inquiète, relève Bernard Mazijns, professeur en développement durable à l’université de Gand. Les matières rares sont indispensables à l’industrie de la défense. » Donald Trump veut d’ailleurs relancer l’extraction de minerais critiques aux Etats-Unis.
Des voix réclament surtout un changement des modes de consommation, une responsabilisation accrue des consommateurs et le remplacement d’une économie du » tout à jeter » par une économie circulaire, qui pourrait passer par l’exploitation de nouveaux sites miniers en Europe. » La jeune génération va vers une économie de partage et non plus de possession, constate Olivier Vanden Eynde, administrateur délégué de Close the Gap (organisation dont l’objectif est de réduire la fracture numérique par la remise en état de matériel IT). Ce ne sera pas facile, mais elle accomplira ce changement de mentalité radical. »
D’autres appellent à des accords mondiaux sur l’exploitation des richesses. » On pourrait imaginer d’échanger des matières premières contre des investissements, le tout en termes équitables « , suggère Raf Custers, chercheur au Groupe de recherche pour une stratégie économique alternative (Gresea).
On pourrait…
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