Malgré les réformes, le Panama peine à se défaire de sa réputation de paradis fiscal
Les révélations des « Pandora Papers » braquent une nouvelle fois la lumière sur le Panama, critiqué pour la facilité avec laquelle il est possible d’y créer des sociétés offshore, malgré les efforts récents de ce pays d’Amérique centrale pour ne plus être considéré comme un « paradis fiscal ».
« Il est de notre devoir de défendre les intérêts de la nation et de lutter pour que le nom du pays ne soit pas associé à des activités que nous répudions et que nous combattons avec la loi », a réagi dès dimanche le président panaméen, Laurentino Cortizo, après les révélations du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ). Le chef de l’Etat a promis des enquêtes.
Selon l’ICIJ, 14.000 sociétés offshore installées au Belize, aux Îles Vierges britanniques et au Panama ont été créées avec l’aide du prestigieux cabinet d’avocats panaméen Alcogal (Aleman, Cordero, Galindo & Lee) qui aurait joué « un rôle majeur dans l’évasion des taxes ».
L’enquête accuse Alcogal d’être impliqué dans la création de ces sociétés offshore pour dissimuler dans des paradis fiscaux l’argent d’environ 15.000 clients depuis 1996, dont environ 160 politiciens et personnalités publiques. Des accusations rejetées par le cabinet.
Or ces nouvelles révélations tombent au plus mal pour le pays de 4 millions d’habitants qui assure avoir multiplié ces dernières années les initiatives pour lutter contre l’évasion fiscale et le blanchiment, après le scandale des Panama Papers révélé en 2016.
A l’époque, la fuite de 11,5 millions d’archives du cabinet panaméen Mossack Fonseca avait permis de mettre en lumière un vaste système d’évasion fiscale impliquant des milliers de clients, notamment des responsables politiques et des personnalités.
Avant la publication des « Pandora Papers », le Panama redoutait déjà de se voir une nouvelle fois épinglé. « Les dommages pourraient être insurmontables », estimait le gouvernement dans une lettre transmise à l’ICIJ par le biais d’un cabinet d’avocats.
Problème enraciné
Fin 2017, après le scandale des Panama Papers, le pays avait été inscrit sur la liste noire de l’Union européenne, puis rétrogradé sur la « liste grise » après des engagements du gouvernement panaméen.
Mais il avait été de nouveau été considéré comme un paradis fiscal en février 2020, accusé de ne pas avoir respecté les critères de transparence mondiaux. A l’époque, le président Laurentino Cortizo avait qualifié cette décision d' »arbitraire ».
Le Groupe d’action financière (Gafi), un organisme intergouvernemental de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, estime également que le pays ne fait pas assez pour lutter contre ces deux fléaux.
« Il est primordial de sortir de ces listes » et « d’en sortir une fois pour toutes et pour de bon, pour ne pas rester dans ce cercle vicieux dans lequel nous sommes depuis des décennies, où nous entrons et nous sortons », avait déclaré en juin la ministre des Affaires étrangères, Erika Mouynes, avant une tournée en Europe destinée à faire reconnaître les efforts menés par son pays.
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Pour Luis Hincapié, avocat et ancien vice-ministre panaméen des Affaires étrangères, « le pays a parcouru un long chemin au cours des dix dernières années » en adaptant ses lois. « Désormais les banques ne vous laissent pas ouvrir de compte si elles ne disposent pas de toutes les informations » sur les propriétaires des actions de sociétés inscrites au Panama, rappelle-t-il.
Des mesures ont aussi été mises en oeuvre pour connaître l’origine et le bénéficiaire final des sociétés, les contrôles juridiques ont été accrus et l’évasion fiscale est punie de peines d’emprisonnement.
Un échange d’informations financières a également été établi selon les paramètres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Le gouvernement a d’ailleurs rappelé qu’en 2020, plus de 50% des 762.709 entités juridiques inscrites au registre public avaient été suspendues pour non-respect de la réglementation.
Mais « le Panama n’a pas encore réussi à faire preuve d’efficacité et d’efficience dans la divulgation des bénéficiaires effectifs » des sociétés opaques, souligne auprès de l’AFP Carlos Barsallo, président de la section panaméenne de l’ONG Transparency International.
« Il y a un manque de volonté réelle, le problème est profondément enraciné » et « ne pas l’admettre l’aggrave », ajoute-t-il.
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