Marc Lazar, historien: « La Ligue est divisée »
Un gouvernement dirigé par un banquier dopera-t-il à terme l’extrême droite? Pour l’historien Marc Lazar, Mario Draghi a aussi une grande expérience politique et est soutenu par la population.
Mario Draghi a-t-il été désigné Premier ministre pour une mission conjoncturelle à durée limitée?
Mario Draghi a beaucoup insisté dans son programme sur les questions sanitaires et environnementales, sur la relance de l’économie, le renforcement de la cohésion sociale, les politiques à l’égard des jeunes, sur la nécessité d’investir dans les infrastructures du sud du pays… Le chantier est vaste. Il a même évoqué des réformes de l’administration publique et de la justice. Il nourrit de grandes ambitions, ce qui incline à penser qu’il est là pour durer. Nous connaissons les échéances: l’élection d’un nouveau président de la République en 2022, et ensuite, soit des élections anticipées, soit la poursuite jusqu’à son terme en 2023 du mandat des élus des deux Chambres. Les dirigeants des partis qui le soutiennent font pour l’heure profil bas parce qu’ils savent qu’il est très populaire et fait figure de sauveur. Des tensions apparaîtront vite. Mais le président du Conseil a aussi des atouts. Il a le soutien du président, des Italiens, des dirigeants des pays européens et des Etats-Unis. Tout dépendra de l’évolution de la situation sanitaire et économico-sociale.
Draghi fait figure de sauveur.
Cette nomination consacre-t-elle un échec de la démocratie?
C’est incontestablement un échec des partis. Elle révèle les fragilités et l’instabilité de la démocratie italienne qui, comme beaucoup d’autres mais peut-être plus que d’autres, est travaillée par une défiance de l’opinion publique à l’égard des responsables politiques. Mais Mario Draghi, s’il est un technicien, a aussi beaucoup d’expérience politique.
L’épisode peut-il profiter à l’extrême droite et aux populistes?
La question est ouverte. En pleine progression, Fratelli d’Italia, formation d’extrême droite, refuse de soutenir le gouvernement et va jouer la carte du seul parti d’opposition, même s’il l’annonce responsable. L’attitude du Mouvement 5 étoiles et de la Ligue est sidérante. Dans un passé récent, Mario Draghi était le symbole de la caste honnie par Beppe Grillo. On assiste donc à un éclatement du Mouvement 5 étoiles entre une composante protestataire de type populiste qui refuse de soutenir Draghi et une autre qui s’est institutionnalisée et le soutient. La Ligue, qui était antieuropéenne, se présente maintenant comme proeuropéenne en adoubant ce gouvernement, ce qui révèle aussi une division entre une âme populiste incarnée par Matteo Salvini et une âme responsable symbolisée par les patrons de petites entreprises, le socle historique de la Ligue du nord, qui comptent sur les 209 milliards d’euros de l’Union européenne pour relancer leurs activités économiques.
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