Marine Le Pen, plus proche que jamais du sacre
Elle est à deux doigts de prendre sa revanche, largement battue en 2017 par Emmanuel Macron, qui l’avait écrasée lors d’un débat d’entre deux tours: Marine Le Pen, qui a réussi à banaliser l’extrême droite, pourrait devenir la première présidente française le 24 avril.
Largement distancée par le président sortant il y a quelques mois dans les sondages, elle a refait tout son retard ou presque dans les derniers jours de la campagne. Une enquête d’opinion la donnait lundi à 48,5% d’intentions de vote au second tour du scrutin, contre 51,5% pour M. Macron. « La dynamique en faveur de Marine Le Pen n’a jamais été aussi puissante. Un espoir se lève. Ne dispersez pas vos voix », s’est réjoui le président par intérim de son parti, Jordan Bardella.
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Une petite victoire familiale pour la fille de Jean-Marie Le Pen, figure pendant des décennies de l’extrême droite française, qui n’avait jamais pu rêver aussi haut. Elle a dû pour cela patiemment déconstruire ce qu’il avait bâti à coup de harangues antisémites ou racistes, parfois condamnées en justice. « Dédiaboliser » le Front national (FN), jusqu’à en exclure en août 2015 son père, dont les propos clivaient trop pour permettre une victoire nationale. « J’ai adulé cet homme », confie-t-elle. « Je me suis beaucoup battue pour lui mais à un moment donné, cela devait s’arrêter ». Changer l’image du parti à travers une « normalisation », qui passait par un nouveau nom. Le FN, à sinistre réputation, devint « Rassemblement national » (RN) en 2018. Sa formation, qu’elle préside depuis 2011, fait campagne sur son prénom, Marine, préféré à son patronyme, lourdement connoté.
Changements
Sur les plateaux, la candidate, au caractère ombrageux, ne s’énerve plus des piques des journalistes. Elle encaisse poliment. S’habille de couleurs claires. Sourit davantage. Montre son côté femme. Deux fois divorcée, mère de trois enfants, séparée d’une des figures du mouvement, Marine Le Pen, 53 ans, avocate de formation, insiste sur l’économie, parent pauvre du discours du RN, afin de séduire les « perdants » de la mondialisation, souvent attirés par les sirènes de l’extrême droite. Pour la présidentielle de 2022, elle fait campagne sur le pouvoir d’achat, préoccupation numéro 1 des Français, alors que la guerre en Ukraine fait s’envoler les prix du carburant et des aliments. Face à un Emmanuel Macron, ancien banquier d’affaires, désigné « président des riches ».
Un temps débordée à sa droite par Eric Zemmour, elle laisse passer l’orage et voit l’ex-polémiste, qui veut obliger les parents à donner des « prénoms français » aux nouveaux-nés ou créer un ministère de la Rémigration pour renvoyer les étrangers indésirables, s’effondrer dans les sondages. Par rapport au « discours radical, voire brutal » choisi par M. Zemmour, « Marine Le Pen a fait le choix inverse de normaliser, d’adoucir, de lisser son discours », observe Cécile Alduy, professeure à l’université de Stanford et chercheuse associée au Cevipof (Science Po). « Son programme n’a guère changé sur les fondamentaux du FN comme l’immigration et l’identité nationale, mais elle a choisi un autre vocabulaire pour le justifier », poursuit cette spécialiste de l’extrême droite. C’est désormais « au nom de la laïcité et des valeurs républicaines, voire du féminisme, qu’elle attaque l’islam et veut limiter drastiquement l’immigration non-européenne. »
« Agressive »
Sur le plan migratoire, son programme s’est même « durci » depuis 2010, pointait lundi une étude de la Fondation Jean-Jaurès. Marine Le Pen prévoit pour 2022 d’inscrire dans la Constitution la « priorité nationale » qui privera les étrangers de plusieurs prestations. Elle veut aussi, comme Éric Zemmour, expulser les clandestins, criminels et délinquants étrangers, ceux qui sont soupçonnés de radicalisation ainsi que… les étrangers sans emploi depuis plus d’un an, notait-elle. Le deuxième tour lui est pourtant promis par tous les instituts de sondage… à condition que ses électeurs, prompts à bouder les urnes, contrairement à ceux du président sortant, se rendent à l’isoloir dimanche, jour du premier tour. Si elle convainc leurs réticences, un nouveau débat lui est promis face à Emmanuel Macron, pour tenter d’effacer celui de l’entre deux tours en 2017, abordé impréparée, qui avait vu le président sortant l’atomiser. Marine Le Pen, qui reconnaissait fin mars dans le quotidien Le Parisien, une « erreur stratégique », affirme en avoir « tiré les leçons ».
« Il y a cinq ans, j’avais en face de moi un jeune homme venu de nulle part. Je me suis dit qu’il fallait que j’explique aux Français quelle allait être sa politique et donc j’ai été agressive », explique-t-elle. Mais « cette fois-ci, je vais vraiment utiliser mon temps pour montrer aux Français qu’une autre politique est possible. (…) Je pense que je n’ai jamais été aussi près de la victoire qu’aujourd’hui ».
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