Manifestations en Chine : feu de paille ou révolte durable ? (analyse)
Une vague de manifestations contre la politique zéro Covid du gouvernement écorne l’image du leader tout puissant Xi Jinping à défaut de réellement le menacer. Mais la gestion de la politique zéro Covid reste une sérieuse hypothèque.
Les autorités chinoises ont conjugué un renforcement de la répression et un allègement mesuré des restrictions sanitaires pour juguler, les 28 et 29 novembre, un mouvement de protestation apparu le week-end dans plusieurs villes du pays.
La Chine est régulièrement le théâtre de contestations ponctuelles et localisées contre la politique zéro Covid appliquée par le gouvernement pour contenir les contaminations par le virus. Celle-ci implique souvent des mises en quarantaine dans des lieux dédiés ou des confinements très stricts dont le respect est sévèrement contrôlé. Trois ans après le début de la pandémie partie de Chine, le carcan est lourd à supporter. Il peut conduire à des situations kafkaïennes ou à des tragédies.
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L’une d’entre elles a provoqué une étincelle qui a attisé la contestation. Le 24 novembre, un incendie dans un immeuble de la ville d’Urumqi, capitale du Xinjiang, a provoqué la mort de dix résidents. Il est vite apparu que le drame a été aggravé par les dispositions de prévention sanitaire contre le Covid. Elles ont notamment retardé l’arrivée des pompiers sur place.
À travers le pays
Que la politique zéro Covid du gouvernement se révèle en partie responsable de la mort de citoyens a suscité l’indignation à travers le pays et, la lassitude aidant, des manifestations de colère dans au moins huit villes de Chine. Les plus emblématiques ont eu pour cadres Pékin, où le contrôle de tout mouvement d’humeur de la population est particulièrement serré, et Shanghai, la capitale économique traditionnellement plus frondeuse, où les protestataires ont choisi comme point de ralliement la rue Urumqi.
Une solidarité avec les victimes de l’incendie s’est donc exprimée à travers la Chine dans un élan étonnant quand on sait la répression et l’opprobre que développe le régime à l’encontre de la minorité musulmane ouïghoure qui peuple la province du Xinjiang. Elle a aussi pris un tour très politique. La sinologue Agnès Gaudu soulignait ainsi sur France 5 que les slogans des manifestants s’en prenaient directement à la personne du chef suprême, Xi Jinping, ce qui n’avait pas été le cas lors de la révolte prodémocratie de Tian’anmen, en 1989. Des «A bas Xi Jinping», «Xi Jinping, démission» ou des «Parti communiste, démission» ont en effet été entendus et lus lors des rassemblements, ce qui traduit à la fois une profonde exaspération et un solide courage.
Si le nombre de cas de contaminations est relativement faible en Chine, leur dispersion dans l’ensemble du pays pose un nouveau défi.
Le symbole de la critique de la politique zéro Covid chinoise reste cependant la feuille blanche brandie à bout de bras par des manifestants à travers le pays pour déplorer l’absence de liberté de formuler la moindre remarque sur la politique du Parti communiste chinois. «Sans liberté, autant mourir», était-il écrit sur une de ces pancartes improvisées repérée lors d’une protestation à Shanghai.
Allègement des contraintes
Sans surprise, le régime a choisi de répondre par la fermeté, agitant comme souvent dans les dictatures la suspicion du complot et, comme souvent en Chine, une responsabilité à un échelon inférieur de pouvoir. «Il y a sur les réseaux des forces aux motivations cachées qui établissent un lien entre cet incendie (à Urumqi) et la réponse locale à l’épidémie de Covid-19», a commenté le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Zhao Lijian. Dès le 28 novembre, la police a été déployée sur les lieux de mobilisation du week-end. Des opérations d’intimidation ont été menées contre les manifestants identifiés: appels téléphoniques des services de sécurité, visites au domicile des parents des «suspects», contrôle des smartphones et fermeture des applications «occidentales», arrestations aussi…
Parallèlement, les autorités ont semblé lâcher du lest sur les mesures de restrictions sanitaires. Mais, pour le moment, de façon localisée ou cosmétique sans qu’elles remettent en question la politique zéro Covid. Les étudiants des universités ont été autorisés à rentrer chez eux alors qu’ils étaient tenus de rester sur site depuis trois ans, une façon assez commode d’éviter un risque de contagion de la protestation. Les cours seront donnés en ligne. La municipalité de Pékin a annoncé une accélération de la vaccination, notoirement insuffisante chez les personnes âgées, et a interdit la pratique du blocage des portes des bâtiments des complexes de logements confinés. A Urumqi, les habitants ont été autorisés à emprunter les bus pour leurs déplacements.
Ces mesures semblent surtout motivées par la volonté d’éteindre une contestation naissante. Elles ne répondent pas au défi de fond que représentent la lassitude et l’incompréhension d’une partie du peuple face à cette politique sanitaire hypercontraignante, notamment en regard des images des tribunes de la Coupe du monde de football, ensuite censurées, présentant des spectateurs sans masque.
Régime fermé?
Sans doute n’est-il pas anodin que cette poussée de fièvre survienne un mois après le XXe Congrès du Parti communiste chinois qui a reconduit Xi Jinping à sa tête et a fermé les perspectives d’ouverture. En dénonçant la politique zéro Covid, c’est Xi Jinping, qui n’a cessé d’en vanter les mérites, que ciblent les manifestants.
Or, si le nombre de cas de contaminations est relativement faible en Chine, leur dispersion dans l’ensemble du pays, et notamment dans des provinces qui avaient été épargnées, pose un nouveau défi au gouvernement, complique la recherche d’une solution et multiplie les foyers potentiels de contestation. Voilà donc le «grand accélérateur des choses», un des surnoms de Xi Jinping, singulièrement freiné dans sa marche en avant.
Le contexte
Le week-end des 26 et 27 novembre, des manifestations contre la politique zéro Covid du gouvernement chinois ont eu lieu dans plusieurs grandes villes du pays. Elles répondaient à un incendie qui s’est déroulé le 24 novembre à Urumqi, capitale de la province du Xinjiang, et qui a fait au moins dix morts. Sans les entraves à l’arrivée des secours posées par les restrictions sanitaires, le bilan aurait été moins lourd. Ce constat a provoqué une vague de colère de la population. Un mouvement que le pouvoir s’est empressé d’étouffer en mêlant renforcement de la répression et réduction des obligations.
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