Macron, privé de majorité absolue à l’Assemblée nationale: quels scénarios pour l’avenir?
Négocier au cas par cas avec l’opposition, chercher un accord de législature avec la droite ou dissoudre l’Assemblée nationale: voici les scénarios possibles pour le président français Emmanuel Macron, privé de majorité absolue aux élections législatives de dimanche.
Un accord de législature
Avec ses 245 députés sur un total de 577, la coalition Ensemble! pourrait négocier un accord de législature avec l’opposition, principalement le parti de droite Les Républicains (LR) qui dispose de 61 députés, ce qui pourrait lui permettre de dépasser la barre des 289 sièges, seuil de la majorité absolue, pour approuver les textes de loi.
Le vote a été marqué par la percée sans précédent du Rassemblement National (RN, extrême droite) de Marine Le Pen, son adversaire du second tour de la présidentielle, avec 89 députés, et le regain de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes, coalition de gauche) emmenée par le tribun de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon, qui a fait élire 131 députés.
« Ce serait une solution à l’allemande », affirme sur la radio RMC la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina, qui souligne que cette solution consisterait à « donner des gages de gouvernance à l’autre parti ».
Des membres de LR pourraient, par exemple, rejoindre le gouvernement. Christian Jacob, président des Républicains, a toutefois assuré dès dimanche que son parti resterait « dans l’opposition ». « Pour l’instant, ils ferment la porte, mais cela peut évoluer », explique à l’AFP le politologue Pascal Perrineau.
Des accords au cas par cas
Cette solution consiste à gouverner sans une majorité stable et la chercher pour chaque projet de loi. « Sur la réforme des retraites, Emmanuel Macron pourrait, par exemple, s’appuyer sur LR qui y est favorable », affirme à l’AFP Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel à l’université Panthéon-Sorbonne.
« Pour la transition écologique, il pourrait s’appuyer sur les divers gauche et casser la Nupes » en cherchant les voix des écologistes qui font partie de cette alliance de gauche, souligne le constitutionnaliste.
« Le cas par cas, c’est possible mais pas facile« , nuance M. Perrineau, pour qui le mouvement du président centriste libéral Emmanuel Macron, qui a gouverné avec une majorité absolue pendant les cinq années écoulées, « n’a pas forcément le compromis dans les gènes ».
Cette situation n’est pas inédite: l’ancien Premier ministre Michel Rocard avait déjà gouverné avec une majorité socialiste relative de 1988 à 1991, mais il avait alors plus de sièges (275).
Avec une majorité relative, le gouvernement peut aussi avoir recours à l’article 49:3 de la constitution pour contourner le Parlement. Cet article permet de faire passer un texte sans vote, mais son utilisation est désormais limitée au budget, la sécurité sociale, ainsi qu’un texte de loi par session parlementaire.
« C’est une arme à double tranchant », prévient M. Rousseau, rappelant que les députés ont la possibilité de déposer une motion de censure après son utilisation. Si la Nupes, le RN et LR « la votent ensemble, ils feraient tomber le gouvernement ».
La dissolution
Autre arme à double tranchant. Selon M. Rousseau, Emmanuel Macron peut l’utiliser à tout moment.
« C’est un pouvoir discrétionnaire: mais une fois qu’il dissout, il ne peut pas dissoudre une nouvelle fois pendant un an », prévient le constitutionnaliste. « Constitutionnellement, il pourrait donc dissoudre dans les jours qui viennent, mais politiquement, ce serait très dangereux », prévient-il.
« Ce serait même un suicide politique compte tenu de l’antimacronisme qu’il y a dans le pays« , renchérit M. Perrineau qui prédit dans ce cas le même effet contreproductif qu’en 1997, quand l’ancien président de droite Jacques Chirac avait dissout l’Assemblée et s’était retrouvé en cohabitation avec la gauche.
« Politiquement, Emmanuel Macron a tout intérêt à attendre afin d’avoir une justification objective de la dissolution », comme un blocage à l’Assemblée, précise M. Rousseau.
Le référendum
C’est une autre solution pour contourner le Parlement. « L’article 11 de la Constitution permet d’organiser des référendums sur toutes les questions relatives à la politique économique, sociale et environnementale du pays », souligne M. Rousseau.
« On peut très bien imaginer qu’Emmanuel Macron fasse voter la loi sur le pouvoir d’achat par référendum« , ajoute-t-il, tout en soulignant qu’il s’agit aussi « d’une arme à double tranchant », les votants n’approuvant pas forcément cette façon de contourner leurs élus.
La démission
C’est le scénario le moins probable, mais il existe: la démission d’Emmanuel Macron, réélu le 24 avril pour un second mandat de cinq ans, et la convocation d’une nouvelle élection présidentielle.
« Ce serait un coup de poker », prévient M. Rousseau, d’autant que la question se posera sur la possibilité pour lui de se présenter à nouveau.
« La Constitution interdit de faire plus de deux mandats, mais pourrait-il se représenter en argumentant qu’il n’a pas fait deux mandats entiers? », s’interroge le constitutionnaliste, qui craint un débat sans fin sur la question.
« A l’heure où les radicalités sont au plus haut, c’est extrêmement risqué », tranche M. Perrineau.
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