Mauritanie: quand beauté rime avec obésité (en images)
En Mauritanie, l’obésité des femmes est un critère esthétique synonyme de richesse et préalable au mariage. Si le gavage traditionnel tend à disparaître, les jeunes Mauresques n’hésitent pas à détourner médicaments et pilules destinées au bétail pour correspondre aux canons en vigueur, malgré les risques pour leur santé.
Dans le grand salon de la maison familiale de Nouakchott, capitale de la République islamique de Mauritanie, Lebneik et son amie Mariem s’échangent des conseils pour gagner du poids. « On me dit que je suis jolie mais trop maigre. Avec la melhfa (NDLR: le voile traditionnel), on ne me remarque pas », souffle la Mauresque de 20 ans. Chez les Maures de Mauritanie – soit 70% de la population – et particulièrement dans l’ethnie au pouvoir des Maures blancs, la poésie loue les rondeurs. Le proverbe « la femme occupe dans le coeur de l’homme celle qu’elle occupe au lit » rappelle leur importance.
« Autrefois, les jeunes filles en âge de se marier étaient envoyées dans des camps pour y être gavées de lait et de bouillie de mil des mois durant », relate Aminetou Mint El Moctar, activiste féministe opposée à cette pratique. Si désormais le gavage traditionnel se fait rare, les injonctions perdurent et de nouvelles pratiques continuent à mettre la santé des femmes en danger. Conditionnées par la pression sociale, de nombreuses jeunes filles sont prêtes à tout pour correspondre aux critères de beauté et attirer le regard des hommes. A l’autogavage s’ajoute la consommation de tisanes, suppositoires et autres huiles proposés par les boutiques marocaines de la capitale. Faute des miracles promis, les ados se tournent vers les sirops et vitamines vendus en pharmacie pour augmenter leur appétit et détournent certains médicaments à base de corticoïdes. Lebneik confesse: « J’ai aussi pris du Décadron trouvé sur le marché noir. » Depuis les années 2000, ce médicament destiné au bétail et fabriqué en Inde fait fureur, malgré ses effets catastrophiques. Gonflement du haut du corps, diabète, maladies cardiovasculaires, problèmes respiratoires… Il a même provoqué le décès de plusieurs femmes. Peu à peu, de jeunes Mauresques s’élèvent malgré tout contre ces traditions aux répercussions psychologiques et physiques dramatiques.
Un reportage de Carmen Abd Ali et Clémence Cluzel.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici